La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2024 | FRANCE | N°23PA02726

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 05 juin 2024, 23PA02726


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2108111/1-1 du 26 avril 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.



Procédure

devant la Cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 juin et 16 octobre 2023, M. B..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2108111/1-1 du 26 avril 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 juin et 16 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Jérôme Queyroux, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 avril 2023 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration a rehaussé le montant de la plus-value placée en report d'imposition à hauteur du montant de la soulte ;

- ce constat lui est opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales et s'oppose par suite à la taxation immédiate de la soulte ;

- la perte de liquidité induite par l'apport des titres est de nature à justifier la stipulation d'une soulte ;

- cette perte de liquidité était renforcée par la perspective d'ouverture du capital à des investisseurs autres que des fondateurs.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 novembre 2012, M. A... B... a réalisé un apport de 7 999 actions de la SARL HPL Promotion à la SAS HPL Participation (HPLP), qui avait été créée en 2009, d'une valeur de 850 080 euros. En contrepartie de cet apport, il a reçu 7 392 actions de la SAS HPLP d'une valeur nominale de 1 euro, soit une valeur globale de 7 392 euros ainsi qu'une prime de fusion de 842 688 euros qui sera transformée en 842 688 actions nouvelles de la SAS HPLP dans le cadre d'une augmentation de capital décidée le même jour. A la suite de cette opération, M. B... a déclaré au titre de l'année 2012 une plus-value en report d'imposition de 842 081 euros en application de l'article 150-0 B ter du code général des impôts. Le 22 novembre 2012, M. B... a créé la SARL HPL Groupe (HPLG) en apportant 688 064 titres de la société HPLP d'une valeur de 1 600 000 euros et a, en contrepartie, reçu en rémunération 1 450 000 actions HPLG d'une valeur totale de 1 450 000 euros, ainsi qu'une soulte de 150 000 euros. A l'issue de cette opération, il a déclaré une plus-value d'apport en report d'imposition de 761 936 euros égale à la différence entre la valeur des actions de la société HPLG et la valeur d'acquisition des actions de la société HPLP apportées. Le 19 novembre 2014, M. B... a consenti à la société HPLG un nouvel apport de 172 016 actions de la société HPLP pour une valeur de 13 940 000 euros et a reçu en rémunération 12 680 000 actions de la société HPLG d'une valeur totale de 12 680 000 euros ainsi qu'une soulte de 1 260 000 euros qui a été inscrite au crédit du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la société HPLG. La plus-value résultant de l'opération d'apport a été placée en report d'imposition. Par une proposition de rectification du 22 novembre 2016, l'administration, suivant la procédure de rectification contradictoire, a rehaussé la plus-value en report du montant de la soulte, la portant à la somme de 13 769 784 euros. Le report d'imposition de la soulte a quant à lui été remis en cause selon la procédure d'abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales au motif que la stipulation de cette soulte ne répondait à aucun impératif économique pour la société bénéficiaire de l'apport et était uniquement destinée à masquer l'appréhension de liquidités en franchise d'impôt.

2. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales laissées à sa charge au titre de l'année 2014 à raison de la soulte versée en rémunération de l'apport à la société HPLG des actions qu'il détenait dans la société HPLP, ainsi que des majorations correspondantes, l'administration ayant abandonné la remise en cause d'une partie de la plus-value d'apport grevant les titres apportés en 2014, réalisée le 19 novembre 2012 et placée en report d'imposition.

3. Aux termes, d'une part, de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou bien, à défaut, recherchent le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.

4. Aux termes, d'autre part, du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2014 : " L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. (...) / Les apports avec soulte demeurent soumis à l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus (...) ". En application de l'article 150-0 A du code général des impôts, la plus-value qu'une personne physique retire d'un apport de titres ou droits est soumise à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de sa réalisation. Toutefois, le contribuable bénéficie, en vertu des dispositions précitées de l'article 150-0 B ter du même code, d'un report d'imposition si l'apport est effectué à une société qu'il contrôle et que le montant de la soulte perçue, le cas échéant, n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus à l'échange.

