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07/06/2024 | FRANCE | N°23PA00914

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 07 juin 2024, 23PA00914


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le centre national de la propriété forestière (CNPF) à lui verser la somme de 81 760,61 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de la gestion de sa situation administrative pendant la période où il a été placé en congés maladie.



Par un jugement n° 2103412 du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné le centre national de la propri

été forestière à verser à M. A... la somme de 5 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le centre national de la propriété forestière (CNPF) à lui verser la somme de 81 760,61 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de la gestion de sa situation administrative pendant la période où il a été placé en congés maladie.

Par un jugement n° 2103412 du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné le centre national de la propriété forestière à verser à M. A... la somme de 5 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2020, date de réception de sa demande préalable capitalisés à compter du 23 novembre 2021.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 mars 2023, le 5 décembre 2023 et le 28 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Bach, demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du 3 janvier 2023 ;

2°) d'annuler la décision de rejet du 18 décembre 2020 ;

3°) de condamner le centre national de la propriété forestière (CNPF) à lui verser la somme de 81 760,61 euros en réparation des préjudices subis ;

4°) d'assortir cette somme des intérêts de droit, à compter du 23 novembre 2020, date de la notification de sa demande préalable avec capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge du CNPF la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son employeur a commis plusieurs fautes en ne lui versant pas la totalité des sommes qui lui étaient dues, en le laissant sans revenu durant deux années et en violant la forclusion applicable aux créances de revenus ;

- c'est à tort que le tribunal lui a imputé la moitié de la responsabilité dans le traitement de son dossier eu égard à ses propres agissements ;

- les préjudices subis doivent être évalués à 21 760,61 euros au titre du manque à gagner, à 50 000 euros au titre des troubles dans ses conditions et à 10 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 octobre 2023 et le 4 décembre 2023, le Centre national de la propriété forestière conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le CNPF n'ayant pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité, le requérant ne peut faire état d'un quelconque préjudice ;

- le requérant ne peut invoquer un manque à gagner, la totalité des sommes dues lui ayant été versée et qu'aucune erreur n'a été commise lors de la régularisation de sa situation dont le retard est imputable au requérant et enfin que la créance constatée en juillet 2017 était fondée et n'était pas prescrite ;

- en ce qui concerne les préjudices dont il se prévaut, le requérant ne démontre pas l'existence d'un manque à gagner. En outre, la vente de son bien immobilier est intervenue au moment où sa situation a été régularisée. Enfin, il n'apporte aucun élément de nature à justifier de l'existence d'un préjudice moral.

Par ordonnance du 3 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 24 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la propriété forestière,

- le code de la sécurité sociale,

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000,

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986,

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986,

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Briançon, présidente honoraire, pour exercer les fonctions de rapporteur au sein de la 5ème chambre.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon,

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,

- les observations de Me Taormina, représentant M. A..., et les observations de Me Le Douarin, représentant le Centre national de la propriété forestière.

Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 24 mai 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a été recruté, le 1er septembre 2009, en qualité d'agent contractuel public par un contrat de travail à durée indéterminée, pour occuper le poste de directeur du centre régional de la propriété forestière (CRPF) Rhône-Alpes. A compter du 1er janvier 2016, il a été affecté aux services généraux, à Paris, en qualité de directeur de la prospective et des études économiques. Il a été placé en congés maladie ordinaire du 16 août au 27 novembre 2016. De nouveau placé en congés maladie à compter du 24 mai 2017, M. A... n'a jamais repris ses fonctions. A la suite de l'avis du comité médical du 11 décembre 2018, M. A... a été placé en congé de grave maladie à compter du 27 juin 2017 jusqu'en juin 2020. Il a été licencié pour inaptitude physique le 1er novembre 2021. Par un courrier en date du 16 novembre 2020, reçu le 23 novembre 2020, M. A... a adressé au centre national de la propriété forestière (CNPF) une demande indemnitaire en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis en raison de la gestion de sa situation administrative pendant la période où il a été placé en congés maladie. Par une décision en date du 18 décembre 2020, le CNPF a rejeté sa demande. M. A... demande à la Cour de réformer le jugement du 3 janvier 2023, par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné le CNPF à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis, en portant cette somme à 81 760,61 euros.

