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31/05/2024 | FRANCE | N°23PA04629

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 31 mai 2024, 23PA04629


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



1°) M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008.



Par un jugement n° 1908407 du 30 novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



2°) M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droi

ts et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1908407 du 30 novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

2°) M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1908344 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA00457, 21PA00510, 21PA05386 du 29 juin 2002, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre les deux jugements précités.

Par une décision n° 466960 du 9 novembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il statue sur les conclusions de M. B... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des majorations correspondantes mises à sa charge au titre des années 2007 et 2008 au motif que sa réclamation n'était pas tardive, renvoyé l'affaire dans la limite de la cassation, et rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une première requête enregistrée le 19 janvier 2021 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles et transmise par une ordonnance du 21 janvier 2021 à la Cour où elle a été enregistrée sous le numéro 21PA00457, une seconde requête enregistrée le 29 janvier 2021 sous le numéro 21PA00510, et des mémoires enregistrés le 9 septembre 2021 et les 6 et 12 février 2024, M. B..., représenté par Me Tournoud, avocat, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1908407 du 30 novembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments d'imposition, et des pénalités, auxquels il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008, sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'administration fiscale aux entiers dépens.

M. B... indique renoncer à ses moyens, en tant que de besoin, en tant qu'ils ont trait au bien-fondé des impositions en litige et soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- il disposait d'un délai de dix ans pour former une réclamation préalable en application du deuxième alinéa de l'article L. 169 et de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales ;

- l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles n° 14VE00311 du 28 janvier 2016 ne peut lui être opposée ;

- la procédure de taxation d'office est irrégulière, en l'absence d'obligation de souscrire une déclaration de bénéfices et de preuve de l'exercice occulte d'une activité génératrice de bénéfices industriels et commerciaux ;

- la seule défaillance déclarative ne permet pas l'application de la majoration pour activité occulte ;

- il y a lieu de réduire la base des impositions en litige à raison de l'application du coefficient de 1,25 prévu à l'article 158,7 du code général des impôts, laquelle méconnaît l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistré le 18 mars 2021 et le 8 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir, dans le dernier état de ses écritures, qu'il n'entend plus se prévaloir de l'irrecevabilité de la réclamation du 19 décembre 2018 du fait de la forclusion du délai de réclamation, et soutient que :

- la requête est irrecevable à raison de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour administrative d'appel n° 14VE00311 du 28 janvier 2016 ;

- les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Vu :

- l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles n° 14VE00311 du 28 janvier 2016 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

- l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023, affaire 26604/16, Waldner c/ France ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., résident fiscal suisse, est administrateur et actionnaire majoritaire de la société Phyto Concept Conseil qui a son siège social en Suisse et a pour activité la recherche et le développement, la production et la commercialisation de matières premières végétales ou assimilées naturelles destinées à l'industrie pharmaceutique, cosmétique et agroalimentaire et les secteurs dérivés, ainsi que toute opération commerciale convergente. Dans le cadre d'une convention de prestations de service conclue le 31 juillet 2006, la société Phyto Concept Conseil a facturé à la société Herb's International Service, établie en France, des prestations réalisées par M. B.... A la suite de vérification de comptabilité de cette société, l'administration a fait application des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts en intégrant dans le revenu imposable de M. B..., au titre des années 2007 et 2008, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, les sommes facturées par la société Phyto Concept Conseil à la société Herb's International Service, en estimant que M. B... assurait directement ces prestations à partir d'une installation fixe d'affaires située dans les locaux de cette dernière société en France, par une proposition de rectification du 30 novembre 2010. Une première réclamation, en date du 31 mai 2012, a donné lieu à un premier jugement de rejet du tribunal administratif de Montreuil en date du 15 novembre 2013, n° 1300885, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en date du 28 janvier 2016, n° 14VE00311. M. B... a également fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité individuelle exercée en France au titre des prestations facturées par la société Phyto Concept Conseil à la société Herb's International Service, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 11 décembre 2015, portant sur les revenus des années 2009 à 2011, lui a été adressée. Par un deuxième jugement n° 1908407 du 30 novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande relative aux suppléments d'imposition et pénalités établis au titre des années 2007 et 2008, ayant fait l'objet d'une nouvelle réclamation préalable en date du 20 décembre 2018. Par un troisième jugement n° 1908344 du 7 octobre 2021, le même tribunal a rejeté sa demande au titre des années 2009 à 2011. Par un arrêt n° 21PA00457, 21PA00510, 21PA05386 du 29 juin 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté ses demandes. Par une décision n° 466960 du 9 novembre 2023, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il statue sur les conclusions de M. B... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des majorations correspondantes mises à sa charge au titre des années 2007 et 2008 au motif que sa réclamation n'était pas tardive, renvoyé l'affaire dans la limite de la cassation prononcée et rejeté le surplus des conclusions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". Aux termes de l'article L. 68 de ce même code, dans sa version applicable : " La procédure de taxation d'office (...) n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite (...) ".

