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23/05/2024 | FRANCE | N°23PA01752

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 23 mai 2024, 23PA01752


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 mars 2023 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même autorité a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois et a procéd

à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 mars 2023 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même autorité a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2305236/8 du 21 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 avril 2023, M. D..., représenté par Me Barrovecchio, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 21 mars 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2023 du préfet de police de Paris ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Barrovecchio, avocat de M. D..., au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ou à M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative si le bénéfice de l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordé.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- l'administration n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de prendre la décision contestée ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la durée de sa présence en France, à l'intensité de ses liens familiaux en France et à la circonstance qu'il est inconnu des services de police et de gendarmerie ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- il n'a pas été consulté avant l'édiction de la décision en litige, en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- le préfet de police de Paris n'a pas exercé l'étendue de son pouvoir d'appréciation en s'estimant à tort en situation de compétence liée et n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de prendre la décision contestée ;

- la décision contestée est dépourvue de base légale dès lors qu'elle a été prise sur le fondement de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui est contraire aux articles 1er et 3 de la directive " retour " et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas remplies ; il n'a pas fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement et est inconnu des services de police et de gendarmerie ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le pays de renvoi est le Togo.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête méconnaît les dispositions de l'article R. 811-13 du code de justice administrative et est, par suite, irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant togolais né le 1er ou le 6 octobre 1965, entré en France selon ses déclarations en 1985, a été interpellé le 7 mars 2023 par les services de police et placé en garde à vue pour des faits d'acquisition de produits stupéfiants. Par un arrêté du 9 mars 2023, le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un second arrêté pris le même jour, il a prononcé à l'encontre de M. D... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Par un jugement du 21 mars 2023, dont M. D... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui a présenté sa requête le 25 avril 2023, n'a pas déposé de demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle. Eu égard aux circonstances de l'espèce, alors que la situation d'urgence, au sens de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, n'est pas caractérisée, il n'y a pas lieu d'admettre à titre provisoire M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur l'étendue des conclusions :

4. Si M. D... produit l'arrêté du 9 mars 2023 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même autorité a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, il doit être regardé, au vu de ses conclusions à fin d'annulation ainsi que des moyens soulevés au soutien de ces dernières comme demandant l'annulation, d'une part, du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 9 mars 2023 du préfet de police de Paris portant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et, d'autre part, de ce seul arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Dans ces conditions, il entrait dans le champ d'application du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de police de Paris pouvait légalement, sur ce fondement, prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

8. La décision contestée vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8, ainsi que le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que M. D..., né le 1er octobre 1965 à Lomé, de nationalité togolaise, ne peut justifier d'un titre de séjour pour se maintenir sur le territoire français, qu'il est dépourvu de document de voyage (passeport) et qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français. Elle mentionne en outre qu'il s'est déclaré en concubinage avec un enfant non à charge et porte l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Si le requérant soutient que le préfet n'a pas mentionné son mariage, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait marié. Ainsi, le préfet de police de Paris a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté.

