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24/05/2024 | FRANCE | N°22PA04925

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 24 mai 2024, 22PA04925


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.



Par un jugement n° 2102520 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et

un mémoire enregistrés les 21 novembre 2022 et 6 mars 2024, M. B... et Mme D..., représentés par Me Parlanti, demandent à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 2102520 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 novembre 2022 et 6 mars 2024, M. B... et Mme D..., représentés par Me Parlanti, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102520 du 30 septembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont droit à la déduction des frais professionnels réels engagés par M. B... au titre de l'année 2015, qui intègrent des déplacements professionnels d'une distance totale de 29 415 kilomètres, effectués grâce à deux véhicules prêtés respectivement par sa mère et par la sœur de sa compagne, les frais de péage correspondants et des frais de téléphonie ;

- pour la détermination du montant du crédit d'impôt prévu à l'article 200 quaterdecies du code général des impôts, ils ont droit à l'application du taux majoré de 40 % dès lors que, conformément à la mesure de tempérament prévue au point n° 60 de l'instruction BOI-IR-RICI-350-20-30, les travaux nécessaires à l'attribution du label BBC 2005 ont été réalisés et achevés dans les douze mois qui suivaient la livraison, le 5 mai 2012, de leur maison d'habitation ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré est injustifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... et Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marjanovic,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle sur pièces de leur dossier, M. B... et Mme D..., qui sont liés par un pacte civil de solidarité, ont été assujettis à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2014 et 2015, mis en recouvrement le 30 avril 2019. Par la présente requête, ils relèvent régulièrement appel du jugement en date du 30 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les frais professionnels :

2. Aux termes de l'article 83 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : / (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. / La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut, après défalcation des cotisations, contributions et intérêts mentionnés aux 1° à 2° quinquies et à l'article 83 bis ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. (...) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels, soit dans la déclaration visée à l'article 170, soit sous forme de réclamation adressée au service des impôts dans le délai prévu aux articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales. Le montant des frais réels à prendre en compte au titre de l'acquisition des immeubles, des véhicules et autres biens dont la durée d'utilisation est supérieure à un an s'entend de la dépréciation que ces biens ont subie au cours de l'année d'imposition. / (...) Les frais de déplacement de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. Lorsque la distance est supérieure, la déduction admise porte sur les quarante premiers kilomètres, sauf circonstances particulières notamment liées à l'emploi justifiant une prise en compte complète. / Lorsque les bénéficiaires de traitements et salaires optent pour le régime des frais réels, l'évaluation des frais de déplacement, autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d'intérêts annuels afférents à l'achat à crédit du véhicule utilisé, peut s'effectuer sur le fondement d'un barème forfaitaire fixé par arrêté du ministre chargé du budget en fonction de la puissance administrative du véhicule, retenue dans la limite maximale de sept chevaux, et de la distance annuelle parcourue. / Lorsque les bénéficiaires mentionnés au huitième alinéa ne font pas application dudit barème, les frais réels déductibles, autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d'intérêts annuels afférents à l'achat à crédit du véhicule utilisé, ne peuvent excéder le montant qui serait admis en déduction en application du barème précité, à distance parcourue identique, pour un véhicule de la puissance administrative maximale retenue par le barème. (...) ". Pour pouvoir déduire ses frais réels, le contribuable doit fournir des justifications suffisamment précises pour permettre d'apprécier le montant des frais effectivement exposés par lui à l'occasion de l'exercice de sa profession. Il ne peut ni se borner à présenter un calcul théorique de ces frais, ni à faire état de dépenses réelles sans établir qu'elles constituent une charge inhérente à son activité professionnelle.

3. Il résulte de l'instruction que M. B..., résidant alors avec Mme D... à Bagnolet (Seine-Saint-Denis) et exerçant les fonctions d'associé cogérant de la société SKP Architecture, dont les locaux étaient alors situés dans le 20ème arrondissement de la ville de Paris, a déclaré, au titre de l'année 2015, avoir perçu des salaires ou revenus assimilés d'un montant total de 26 930 euros et engagé des " frais réels " d'un montant total de 10 708 euros. Pour contester la substitution à cette somme de l'abattement forfaitaire de 10 % prévu par les dispositions citées au point précédent du 3° de l'article 83 du code général des impôts, les appelants persistent à soutenir que les frais réels déduits par M. B... incluent des déplacements professionnels d'une distance totale de 29 415 kilomètres, effectués grâce à deux véhicules prêtés respectivement par sa mère et par la sœur de sa compagne, les frais de péage correspondants, ainsi que des frais, non chiffrés, de téléphonie.