3. M. B... a exercé au cours de la période contrôlée des prestations de services dans le cadre d'une convention conclue le 31 juillet 2006 entre les sociétés Phyto Concept Conseil et Herb's International Service et facturées par la première à la seconde. La convention du 31 juillet 2006, qualifiée par le vérificateur de convention d'assistance, de conseil et de représentation, prévoit que la société Phyto Concept Conseil s'engage à fournir son assistance et à réaliser des prestations de services dans sept domaines tels que le marketing et les appuis commerciaux pour la mise en place d'une stratégie commerciale, le " contact avec les fournisseurs ", la conception/création de nouveaux produits, la " représentation extérieure au siège ", l'aide au " développement de la clientèle (...) " en apportant tous les soins nécessaires pour introduire la société [Herb's International Service] auprès de tout client éventuel, et promouvoir son activité ", ou encore la négociation de la " vente de produits pour le compte et au nom " de la société Herb's International Service. M. B..., qui n'était lié par aucun rapport de subordination avec la société Herb's International Service, doit être regardé comme ayant exercé une activité commerciale d'agent d'affaires en qualité d'intermédiaire en achat de marchandises à l'international, chargé de prospecter personnellement des " cibles " à l'étranger et de les présenter au " service achat " de la société Herb's International Service, dont les revenus sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application du premier alinéa de l'article 34 du code général des impôts.

4. Par ailleurs, il est constant que M. B... n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce alors que, comme il a été dit au point précédent, il a exercé une activité professionnelle indépendante lui permettant de rendre des services en France à partir d'une base fixe d'affaires. La circonstance selon laquelle M. B... réalise une partie de son activité à l'étranger demeure sans incidence dans la mesure où les services en cause ont été rendus à une société établie en France et sont à ce titre rendus en France à partir d'une base fixe également située sur le territoire national. Dès lors, M. B... n'ayant effectué aucune déclaration de ces bénéfices, c'est à bon droit que l'administration, sans être tenue de lui adresser des mises en demeure de déposer des déclarations catégorielles pour l'imposition à l'impôt sur le revenu, a évalué d'office ses bénéfices taxables au titre des années 2007 et 2008 en application des dispositions des articles L. 73,1° et L. 68,4° précités.

Sur le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la charge de la preuve :

5. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

6. Pour les motifs exposés précédemment, l'administration fiscale pouvait à bon droit procéder à une évaluation d'office. Par suite, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge incombe au requérant.

S'agissant de l'application de l'article 155 A du code général des impôts :

7. Aux termes du I de l'article 155 A du code général des impôts : " Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A ". Les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte. L'administration fiscale apporte la preuve que des sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières en vertu du I de l'article 155 A du code général des impôts par la production d'éléments attestant de ce que ces personnes ont réalisé les prestations de services en cause et de ce qu'elles contrôlent la personne qui perçoit la rémunération de ces services. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable d'apporter des éléments permettant d'établir que la facturation de ces prestations par la société établie hors de France aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui lui aurait été propre et de regarder le service ainsi rendu comme l'ayant été pour son compte.

