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24/05/2024 | FRANCE | N°22PA02198

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 24 mai 2024, 22PA02198


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La Société 504 Productions et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 mars 2019 par laquelle la commission du contrôle et de la réglementation du centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a prononcé à l'encontre de la Société 504 Productions une sanction de remboursement intégral des aides et avances attribuées au titre des deux œuvres intitulées " Sofaz (Toulouse, 2017) " et " Moriarty vs Wati Watia Zorey Band

(Festival Rio Loco, 2017) " dans la mesure où elle n'aurait pas déjà procédé à ce rembours...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société 504 Productions et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 mars 2019 par laquelle la commission du contrôle et de la réglementation du centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a prononcé à l'encontre de la Société 504 Productions une sanction de remboursement intégral des aides et avances attribuées au titre des deux œuvres intitulées " Sofaz (Toulouse, 2017) " et " Moriarty vs Wati Watia Zorey Band (Festival Rio Loco, 2017) " dans la mesure où elle n'aurait pas déjà procédé à ce remboursement, d'annuler la décision du 29 mars 2019 par laquelle la commission du contrôle et de la réglementation du CNC a prononcé à l'encontre de M. B... une sanction pécuniaire de 1 000 euros et d'enjoindre au CNC d'attribuer à la Société 504 Productions les autorisations définitives concernant les deux œuvres intitulées " Sofaz (Toulouse, 2017) " et " Moriarty vs Wati Watia Zorey Band (Festival Rio Loco, 2017) ", avec l'ensemble des conséquences de droit en découlant.

Par un jugement n° 1911176 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mai 2022, la Société 504 Productions et M. B..., représentés par la SCP Caston-Tendeiro, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mars 2022 ;

2°) d'annuler les décisions du 29 mars 2019 de la commission du contrôle et de la réglementation du CNC ;

3°) d'enjoindre au CNC d'attribuer à la Société 504 Productions les autorisations définitives concernant les deux œuvres intitulées " Sofaz (Toulouse, 2017) " et " Moriarty vs Wati Watia Zorey Band (Festival Rio Loco, 2017) ", avec l'ensemble des conséquences de droit en découlant ;

4°) de mettre à la charge du CNC une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision attaquée prise à l'encontre de la Société 504 Productions méconnaît le principe général du droit selon lequel une autorité administrative ne peut sanctionner deux fois la même personne à raison des mêmes faits ;

- la société n'a pas manqué aux obligations résultant des dispositions prises pour l'application du 2° de l'article L. 311-58 et suivant du règlement général des aides financières du centre national du cinéma et de l'image animée (RGAF), le report de la captation des concerts étant légitime et conforme aux dispositions des articles 311-58 et suivants du code du cinéma et de l'image animée (CCIA) relatives à l'attribution des allocations d'investissement pour la production qui n'imposent aucun lieu de tournage ;

- la société a respecté le délai de trois ans à compter de la date de délivrance de l'autorisation préalable, mentionné à l'article 311-59 du CCIA, pour demander l'autorisation définitive ;

- le report de captation est conforme aux autorisations préalables dès lors qu'il est sans incidence sur les caractéristiques essentielles des projets ayant motivé leur octroi ;

- les coûts de production sont sans incidence au stade de l'autorisation préalable dès lors que seul le dossier de demande d'autorisation définitive comprend la mention des coûts définitifs ;

- le CNC a déjà octroyé une autorisation définitive à des tournages ayant dû être reportés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2022, le centre national du cinéma et de l'image animée, représenté par la SCP Piwnica et Molinié, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la Société 504 Productions et de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le règlement général des aides financières du centre national du cinéma et de l'image animée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Molinié, représentant le CNC.

Considérant ce qui suit :