2. Aux termes de l'article 12 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 : " L'agent non titulaire en activité bénéficie, sur présentation d'un certificat médical, pendant une période de douze mois consécutifs si son utilisation est continue ou au cours d'une période comprenant trois cents jours de services effectifs si son utilisation est discontinue, de congés de maladie dans les limites suivantes : (...) / Après trois ans de services : / - trois mois à plein traitement ; / - trois mois à demi-traitement. ". Aux termes de l'article 13 du même décret : " L'agent non titulaire en activité employé de manière continue et comptant au moins trois années de service, atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. Dans cette situation, l'intéressé conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de douze mois. Le traitement est réduit de moitié pendant les vingt-quatre mois suivants. (...) ". Aux termes de l'article 16 de ce décret : " L'agent contractuel qui cesse ses fonctions pour raison de santé (...) et qui se trouve sans droit à congé rémunéré est : / - en cas de maladie, placé en congé sans traitement pour maladie pour une durée maximale d'une année si l'incapacité d'exercer les fonctions est temporaire. Les dispositions du 3° de l'article 17 lui sont applicables lorsque l'incapacité de travail est permanente (...) ". Aux termes du 3° de l'article 17 de ce décret : " (...) 3° L'agent non titulaire définitivement inapte pour raison de santé à reprendre ses fonctions à l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, d'accident du travail, ou de maternité, de paternité ou d'adoption est licencié. / 4°) (...) Le cas échéant, le licenciement est différé jusqu'à l'expiration des droits de l'intéressé à congé de maternité ou de maladie rémunéré ".

3. M. A... soutient que le tribunal, qui a considéré que le CNPF a commis des fautes dans la gestion de sa situation administrative, ne pouvait comme il l'a fait lui imputer la moitié de la responsabilité, que c'est à tort qu'il a estimé qu'aucune erreur n'a été commise dans le versement de son traitement et que la forclusion ne trouvait pas à s'appliquer sur la saisie à laquelle le CNPF a procédé sur la paye du mois de mars 2019. Le CNPF soutient qu'il n'a commis aucune faute, ni aucune erreur dans le versement des sommes dues.

4. En premier lieu, d'une part, il ne résulte d'aucun texte que le CNPF aurait eu l'obligation d'informer M. A... de la possibilité de formuler une demande de congés pour grave maladie au terme de son congé pour maladie ordinaire en juin 2017. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. A... a été placé en congé de grave maladie à compter du 27 juin 2017 et a été avisé, le 4 juin 2020, soit avant le terme de son congé pour grave maladie fixé le 28 juin 2020, des démarches à entreprendre après épuisement des droits ouverts au titre de ce congé et de la nécessité de diligenter une expertise avant de réunir le comité médical le 12 janvier 2021. Or M. A... a informé l'administration de ce qu'il souhaitait être licencié pour inaptitude physique seulement le 30 avril 2021. Dans ces conditions, eu égard à l'ensemble de ces éléments et des contraintes liées au déroulement des procédures administratives, le délai de six mois qui s'est écoulé entre sa demande et le 28 octobre 2021, date à laquelle est intervenue la décision de licenciement pour inaptitude physique avec prise d'effet le 1er novembre 2021 ne peut être regardé comme constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du CNPF.

5. En deuxième lieu, M. A... invoque plusieurs erreurs commises dans le versement des sommes qui lui étaient dues soit un manque à gagner de rémunération s'élevant selon lui, en dernier lieu, à la somme de 21 578,61 euros.

6. D'une part, pour contester la régularisation de sa situation à compter du mois de

janvier 2017 effectuée sur le bulletin de paye en mars 2019 et solliciter la somme de 21 578,61 euros au titre du manque à gagner, M. A... s'appuie sur un décompte qui s'avère, cependant, erroné dès lors que le tableau qu'il présente au soutien de ses écritures reprend les rémunérations brutes avant prélèvement des cotisations salariales qui s'élèvent à la somme de 109 778,24 euros, dont il déduit la somme de 62 664,23 euros correspondant à la somme nette qu'il a perçue hors indemnités journalières.