8. Il résulte de l'instruction qu'aux termes d'un contrat du 31 juillet 2006 conclu entre les sociétés Phyto Concept Conseil et Herb's International Service, les prestations de service consistent notamment sur l'assistance dans la mise en place d'une stratégie commerciale, sur les contacts avec les fournisseurs, la gestion des achats et des prix, le développement de nouveaux produits et la représentation de la société à l'occasion de foires, salons, conférences. L'administration fiscale a considéré que les sommes ont été versées par la société Herb's International Service à la société suisse Phyto Concept Conseil domiciliée chez M. B... qui en est le dirigeant et l'administrateur, en rémunération des services rendus par ce dernier et que cette dernière n'exerçait aucune autre activité industrielle ou commerciale.

9. Par ailleurs, si le requérant fait valoir que les prestations fournies à la société Herb's International Service portaient sur la recherche de fournisseurs hors de France et ont nécessité de nombreux déplacements à l'étranger et que ces prestations ne peuvent être regardées comme des services rendus en France au sens et pour l'application du II. de l'article 155 A du code général des impôts, il n'en demeure pas moins que les services fournis par M. B... consistent dans des prestations d'assistance commerciale au profit de la société établie en France qui portent sur la mise en place d'une stratégie commerciale, sur les contacts avec les fournisseurs, la gestion des achats et des prix, la création, le développement de nouveaux produits et le développement de la clientèle, l'assistance et la représentation de la société à l'occasion de salons, foires et conférences, la réalisation d'audits auprès des fournisseurs et la négociation et la vente de produits pour le compte de la société. S'il n'est pas contesté que M. B... s'est rendu pour les besoins de l'activité qu'il déploie en faveur de la société Herb's International Service en Suisse d'une part, et à l'étranger, d'autre part, cette circonstance n'est pas suffisante pour faire échec à la taxation en France des bénéfices réalisés à l'aide et à partir de sa base fixe d'affaires française, alors qu'il résulte de l'instruction que M. B... disposait à titre permanent d'une base fixe d'affaires constituée d'un bureau, d'une ligne téléphonique fixe (poste 119), d'une adresse électronique au nom de la société Herb's International Service, dans les locaux de celle-ci situés à Lozanne (Rhône), à partir de laquelle il exerçait une activité commerciale d'entreprise individuelle. En outre, il n'apporte pas la preuve de la fréquence des déplacements à l'étranger dans le cadre de ses prestations. De même, la signature de M. B... apparaît systématiquement sous la rubrique " intervenant " sur les fiches de présences jointes à l'appui des factures de la société Phyto Concept Conseil. De la même manière, l'exploitation des fiches de présence de M. B... met en évidence des interventions quasi quotidiennes de ce dernier pour le compte de la société Herb's International Service. Il apparaît ainsi que M. B... gère les intérêts commerciaux de cette dernière à partir de l'installation fixe d'affaires dont il dispose dans les locaux de cette société.

10. Il résulte, en outre, des stipulations de la convention du 31 juillet 2006 que, si la rémunération des prestations comportait une part fixe, elle-même fonction du nombre de jours d'intervention, elle comportait également une part variable égale à 7 % du chiffre d'affaires réalisé et encaissé par la société Herb's International Service. De plus, les éléments recueillis lors du contrôle par le service vérificateur établissent que M. B... est l'unique acteur des prestations facturées, la société n'ayant apporté aucune justification sur l'intervention éventuelle d'autres intervenants.

11. Enfin, aucun des arguments avancés par M. B... ne caractérise l'exercice d'un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de la société Herb's International Service, alors qu'il résulte de la convention du 31 juillet 2006, dont l'article 4 stipulait que la société Phyto Concept Conseil assumerait les risques inhérents à son activité, ainsi que des déclarations faites en cours de contrôle, que M. B... disposait d'une liberté d'organisation et de gestion de son activité et qu'il était autonome dans ses méthodes de travail, son fonctionnement et ses dépenses.