1. La Société 504 Productions, qui a pour objet la production et la réalisation de films et d'œuvres audiovisuelles et dont le gérant est M. A... B..., a sollicité une autorisation préalable pour la production des œuvres de recréation de spectacle vivant intitulées " Sofaz (Toulouse 2017) " et " Moriarty Vs Wati Watia Zorey Band (Festival Rio Loco, 2017) ". Par décisions des 25 juillet 2017 et 22 août 2017, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a accordé une autorisation préalable pour chacun des projets et a alloué à la société des allocations d'investissement à la production. Par décisions du 30 août 2018, le CNC a retiré ces autorisations préalables et a sollicité le remboursement des sommes déjà versées à la Société 504 Productions. Le CNC a émis deux titres de recettes respectivement de 24 000 et 24 870,75 euros le 31 août 2018. Par un jugement du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions du 30 août 2018 et les titres de recettes du 31 août 2018 mais par un arrêt n° 20PA02548 du 4 juin 2021 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et a rejeté les demandes présentées par la Société 504 Productions devant le tribunal. Par une décision du 29 mars 2019, la commission du contrôle et de la réglementation du CNC a par ailleurs prononcé à l'encontre de la Société 504 Productions une sanction de remboursement intégral des aides et avances attribuées au titre des deux œuvres intitulées " Sofaz (Toulouse, 2017) " et " Moriarty vs Wati Watia Zorey Band (Festival Rio Loco, 2017) " dans la mesure où elle n'aurait pas déjà procédé à ce remboursement, ainsi qu'une sanction pécuniaire de 1 000 euros à l'encontre de M. B.... La Société 504 Productions et M. B... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande d'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, pour demander l'annulation des décisions attaquées, les requérants se prévalent du principe général du droit selon lequel une autorité administrative ne peut sanctionner deux fois la même personne à raison des mêmes faits. Toutefois, les décisions du 30 août 2018 par lesquelles le CNC a retiré, au demeurant à la seule Société 504 Productions, des autorisations préalables de financement d'œuvres audiovisuelles et a sollicité le remboursement des sommes déjà versées, ont pour seul objectif de recouvrer une subvention devenue indue compte tenu du non-respect de certaines des conditions fixées dès l'origine à son octroi. Les décisions du 30 août 2018 en cause ne constituent donc pas des sanctions administratives et le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit susmentionné ne peut qu'être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code du cinéma et de l'image animée : " Dans les conditions prévues par le présent titre, des sanctions administratives peuvent être prononcées à l'encontre des personnes ayant méconnu les obligations résultant pour elles : / 1° Des dispositions prises pour l'application du 2° de l'article L. 111-2 relatif aux aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée ; / (...) ". Son article L. 421-2 précise que sont passibles de telles sanctions, notamment, les personnes morales soumises aux obligations du présent code et leurs dirigeants de droit ou de fait. Aux termes de l'article 121-5 du règlement général des aides financières du centre national du cinéma et de l'image animée : " Le versement des aides financières attribuées par le Centre national du cinéma et de l'image animée est strictement conditionné au respect des conditions auxquelles est subordonnée leur attribution et au respect des conditions mises à la réalisation du projet ou de la dépense faisant l'objet des aides. / (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que la Société 504 Productions a déposé des demandes d'aides à la production pour les œuvres de recréation de spectacle vivant des groupes " Sofaz " et " Moriarty Vs Wati Watia Zorey Band " dont la captation devait avoir lieu en juin 2017 à l'occasion du festival Rio Loco à Toulouse. En l'absence d'autorisation de la part de l'organisateur du festival, les tournages des deux œuvres concernées n'ont pu être effectués aux dates et lieux prévus et que les spectacles ont fait l'objet de captations ultérieures dans des salles de concert, sans que la Société 504 Productions n'informe le CNC de ces modifications avant la délivrance des autorisations préalables les 25 juillet et 22 août 2017. Si la date et le lieu des tournages ne conditionnent pas en elles-mêmes l'attribution des aides financières, l'objet de l'aide est de subventionner l'œuvre de recréation de spectacle vivant dans les conditions fixées notamment par la demande déposée par la société de production. A cet égard, si la Société 504 Productions fait valoir que l'œuvre audiovisuelle porte sur le spectacle lui-même et non sur la date et le lieu de son tournage, elle ne conteste pas que les notes d'intention dans les dossiers de demande indiquaient la particularité et l'intérêt de capter ces concerts dans le cadre d'un festival. Dès lors, la captation des concerts à l'occasion du festival Rio Loco à Toulouse, ou, à tout le moins, d'un autre festival organisé selon des modalités proches, doit être regardée comme une condition mise à la réalisation des projets faisant l'objet des aides du CNC. Sont sans incidence sur l'appréciation du respect de cette condition les circonstances que le CNC aurait déjà octroyé une autorisation définitive à des tournages ayant dû être reportés dans le temps, que le coût de la captation serait plus important lorsque le tournage a lieu en salle et non lors d'un festival et que la société aurait respecté le délai de trois ans à compter de la date de délivrance de l'autorisation préalable, mentionné à l'article 311-59 du CCIA, pour demander l'autorisation définitive.

5. Par suite, la Société 504 Productions a méconnu l'obligation issue de l'article 121-5 du règlement général des aides financières du centre national du cinéma et de l'image animée de respecter les conditions de réalisation des projets " Sofaz (Toulouse 2017) " et " Moriarty Vs Wati Watia Zorey Band (Festival Rio Loco, 2017). Cette obligation résulte par ailleurs de dispositions prises pour l'application du 2° de l'article L. 111-2 du code du cinéma et de l'image animée relatif aux aides financières du CNC. Les requérants pouvaient donc à bon droit faire l'objet de sanctions de la part du CNC, en application des articles L. 421-1 et L. 421-2 du code du cinéma et de l'image animée.

6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la Société 504 Productions et M. A... B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur requête. Leurs conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, par voie de conséquence.

Sur les frais de l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CNC, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société 504 Productions et à M. B... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société 504 Productions et de M. B... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CNC et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Société 504 Productions et de M. B... est rejetée.

Article 2 : La Société 504 Productions et M. B... verseront au centre national du cinéma et de l'image animée une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société 504 Productions, à M. B... et au centre national du cinéma et de l'image animée.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Bruston, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2024.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02198


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02198
Date de la décision : 24/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SCP CASTON-TENDEIRO

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-24;22pa02198 ?
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