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24/05/2024 | FRANCE | N°23PA01915

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 24 mai 2024, 23PA01915


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son certificat de résidence algérien.



Par un jugement n° 2215128 du 10 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 7 mai 2023, M. A... B..., représenté par Me Cha

rtier, demande à la Cour :



1°) d'annuler le jugement n° 2215128 du 10 mars 2023 ;



2°) d'annuler l'arrêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son certificat de résidence algérien.

Par un jugement n° 2215128 du 10 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2023, M. A... B..., représenté par Me Chartier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2215128 du 10 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai, en lui délivrant durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué, qui vise un moyen qui n'était pas soulevé, se méprend sur la nature du titre de séjour sollicité et le nombre d'enfants du requérant présents en France et ne tient pas compte de ses autres attaches familiales présentes sur le territoire, est insuffisamment motivé ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

- la décision attaquée est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, en raison du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 6.4 et 6.5 de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 18 septembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marjanovic a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 5 janvier 1974 et déclarant être entré en France en 1980, a sollicité, le 9 février 2022, le renouvellement du certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dont il était titulaire. Il relève régulièrement appel du jugement du 10 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé ce renouvellement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la demande présentée le 15 juillet 2022 devant le tribunal que M. B... y a exposé que : " il y a lieu de relever la surprenante manière adoptée par le Préfet de Police de Paris, en prévenant de prime abord le requérant qu'aucune disposition de l'accord franco-algérien ne privait l'administration française du pouvoir qui lui appartient de refuser la délivrance d'un certificat de résidence en se fondant tiré de l'existence d'une menace pour l'ordre public ". Dès lors, M. B... ne peut sérieusement soutenir que le jugement attaqué, en ce qu'il vise un moyen tiré de ce qu' " aucune stipulation de l'accord franco-algérien ne permettait au préfet de lui refuser le renouvellement de sa carte de résident pour un motif d'ordre public ", serait entaché, pour ce motif, d'une insuffisance de motivation.

4. En deuxième lieu, alors qu'il ne ressort pas des motifs du jugement attaqué que le tribunal se serait mépris sur la nature du titre de séjour dont M. B... demandait le renouvellement, la seule circonstance que son point 9 fasse mention d'un refus de renouvellement d'une " carte de résident " en lieu et place du " certificat de résidence algérien " dont était titulaire l'intéressé ne caractérise pas davantage une insuffisance de motivation de nature à l'entacher d'irrégularité.

5. En troisième lieu, si M. B... soutient que le jugement attaqué indique à tort qu'il est " père de quatre enfants dont trois sont mineurs ", l'inexactitude alléguée de cette mention, pourtant conforme aux indications fournies par le requérant lui-même dans sa demande présentée le 15 juillet 2022 devant le tribunal, est en tout état de cause sans incidence sur l'appréciation du caractère suffisant ou non de sa motivation.

6. En quatrième lieu, il ressort des termes du point 9 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés, ont suffisamment répondu au moyen tiré de l'atteinte disproportionnée que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

7. En cinquième et dernier lieu, il ressort des termes du point 4 du jugement attaqué que le tribunal a expressément écarté le moyen, soulevé par M. B..., tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'un défaut de réponse à ce moyen.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

9. L'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, en précisant qu'il statue sur la demande de renouvellement de son titre de séjour présentée par M. B... sur le fondement des stipulations de l'article 6.5 de ce dernier accord, en faisant mention des condamnations pénales dont il a fait l'objet et de la présence sur le territoire français de sa mère, de sa fratrie et de ses trois enfants et en concluant que " compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale ". Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle.

10. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) / 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. M. B... se prévaut de la durée de son séjour sur le territoire national, où il est entré en 1980, à l'âge de six ans, ainsi que l'établit le certificat de scolarité qu'il a versé aux débats, et de la présence en France de sa mère et de ses deux frères, tous trois titulaires de certificats de résidence d'une durée de validité de dix ans, de ses deux sœurs, de nationalité française, de ses trois enfants, dont l'un est mineur et de nationalité française, ainsi que de sa petite-fille, née postérieurement à la décision attaquée. Toutefois, en se bornant à produire un bulletin de salaire pour une mission temporaire de trois jours au mois de mai 2020 et ses avis d'imposition sur ses revenus, s'élevant respectivement à 226 euros et 1 545 euros, pour les années 2020 et 2021, il ne justifie pas d'une réelle intégration professionnelle en France. En outre, alors qu'il est constant qu'il vit séparé de la mère de ses enfants, il ne fournit aucun élément de nature à établir qu'il subviendrait effectivement aux besoins de son fils mineur. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet, entre 2008 et 2020, de quatre condamnations pénales, dont une condamnation à une peine de dix ans de réclusion criminelle, prononcée le 11 septembre 2015, pour des faits d'extorsion en bande organisée commise avec une arme et arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d'otage pour faciliter un crime ou un délit, commis en bande organisée, et une condamnation à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans en raison de menaces de mort proférées à l'encontre de son ex-épouse. Eu égard à la gravité, à la réitération, et au caractère récent des faits reprochés à M. B..., le préfet de police a pu estimer à bon droit que le requérant représentait une menace à l'ordre public. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le refus de séjour opposé à M. B..., qui n'a au demeurant pas été assorti d'une mesure d'éloignement et n'a pas par lui-même pour effet de séparer l'intéressé de ses proches vivant en France, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, tenant notamment à la protection de l'ordre public. Pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de ce dernier. Il s'ensuit que le moyen d'erreur manifeste d'appréciation et ceux tirés de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent doivent être écartés.

12. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du seul cas des ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues, notamment, aux 4 et 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, équivalentes à celles des articles L. 423-7 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.

13. Or, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B... ne justifie pas remplir les conditions posées aux 4 et 5 l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le préfet de police n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande de titre de séjour.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 24 mai 2024.

Le rapporteur,

V. MARJANOVICLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 23PA01915


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01915
Date de la décision : 24/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Vladan MARJANOVIC
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-24;23pa01915 ?
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