12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que, contrairement à ce que soutient M. B..., compte tenu de la nature et des caractéristiques de son activité, ainsi que de ses modalités de rémunération, c'est à bon droit que l'administration fiscale a regardé l'intéressé comme exerçant une activité d'agent d'affaires, commerciale par nature, qui entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 34 du code général des impôts et qu'elle revêtait un caractère occulte, faute d'avoir déposé les déclarations qu'il était tenu de souscrire au titre de son activité commerciale.

S'agissant de la majoration du 1° de l'article 158-7 du code général des impôts :

13. Aux termes des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".

14. En vertu du 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, le montant des revenus passibles de l'impôt sur le revenu, notamment dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion agréé défini aux articles 1649 quater C et suivants du code général des impôts, retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, est multiplié par 1,25.

15. Dans le dernier état de ses écritures, M. B... soutient que l'application de la majoration prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (...), réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion ou association agréé défini aux articles 1649 quater C à 1649 quater H du code général des impôts, lui impose une charge excessive, et se prévaut de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023 dans l'affaire 26604/16 Waldner c/ France, qui s'est prononcée sur la conventionnalité, au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la majoration prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts.

16. Si la Cour européenne des droits de l'homme a jugé, dans l'arrêt précité, d'une part, que la méthode choisie par le législateur pour atteindre le but qu'il s'était fixé, consistant à assurer le paiement de l'impôt au moyen d'une majoration de l'assiette de l'impôt dû par les non-adhérents à une association agréée, à laquelle l'adhésion n'était pourtant pas obligatoire, et par les contribuables concernés ne faisant pas appel à un autre professionnel agréé, alors qu'une telle faculté leur était pourtant accordée par la loi, ne reposait pas suffisamment sur une " base raisonnable " car contraire à la philosophie générale du système basé sur des déclarations du contribuable présumées faites de bonne foi et correctes et, d'autre part, que le taux de la majoration automatiquement applicable, à hauteur de 25 %, entraînait une surcharge financière disproportionnée à l'encontre du contribuable et si elle en a déduit que la méthode retenue par le législateur au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, avait rompu le juste équilibre qui doit exister entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, la Cour, notamment aux points 55 et 56 de cet arrêt, n'a pas retiré la possibilité aux Etats d'appliquer la majoration d'assiette prévue au 1° de l'article 158-7 du code général des impôts, lorsque la mauvaise foi des contribuables, dans le cadre du contrôle d'un système fondé sur les déclarations présumées de bonne foi des contribuables, est établie. Or, eu égard aux éléments de l'espèce mentionnés aux points 8 à 12 du présent arrêt, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que M. B... a exercé de manière occulte une activité de nature industrielle et commerciale, il ne peut faire valoir d'ingérence excessive dans le respect des biens constitués par les revenus tirés de cette activité, au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, résultant de l'application, à la base d'imposition constituée par ces revenus, du coefficient de 1,25 prévu par les dispositions mentionnées du code général des impôts. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur les pénalités :

17. Aux termes de l'article 1728-1 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. Au cas particulier, M. A... B... a exercé, ainsi qu'il l'a été démontré supra, une activité professionnelle en France à partir d'une installation fixe d'affaires. Or, l'activité d'agents d'affaires de M. B... n'a pas été déclarée auprès du centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce. Cette activité est, en conséquence, une activité occulte. Il en ressort que c'est à juste titre que les droits supplémentaires issus du contrôle ont été assortis des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts et de la majoration de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte prévue à l'article 1728 du même code.

18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée opposée par le ministre, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. Ses conclusions aux fins d'annulation de ces jugements et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance et les dépens :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. En outre, le requérant ne justifiant d'aucuns dépens, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 10 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 31 mai 2024.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04629 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04629
Date de la décision : 31/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SCP ARBOR TOURNOUD & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-31;23pa04629 ?
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