5. En instituant un mécanisme de report d'imposition, le législateur a entendu favoriser les restructurations d'entreprises susceptibles d'intervenir par échange de titres en évitant que l'imposition immédiate de la plus-value constatée à l'occasion d'une telle opération, alors que le contribuable ne dispose pas des liquidités lui permettant d'acquitter cet impôt, fasse obstacle à sa réalisation. Si, dans la version du texte applicable au litige, le report d'imposition bénéficie à la totalité de la plus-value résultant d'une opération d'apport avec soulte lorsque le montant de celle-ci n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus en rémunération de l'apport, le but ainsi poursuivi par le législateur n'est pas respecté si la stipulation d'une soulte au profit de l'apporteur en complément de l'attribution de titres de la société bénéficiaire de l'apport n'a aucune autre finalité que de permettre à celui-ci d'appréhender, en franchise immédiate d'impôt, des liquidités détenues par cette société ou par celle dont les titres sont apportés. Dans ce cas, l'administration est fondée, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, à considérer qu'en stipulant l'octroi de cette soulte, les parties à l'opération d'apport ont recherché le bénéfice d'une application littérale des dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, dans le seul but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'apporteur aurait normalement supportées.

6. Si l'administration fiscale n'a pas remis en cause les motifs économiques à l'origine de l'apport à la société HPLG des titres de la société HPLP, elle a estimé, pour remettre en cause la stipulation d'une soulte, que cette dernière présentait un caractère artificiel, faute d'être justifiée par la nécessité d'équilibrer le rapport d'échange des titres ou de rééquilibrer l'actionnariat, dès lors que M. B... était le seul associé de la société HPLG. Elle a également relevé que la soulte stipulée au profit de M. B... a été inscrite sur son compte courant d'associé dans la comptabilité de la société HPLG et que M. B..., en sa qualité d'associé unique de la société, a décidé d'en limiter le capital alors qu'il aurait pu le porter à la valeur des actions apportées, ce qui aurait été plus avantageux financièrement pour cette société. Si M. B... fait valoir que la perte de liquidité induite par l'apport des titres est de nature à justifier la stipulation d'une soulte, il ne résulte pas de l'instruction que l'apport de parts de la société HPLP, laquelle était déjà une société holding, à la société HPLG, autre société holding dont il était l'associé unique, ait entrainé, en ce qui le concerne, une quelconque perte de liquidité. La circonstance invoquée que, dans le cadre de l'entrée de la société 3J au capital de la société HPLP devenue Alila Participation, un pacte d'actionnaires, en cours de négociation à la date de l'apport en cause, a été conclu le 22 juin 2015 entre la société 3J et la société HPLG et qu'il prévoyait une clause d'inaliénabilité des titres HPLG jusqu'en juin 2017 ne saurait être valablement invoquée en l'absence du moindre élément permettant d'établir qu'à la date de l'apport, soit le 19 novembre 2014, des engagements auraient été pris de nature à affecter la liquidité des titres perçus par M. B... en échange des titres apportés par ce dernier. La circonstance que la société 3J ait souscrit au cours de l'année 2013 à un emprunt obligataire de la société HPLP et qu'elle soit alors entrée au conseil de surveillance de celle-ci, et que des contacts étroits ait été noués au cours du premier semestre 2015 entre les dirigeants de la société 3J et ceux de la société HPLP devenue Alila Participation ne sauraient suffire à établir qu'il ait existé, à la date de l'apport une différence de liquidité entre les titres apportés et les titres reçus. L'administration était par suite fondée à constater que la soulte en litige était constitutive d'un abus de droit et ne pouvait par suite bénéficier du report d'imposition prévu par les dispositions citées au point 4., sans que le requérant puisse utilement se prévaloir de ce que le service aurait pris une position formelle qui lui serait opposable, en intégrant la soulte en cause dans la plus-value en report avant de constater l'absence de droit au report sur le fondement de l'abus de droit. En effet, les mentions de la proposition de rectification en date du 22 novembre 2016 ne sauraient en tout état de cause, et eu égard à leur date, être valablement invoquées sur le fondement des dispositions combinées du premier alinéa de l'article L. 80 A et de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, lesquelles impliquent que la prise de position formelle dont s'agit soit antérieure à la décision d'imposition primitive faisant l'objet du rehaussement contesté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 23PA02726 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02726
Date de la décision : 05/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SELAS ARCHIMEDE AVOCATS & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-05;23pa02726 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award