9. En troisième lieu, M. D... soutient que le préfet de police de Paris n'a pas procédé à un examen complet de sa situation avant de prendre la décision en litige dès lors qu'il n'a pas pris en considération sa vie privée et familiale, ni la circonstance qu'il a été mis hors de cause des faits de proxénétisme à l'issue de la procédure judiciaire engagée par erreur à son encontre. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet, qui a mentionné dans sa décision que l'intéressé a déclaré vivre en concubinage et avoir un enfant qui n'est pas à charge, a examiné sa situation familiale. Par ailleurs, M. D... n'établit pas avoir produit des pièces de nature à justifier l'abandon des poursuites dont il faisait l'objet à la date de la décision contestée. Il ressort au contraire du procès-verbal de son audition le 8 mars 2023 qu'il a été informé par les services de police que, par un arrêt rendu par défaut le 25 juin 2021, la cour d'appel de Paris l'a condamné pour des faits d'aide, assistance ou protection de la prostitution d'autrui commis du 12 au 22 décembre 2020, à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, à une amende de 800 euros et à une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à une autorisation pendant cinq ans. En tout état de cause, le préfet ne s'est pas fondé sur ces faits pour prendre la décision en litige. Il ressort ainsi des pièces du dossier qu'il a procédé à un examen complet de la situation du requérant avant de prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. M. D... soutient qu'il vit en France depuis trente-cinq ans, soit depuis 1988. Il ressort d'un courrier du 13 février 2004 de la société BNP Paribas qu'il a souscrit un Codevi le 10 avril 1992, qu'il a créé sa société d'électricité générale en 1996 qui a cessé son activité le 3 avril 2008 et qu'il a été titulaire d'une carte de résident entre juin 2001 et juin 2011. Il verse au dossier divers documents ayant trait à son activité professionnelle pour la période 2001 à 2005, un bail conclu le 20 octobre 2002, un courrier de la caisse régionale des artisans de France du 21 novembre 2002, une facture France Telecom du 27 mai 2003, des courriers de la société BNP Paribas du 26 octobre 2005 et du 2 février 2006, un relevé bancaire du mois d'octobre 2005, un avis d'échéance du 5 février 2006, une facture EDF GDF du 25 janvier 2006 et un relevé de situation de la société MAAF du 31 mars 2006. M. D... doit être regardé comme justifiant avoir résidé habituellement en France entre 1992 et 2011. Toutefois, les pièces versées au dossier pour la période comprise entre 2012 et octobre 2019 sont insuffisantes, par leur nombre et leur nature, pour établir sa résidence habituelle en France pendant cette période. M. D... verse au dossier des bulletins de paie de janvier, février, août et septembre 2020 pour un emploi d'électricien, une facture EDF du 27 novembre 2022 et une attestation de titulaire de contrat établie par EDF le 10 mars 2023. Il a fait l'objet, le 8 février 2021, d'un arrêté du préfet de police l'obligeant à quitter le territoire français. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il doit être regardé comme résidant habituellement en France depuis octobre 2019, soit moins de quatre ans à la date de la décision contestée.

12. Pour établir la réalité de la vie commune avec sa compagne, Mme H..., ressortissante suédoise, le requérant produit une attestation de cette dernière, établie le 18 mars 2023, mentionnant qu'ils ont une relation depuis 2001 et qu'ils habitent ensemble depuis 2014, ainsi que des photographies non datées. Toutefois, il ressort des pièces versées au dossier, notamment le bulletin de paie de M. D... de janvier 2020, une facture EDF du 27 novembre 2022 et une attestation de titulaire de contrat établie par EDF le 10 mars 2023 que la vie commune n'est établie qu'à partir de janvier 2020, soit seulement depuis trois ans à la date de la décision en litige. M. D... soutient que son fils, sa mère et sa fratrie ont la nationalité française ou sont en situation régulière sur le territoire français et produit au soutien de ces affirmations les copies des cartes nationales d'identité de M. F... D..., M. A... D..., Mme G... D..., M. B... D..., de la carte de résident de M. I... D... et de la carte de séjour temporaire de Mme E... expirée depuis octobre 2020. Toutefois, et alors que son fils, de nationalité française, âgé de 34 ans, n'est pas à sa charge, il n'établit pas l'existence de relations particulières avec ces personnes. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de son audition le 8 mars 2023 que le requérant n'a pas de ressources. Il ne ressort pas des pièces du dossier, alors qu'il a été interpellé par les services de police après avoir acheté des produits stupéfiants, qu'il serait particulièrement bien intégré à la société française à la date de la décision contestée. Au vu de l'ensemble de ces éléments, notamment de la durée de sa présence en France et le caractère récent de la vie commune avec sa compagne, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de police de Paris aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 11 et 12, le préfet de police de Paris n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation de M. D....

