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23/05/2024 | FRANCE | N°23PA02801

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 23 mai 2024, 23PA02801


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 20 octobre 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale de la Seine-Saint-Denis a retiré sa décision implicite, née le 24 août 2020, rejetant la demande d'autorisation de licenciement de la société Worldwide Flight Services Holding et autorisé son licenciement.



Par un jugement n° 2014320 du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Montre

uil a annulé la décision du 20 octobre 2020 de l'inspecteur du travail de l'unité départementale d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 20 octobre 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale de la Seine-Saint-Denis a retiré sa décision implicite, née le 24 août 2020, rejetant la demande d'autorisation de licenciement de la société Worldwide Flight Services Holding et autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 2014320 du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 20 octobre 2020 de l'inspecteur du travail de l'unité départementale de la Seine-Saint-Denis.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 juin 2023 et le 22 février 2024, la société Worldwide Flight Services Holding, représentée par Me Litzler, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 avril 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Montreuil ;

3°) de rejeter les conclusions présentées par Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- l'inspecteur du travail a procédé au contrôle de l'existence éventuelle d'un lien entre la mesure de licenciement et le mandat détenu par l'intéressée ;

- la mesure de licenciement n'est pas en rapport avec le mandat exercé par la salariée ;

- l'inspecteur du travail a exercé son contrôle sur la réalité de l'insuffisance professionnelle de la salariée ;

- l'insuffisance professionnelle de la salariée est établie par les pièces du dossier comme au demeurant l'a estimé l'inspecteur du travail ;

- les recherches de reclassement mises en œuvre et la proposition de reclassement adressée à Mme A... ont été loyales et sérieuses comme l'a au demeurant relevé l'inspecteur du travail ;

- Mme A... cite l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 6321-1 du code du travail dans son mémoire en défense sans toutefois développer de moyens ; en tout état de cause, la salariée n'a fait l'objet d'aucune discrimination et a bénéficié de nombreuses mesures d'accompagnement.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Bouzekri, conclut au rejet de la requête et à ce que la société Worldwide Flight Services Holding lui verse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive et, par suite, irrecevable ;

- la décision de l'inspecteur du travail est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il a manqué à son obligation de contrôle de l'existence éventuelle d'un lien entre son mandat et la mesure de licenciement ;

- l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit en n'exerçant pas de contrôle de la réalité de l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée au motif qu'il n'existait pas d'élément de comparaison.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, de la santé et des solidarités qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de Me Davoult, représentant la société Worldwide Flight Services Holding ;

- et les observations de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. La société Worldwide Flight Services Holding, qui intervient en support de l'ensemble des sociétés en escale du groupe SATS, a recruté Mme A... à compter du 30 juillet 2018 pour exercer les fonctions de " responsable paie et administration du personnel France " dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, Mme A... détenait le mandat de conseiller du salarié. Par une demande reçue le 17 mars 2020, la société Worldwide Flight Services Holding a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de la licencier pour insuffisance professionnelle. Une décision implicite de rejet est née le 24 août 2020. Saisi d'un recours gracieux formé par la société Worldwide Flight Services Holding le 11 septembre 2020, l'inspecteur du travail a, par une décision expresse du 20 octobre 2020, retiré cette décision et autorisé le licenciement de Mme A.... Par un jugement du 3 avril 2023, dont la société Worldwide Flight Services Holding relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision.

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'insuffisance professionnelle, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette insuffisance est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise.

3. Pour annuler la décision du 20 octobre 2020 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement pour le motif tiré de l'insuffisance professionnelle de Mme A..., les premiers juges ont estimé que l'autorité administrative a méconnu la portée de son contrôle et que sa décision est ainsi entachée d'erreur de droit.

4. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée ". Aux termes de l'article R. 2421-7 du même code : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé ". Il résulte de ces dispositions que la motivation de l'autorisation de licenciement doit attester que l'administration a exercé son contrôle, d'une part, sur le motif du licenciement du salarié et, d'autre part, sur l'absence de tout lien avec le mandat détenu par celui-ci.

5. Si la décision du 20 octobre 2020 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme A... mentionne, dans ses visas, le mandat de conseiller du salarié détenu par la salariée et rappelle notamment le principe selon lequel lorsque le licenciement d'un salarié protégé est envisagé, " ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ", elle ne comporte toutefois aucune mention de l'existence ou de l'absence de lien entre la mesure de licenciement et le mandat de Mme A.... Or, contrairement à ce que soutient la société requérante, en l'absence de toute mention en ce sens dans la décision en litige et même si l'inspecteur du travail a mené une enquête contradictoire, il n'est pas établi qu'il ait préalablement examiné si la mesure de licenciement envisagée était en rapport avec le mandat de conseiller du salarié détenu par Mme A.... La circonstance que l'inspecteur du travail a estimé que la matérialité des faits d'insuffisance professionnelle reprochés à la salariée était établie n'est pas par elle-même de nature à démontrer l'absence de lien entre la mesure de licenciement et le mandat exercé par Mme A... et à dispenser, par voie de conséquence, l'inspecteur du travail d'exercer son contrôle sur ce point. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a jugé que l'inspecteur du travail a méconnu la portée de son contrôle. Par suite, la décision en litige qui autorise la société Worldwide Flight Services Holding a procédé au licenciement de Mme A... est entachée d'erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que la société Worldwide Flight Services Holding n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 20 octobre 2020 de l'inspecteur du travail.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Worldwide Flight Services Holding la somme de 2 000 euros à verser à Mme A... sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Worldwide Flight Services Holding est rejetée.

Article 2 : La société Worldwide Flight Services Holding versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Worldwide Flight Services Holding, à Mme B... A... et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure,

V. Larsonnier La présidente,

C. Vrignon-Villalba

Le greffier

P. Tisserand

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02801 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02801
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCHMIDT, BRUNET & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23pa02801 ?
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