4. Toutefois, l' " attestation comptable " du 3 mars 2017, établie par M. B... lui-même sous couvert du " service comptabilité de l'agence SKP Architecture ", n'est accompagnée d'aucun justificatif du caractère professionnel des déplacements qui y sont mentionnés, notamment s'agissant de ceux effectués les 9 et 30 janvier, 13 et 27 février, 7 et 27 avril, 24 juillet, 12 et 24 août, 14 et 28 septembre, 14 et 28 octobre, 12 novembre et 16 décembre 2015 à destination de l'île de Noirmoutier, pour une distance totale de 16 500 kms, ceux effectués les 23 février et 13 août 2015 à destination de Chambéry, pour une distance totale de 2 280 kms, celui effectué le 27 août 2015 vers l'Italie, pour une distance de 1 771 kms, celui effectué vers la Suisse le 2 janvier 2015, pour une distance de 1 080 kms et celui effectué le 23 avril 2015 à destination de Saint-Jean-de-Luz, pour une distance de 1 580 kms. Le caractère professionnel de ces déplacements ne ressort pas davantage des factures de péages produites, ni des attestations et justificatifs relatifs à l'utilisation par M. B... de véhicules appartenant à sa mère et à la sœur de sa compagne. Dès lors, les appelants ne sont pas fondés à demander que les frais réels correspondant à ces déplacements soient déduits des revenus bruts de M. B... au titre de l'année 2015.

En ce qui concerne le crédit d'impôt relatif aux intérêts d'emprunt :

5. Aux termes de l'article 200 quaterdecies du code général des impôts : " I. - Les contribuables fiscalement domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui acquièrent un logement affecté à leur habitation principale, directement ou par l'intermédiaire d'une société non soumise à l'impôt sur les sociétés qui le met gratuitement à leur disposition, peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts des prêts contractés auprès d'un établissement financier à raison de cette opération, tels que définis à l'article L. 312-2 du code de la consommation. / Le premier alinéa s'applique également aux contribuables qui font construire un logement destiné à être affecté, dès son achèvement, à leur habitation principale. (...) / (...) le logement (...) que le contribuable fait construire doit présenter des caractéristiques thermiques et une performance énergétique conformes aux prescriptions de l'article L. 111-9 du code de la construction et de l'habitation. Le contribuable justifie du respect de cette dernière condition selon des modalités définies par décret. (...) / III. - Ouvrent droit au crédit d'impôt les intérêts payés au titre des cinq premières annuités de remboursement des prêts mentionnés au I (...) / IV. - Le montant des intérêts mentionnés au III ouvrant droit au crédit d'impôt ne peut excéder, au titre de chaque année d'imposition, la somme de 3 750 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 7 500 € pour un couple soumis à imposition commune. Cette somme est majorée chaque année de 500 € par personne à charge (...) / V. - Le crédit d'impôt est égal à 20 % du montant des intérêts mentionnés au III, dans la limite mentionnée au IV. (...) / Toutefois, pour les logements (...) que le contribuable fait construire : / 1° Lorsque l'acquisition ou la construction porte sur un logement mentionné au dernier alinéa du III, le taux mentionné au premier alinéa du présent V est porté à 40 % (...) ". Aux termes de l'article 46 AZA septies de l'annexe 3 au code général des impôts : " Les logements mentionnés au troisième alinéa du III de l'article 200 quaterdecies du code général des impôts s'entendent de ceux qui répondent aux conditions d'attribution du label "bâtiment basse consommation énergétique, BBC 2005" mentionné au 5° de l'article 2 de l'arrêté du 3 mai 2007 relatif au contenu et aux conditions d'attribution du label "haute performance énergétique" ".

6. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 24 mai 2017 et de la réponse aux observations du contribuable du 14 mars 2018, que l'administration fiscale a ramené de 3 400 euros à 1 700 euros, pour l'année 2014, et de 3 345 euros à 683 euros, pour l'année 2015, les montants des crédits d'impôt revendiqués par M. B... et Mme D... au titre des intérêts de l'emprunt contracté pour l'acquisition du logement affecté à leur habitation principale, au motif que les travaux nécessaires à l'attribution du label BBC 2005 n'avaient pas été achevés dans les douze mois suivants la livraison du logement.

7. Il est constant que les requérants ont souscrit, en avril 2010, des prêts immobiliers pour financer l'acquisition, en l'état futur d'achèvement, du logement affecté à leur habitation principale, sis 19, rue Michelet à Bagnolet, que la première échéance de ces prêts a été réglée le 5 mai 2010 et que le logement a été livré le 5 mai 2012, sans avoir à cette date la certification BBC 2005. Dans ces conditions, sur le terrain de la loi fiscale, M. B... et Mme D... n'étaient pas en droit, pour les années 2014 et 2015, de calculer le crédit d'impôt prévu par les dispositions rappelées ci-dessus de l'article 200 quaterdecies du code général de impôts au taux de 40 % posé au V dudit article.

8. Toutefois, selon le paragraphe 60 de l'instruction BOI-IR-RICI-350-20-30, publiée au Bulletin officiel des impôts du 12 septembre 2012, et dont les requérants doivent être regardés comme se prévalant sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " En principe, seule l'acquisition ou la construction de logements neufs répondant aux conditions d'attribution du label " bâtiment basse consommation énergétique, BBC 2005 " ouvre droit au bénéfice de la majoration du crédit d'impôt. Il est toutefois admis que la majoration puisse s'appliquer lorsque des travaux permettant au logement de remplir les conditions d'attribution du label " bâtiment basse consommation énergétique, BBC 2005 " sont réalisés concomitamment à son acquisition (cas des logements neufs) ou immédiatement après son achèvement (cas des logements acquis en l'état futur d'achèvement, des logements que le contribuable fait construire ou encore des locaux non affectés à l'usage d'habitation qui sont transformés en logement). Ainsi, pour l'application de cette mesure de tempérament, les travaux doivent être réalisés et achevés dans les douze mois qui suivent (...) l'achèvement de l'immeuble, s'agissant des logements acquis en l'état futur d'achèvement (...). S'agissant d'une mesure dérogatoire, celle-ci doit être appliquée strictement au regard de l'appréciation du délai de douze mois. ".

9. Alors que le service vérificateur a relevé que la visite du logement effectuée le 9 avril 2013 par l'organisme certificateur Promotelec Services avait révélé des anomalies majeures faisant obstacle, à cette date, à la délivrance du label BBC 2005, que M. B... et Mme D... ont cosigné un formulaire Cerfa n° 1348*01 de déclaration d'achèvement des travaux déposé le 2 juin 2013, et fixant à cette dernière date celle de l'achèvement des travaux, et que le label BBC 2005 n'a finalement été attribué que le 13 septembre 2013 par l'organisme certificateur précité, la seule production d'une " déclaration de mise en conformité " établie par M. B... le 5 mai 2013, et transmise le même jour audit organisme, est d'autant moins suffisante à établir que tous les travaux requis pour la labellisation BBC 2005 du logement auraient été achevés à cette date qu'elle n'est accompagnée que d'une facture, non datée mais faisant état d'un règlement " le 03.05.2012 ", relative à la pose d'une chaudière et de radiateurs. Dans ces conditions, M. B... et Mme D... ne peuvent être regardés comme entrant dans les prévisions de la mesure de tempérament rappelée au point 8 du présent arrêt.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

11. En relevant le caractère fluctuant et les incohérences manifestes des explications fournies par M. B... pour justifier le montant des frais réels qu'il a portés en déduction de ses revenus de l'année 2015, l'administration fiscale établit l'intention délibérée de l'intéressé d'éluder l'impôt correspondant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions contestées. Il s'ensuit que leur requête doit être rejetée, en ce comprises leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et Mme A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 24 mai 2024.

Le rapporteur,

V. MARJANOVICLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04925 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04925
Date de la décision : 24/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Vladan MARJANOVIC
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : SELARL GOZLAN ET PARLANTI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-24;22pa04925 ?
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