14. En dernier lieu, M. D... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que cette décision n'a pas pour objet de fixer le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

16. La décision en litige vise les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que le comportement de M. D... a été signalé par les services de police le 7 mars 2023 pour acquisition non autorisée de produits stupéfiants et usage illicite de stupéfiants, qu'il ressort du rapport d'identification dactyloscopique qu'il est défavorablement connu pour proxénétisme aggravé de victime mineure, de 15 à 18 ans, non assistance à personne en danger et harcèlements sexuels et autres agressions sur personnes mineures et que ces faits constituent une menace pour l'ordre public. En outre, elle mentionne qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il ne peut justifier y être entré régulièrement, qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement du 8 février 2021 dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Paris du 25 février 2021. Elle indique qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où M. D... ne peut présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Elle indique qu'aucune circonstance particulière de nature à remettre en cause la réalité du risque de fuite ne ressort des allégations de M. D..., ni de l'examen de sa situation et que ce risque s'oppose à ce qu'il lui soit laissé, pour satisfaire à l'obligation de quitter le territoire français, un délai de départ volontaire. Ainsi, le préfet de police de Paris a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision refusant d'accorder au requérant un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté.

17. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et de la motivation de la décision rappelée au point précédent que l'administration a procédé à un examen complet et sérieux de la situation personnelle du requérant et ne s'est pas estimée en situation de compétence liée, notamment lors de l'application des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

18. En troisième lieu, M. D... se borne à reproduire en appel le moyen, sans l'assortir d'éléments nouveaux, qu'il avait développé dans sa demande de première instance, tiré de ce que la décision en litige est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter des observations en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et de la directive 2008/115/ CE. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge au point 12 du jugement, d'écarter ce moyen repris en appel par M. D....

19. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1er de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu'au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l'homme ". Aux termes de l'article 3 de la même directive : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 7) " risque de fuite " : le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite (...) ". Aux termes de l'article 7 de cette directive : " (...) 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire (...) ".

20. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

21. Les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient, par exception au délai de départ volontaire de trente jours institué par les dispositions de l'article L. 612-1 du même code, les hypothèses dans lesquelles un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut se voir opposer une décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire. L'hypothèse prévue au 3° de l'article L. 612-2 constitue la transposition exacte des dispositions du 4° de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008. Les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définissent les critères objectifs de détermination du risque de fuite. Par ailleurs, en prévoyant que des circonstances particulières peuvent faire obstacle à ce que le risque de fuite soit considéré comme établi dans l'hypothèse où un étranger entrerait dans l'un des cas ainsi définis, le législateur a imposé à l'administration un examen de la situation particulière de chaque ressortissant étranger de nature à assurer le respect du principe de proportionnalité entre les moyens et les objectifs poursuivis lorsqu'il est recouru à des mesures coercitives, en conformité avec l'article 3 de la directive.

22. Pour refuser à M. D... un délai de départ volontaire, le préfet de police de Paris s'est notamment fondé sur la circonstance qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise le 8 février 2021, dont la légalité a été confirmée par un jugement du 25 février 2021 du tribunal administratif de Paris, et qu'il existe ainsi un risque qu'il se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige. Pour ce seul motif tiré de ce qu'il s'est soustrait à l'exécution de cette précédente mesure d'éloignement, le préfet de police de Paris pouvait légalement prendre la décision en litige. Par suite, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 612-2 et du 5° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seraient incompatibles avec les garanties inscrites aux articles 1er et 3 de la directive précitée, ne peut qu'être écarté.

23. En cinquième et dernier lieu, eu égard à l'ensemble des éléments énoncés aux points 11 et 12, le préfet de police de Paris n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation de sa décision refusant d'accorder à M. D... un délai de départ volontaire.

Sur la décision fixant le pays de destination :

24. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

25. En se bornant à soutenir qu'il est de nationalité togolaise et que le Togo est le seul pays à destination duquel il pourra être éloigné, M. D... n'établit pas que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, ce moyen doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de sa requête, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'en tout état de cause, celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : M. D... n'est pas admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. D... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure,

V. Larsonnier La présidente,

C. Vrignon-Villalba

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01752 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01752
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BARROVECCHIO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23pa01752 ?
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