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28/05/2024 | FRANCE | N°23PA02960

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 28 mai 2024, 23PA02960


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a fixé le pays de destination et présenté des conclusions aux fins d'injonction.



Par un jugement n° 2209410 du 6 juin 20

23, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a fixé le pays de destination et présenté des conclusions aux fins d'injonction.

Par un jugement n° 2209410 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Walther, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°2209410 du tribunal administratif de Montreuil en date du 6 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 6 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. C... A... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour en qualité de " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer pendant le temps du réexamen une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et sa situation personnelle n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;

- elle est entachée d'erreur de droit en ce que le préfet ne pouvait se borner à lui opposer qu'il avait utilisé une fausse identité pour travailler sans prendre en compte l'attestation de concordance d'identité de son employeur et ses années de travail ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il présente des garanties de représentation effective et ne présente pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans est insuffisamment motivée au regard des quatre critères mentionnés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. B... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien, né le 22 février 1977, est entré irrégulièrement en France en octobre 2015, selon ses déclarations, et s'est maintenu sur le territoire français depuis cette date. Par un arrêté du 17 janvier 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Montreuil du 2 octobre 2019, devenu définitif. A partir du 1er mars 2020, M. A... a travaillé, sous couvert d'une fausse identité, en qualité d'agent de propreté pour la société MKEB SERVICES. Le 26 août 2021, il a sollicité des services préfectoraux son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 6 mai 2022, le préfet de Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans. M. A... relève appel du jugement en date du 6 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du

6 mai 2022.

Sur le refus de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 435-1 et L. 423-23. Il fait état de ce que M. A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en présentant des documents relatifs à une embauche sur un poste d'agent de propreté qu'il occupe depuis mars 2020 sans autorisation et sous une identité usurpée et que l'intéressé, père de trois enfants mineurs, conserve des attaches familiales dans son pays d'origine, la Côte d'Ivoire, où résident toujours ses trois enfants mineurs et ne justifie pas d'une insertion suffisamment forte dans la société française. La décision attaquée comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, eu égard notamment aux mentions portées sur l'arrêté attaqué relevées au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'a pas été procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.

4. En troisième lieu, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, le requérant soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur de droit dans la mesure où il s'est borné à retenir l'usage par l'intéressé d'une identité usurpée. Toutefois, il ressort des termes de la décision en litige que celle-ci est fondée non pas sur l'usage d'une fausse identité ayant donné lieu à une attestation de concordance d'identité, mais sur la circonstance que l'ancienneté professionnelle dont il se prévaut n'est pas suffisante dans le cadre d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui justifie résider habituellement en France depuis 2016, est célibataire et sans charge de famille. En outre, il ne conteste pas les mentions de la décision contestée selon lesquelles il est le père de trois enfants mineurs résidant dans son pays d'origine. Par ailleurs, si M. A... occupe un emploi d'agent de propreté depuis mars 2020 dans la même société MKEB SERVICES, soit depuis deux ans à la date de la décision litigieuse, et que son employeur a établi une attestation de concordance pour certifier la réelle identité de son salarié et présenté une demande motivée d'autorisation de travail faisant état des qualités professionnelles de M. A..., il n'en demeure pas moins qu'aucun contrat de travail n'a été signé par M. A... et son employeur sur la période d'embauche en cause. Dans ces conditions, le requérant ne démontre pas une intégration professionnelle telle qu'elle serait de nature à constituer un motif exceptionnel de régularisation. Par suite, eu égard à la situation personnelle et professionnelle de M. A..., le préfet de Seine-Saint-Denis a pu rejeter sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sans méconnaître l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie de conséquence, de la décision de refus de titre de séjour, soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, est infondé et doit, par suite, être écarté.

8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle de M. A... doit être écarté.

Sur la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

9. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

10. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise des dispositions précitées et fait état de ce qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire à la suite d'un précédent arrêté du 17 janvier 2019 du préfet de Seine-Saint-Denis lui refusant déjà un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire doit être écarté.

11. Ainsi que l'a jugé le tribunal, eu égard à l'absence d'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet pouvait à bon droit, en application du 3° de l'article L. 612-2 et du 5° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser d'octroyer un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par cette décision de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

12. Il résulte du point 6 du présent jugement que le moyen tiré de l'illégalité, par voie de conséquence, de la décision de refus de titre de séjour, soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, est infondé et doit, par suite, être écarté.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans :

13. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français "Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

14. En premier lieu, la décision en litige vise l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que M. A... est, selon ses déclarations, entré en France en octobre 2015, qu'en dépit d'un arrêté préfectoral de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français en date du 17 janvier 2019, il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et que, célibataire mais père de quatre enfants résidant en Côte d'Ivoire, il a demandé son admission au séjour à titre exceptionnel en se prévalant de l'occupation, depuis mars 2020, d'un emploi d'agent de propreté exercé sans autorisation de travail et sous couvert d'une fausse identité. Par suite, l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans est suffisamment motivée au regard des quatre critères énoncés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. En deuxième lieu, il résulte des points 7 et 8 du présent arrêt que le moyen tiré, par voie de conséquence, de l'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français en raison de celle de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

16. En dernier lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans les cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Il ne ressort pas de l'examen de la situation de M. A... que celui-ci ferait état de circonstances humanitaires. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Seine-Saint-Denis aurait méconnu l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle de l'intéressé.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le président-rapporteur,

I. B...L'assesseure la plus ancienne,

M-I. LABETOULLE

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02960


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02960
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : WALTHER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23pa02960 ?
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