7. D'autre part, si M. A... s'appuie également sur les éléments relevés au considérant 7 du jugement pour invoquer une erreur de calcul s'agissant des montants prélevés, les chiffres cités par le tribunal, qui ne tiennent pas compte des cotisations salariales, ne permettent pas davantage de calculer le montant net des sommes qui lui étaient dues.

8. Enfin, lorsqu'un agent non titulaire placé en congé de grave maladie perçoit des indemnités journalières de la caisse primaire d'assurance maladie, l'administration peut procéder à la déduction de ces sommes sur celles qu'elle doit verser à l'intéressé au titre de son traitement. Dans l'hypothèse où l'administration n'opère pas cette déduction, elle peut procéder au recouvrement de la somme correspondant aux indemnités journalières perçues par son agent. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le bulletin de paye de mars 2019 retrace les traitements dus et perçus de janvier 2017 à mars 2019 régularisant le versement à M. A... d'un plein traitement à compter du 27 juin 2017 puis un demi traitement à compter du 27 juin 2018. Contrairement aux allégations de M. A..., selon lesquelles le CNPF tenterait indûment de récupérer les indemnités journalières qu'il a perçues directement, le versement d'un traitement plein à compter du

27 juin 2017, puis d'un demi traitement à compter du 27 juin 2018, justifiait la restitution par M. A... des indemnités journalières qu'il a perçues directement durant cette période ainsi que la régularisation comptable sur son bulletin de salaire de mars 2019 des indemnités journalières à raison desquelles le CNPF était subrogé dans ses droits.

9. En troisième lieu, M. A... a été placé en arrêt maladie ordinaire du 16 août au 27 novembre 2016 puis à compter du 24 mai 2017. Du fait des arrêts maladie cumulés sur l'année glissante, il a perçu un demi-traitement à compter du 25 mai 2017, en application de l'article 12 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, puis a bénéficié d'un arrêt grave maladie à compter du 27 juin 2017. M. A... soutient que le montant de la créance de 3 962,91 euros correspondant au trop perçu de la rémunération à plein traitement du 25 mai 2017 au 30 juin 2017 serait inexact dès lors qu'au vu du bulletin de paye de juillet 2017 il serait redevable seulement de la somme de 1 724,34 euros. Toutefois, le trop-perçu du fait de son passage à demi-traitement à compter du 25 mai 2017 s'élève à la somme de 4 729,73 euros, correspondant au traitement brut à plein traitement dont il convient de déduire la régularisation des cotisations sociales trop prélevées pour un montant de 766,82 euros, la somme négative de 1 724,34 euros mentionnée seulement pour information sur le bulletin de paye de juillet 2017 correspondant à la régularisation des charges patronales prélevées sur cette période et non au montant du trop-perçu de rémunération. Et la circonstance que M. A... a ultérieurement été placé en congé de grave maladie à compter du 27 juin 2017 et a de nouveau perçu un plein traitement à compter de cette date est sans incidence sur la réalité et le montant de ce trop perçu dont le CNPF a pu régulièrement obtenir le remboursement. Enfin, M. A... n'est pas fondé à soutenir que cette créance était prescrite, en application de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dès lors que ce trop-perçu, correspondant au versement d'un plein traitement pour les mois de mai et juin 2017 au lieu d'un demi-traitement, a été constaté sur la fiche de paye de juillet 2017 et que la procédure de saisie de créance en découlant a été mise en œuvre lors de la régularisation de la situation en mars 2019, soit dans le délai de deux ans à compter du versement erroné de cette somme.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CNPF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. A... une somme de 1500 euros au titre des frais exposés par le CNPF et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera une somme de 1500 euros au centre national de la propriété forestière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre national de la propriété forestière.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente honoraire,

- M. Dubois premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 23PA00914


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00914
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : BACH

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;23pa00914 ?
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