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23/05/2024 | FRANCE | N°22PA04267

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 23 mai 2024, 22PA04267


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par trois requêtes distinctes, M. C... B... et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2009, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 20

11, ainsi que la décharge des amendes prévues aux IV et IV bis de l'article 1736 du code gé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois requêtes distinctes, M. C... B... et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2009, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que la décharge des amendes prévues aux IV et IV bis de l'article 1736 du code général des impôts mises à leur charge au titre des années 2012, 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n°s 2014898, 2014900, 2014902 du 20 juillet 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'une somme de 7 500 euros au titre de l'année 2012 et d'une somme de 6 000 euros au titre de l'année 2013 correspondant à l'amende prévue au 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts et dégrevées en cours d'instance, et a rejeté le surplus de leurs demandes, après les avoir jointes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 septembre 2022 et 21 juillet 2023,

M. et Mme B..., représentés par Me Zamour et Me Marchand, doivent être regardés comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n°s 2014898, 2014900, 2014902 du Tribunal administratif de Montreuil du 20 juillet 2022 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2009, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que la décharge des amendes prévues aux IV et IV bis de l'article 1736 du code général des impôts mise à leur charge au titre des années 2014 et 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le service a procédé à tort à une taxation d'office ;

- à titre principal, les dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts ne sont pas applicables, comme en l'espèce, aux trusts ;

- à titre subsidiaire, M. B... ne peut être regardé comme ayant appréhendé les sommes en litige ;

- à titre très subsidiaire, la méthode utilisée par l'administration fiscale pour reconstituer les bénéfices des sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited est radicalement viciée dans son principe ;

- la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses appliquée aux impositions en litige n'est pas justifiée ;

- en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, ils n'ont pas régulièrement reçu la lettre du 10 juillet 2017 par laquelle le service les a informés de son intention de leur infliger les amendes prévues au 2 du IV et au IV bis de l'article 1736 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a été enregistré le 21 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2013 et 2014 à l'issue duquel l'administration fiscale leur a infligé, sur le fondement des dispositions du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts, une amende de 7 500 euros au titre de l'année 2012 et une amende de 6 000 euros au titre de l'année 2013. Par ailleurs, par une lettre du 10 juillet 2017, l'administration fiscale les a informés qu'elle entendait leur infliger, sur le fondement des dispositions du 2 du IV et du IV bis de l'article 1736 du code général des impôts, une amende de 44 500 euros au titre de l'année 2014 et une amende de 24 500 euros au titre de l'année 2015. Parallèlement, M. B... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2009 et M. et Mme B... au titre des années 2010 et 2011. A l'issue de ces contrôles, et au vu des pièces consultées dans le cadre du droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire et de celles qui lui ont été transmises dans le cadre de l'assistance administrative internationale demandée auprès des autorités fiscales de la Lettonie, de Hong-Kong, du Liechtenstein, de Saint-Vincent-et-les-Grenadines et d'Israël, l'administration fiscale a imposé M. B..., sur le fondement des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts, au titre des années 2009 à 2011 et dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison des bénéfices réalisés au cours de ces années par les sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited, domiciliées à Hong-Kong, dont M. B... détenait la totalité des parts. M. et Mme B... font appel du jugement du 20 juillet 2022 en tant que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs demandes tendant à la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2009 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi qu'à la décharge des amendes prévues aux IV et IV bis de l'article 1736 du code général des impôts mises à leur charge au titre des années 2014 et 2015.

Sur les impositions supplémentaires :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le service n'a pas irrégulièrement procédé à une taxation d'office dès lors qu'il résulte de l'instruction que les impositions en litige ont été établies selon la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du LPF et que les intéressés ont effectivement bénéficié des garanties se rattachant à cette procédure, notamment en présentant leurs observations le 25 août 2017 sur les propositions de rectification du 7 juillet 2017.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

3. D'une part, aux termes de l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Lorsqu'une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans cette (...) personne morale, (...) organisme, (...) fiducie ou (...) institution comparable (...) [établi ou constitué] hors de France et [soumis] à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de cette [personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable] sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable sont principalement constitués de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants / Pour l'application du premier alinéa, le caractère privilégié d'un régime fiscal est déterminé conformément aux dispositions de l'article 238 A par comparaison avec le régime fiscal applicable à une société ou collectivité mentionnée au 1 de l'article 206 / (...) / 3. Les bénéfices ou les revenus positifs mentionnés au 1 sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de [la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable établi ou constitué] hors de France ou, en l'absence d'exercice clos au cours d'une année, le 31 décembre. Ils sont déterminés selon les règles fixées par le présent code comme si [les personnes morales, organismes, fiducies ou institutions comparables étaient imposables] à l'impôt sur les sociétés en France. L'impôt acquitté localement sur les bénéfices ou revenus positifs en cause par [la personne morale, l'organisme, la fiducie ou l'institution comparable] est déductible du revenu réputé constituer un revenu de capitaux mobiliers de la personne physique, dans la proportion mentionnée au 1, à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés / (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 50 septies de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " La personne physique qui est dans le champ d'application de l'article 123 bis du code général des impôts doit produire, dans le même délai que la déclaration d'ensemble de ses revenus, une déclaration comportant les renseignements et documents suivants : / a) Le nom ou la raison sociale ainsi que l'adresse du siège social, l'objet, l'activité, le lieu de la résidence fiscale et la proportion de la participation mentionnée à l'article 50 bis pour chaque personne morale, organisme ou institution comparable, établi ou constitué hors de France et soumis à un régime fiscal privilégié, dans lesquelles elle détient, directement ou indirectement au sens du premier alinéa du 2 de l'article 123 bis du code général des impôts, 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote ; pour chaque fiducie ou institution comparable, le nom ou la raison sociale du fiduciaire ou personne exerçant des fonctions comparables, l'adresse de son domicile ou de son siège social et le lieu de sa résidence fiscale, l'objet de la fiducie ou de l'institution comparable, la proportion des droits financiers détenus directement ou indirectement au sens du premier alinéa du 2 de l'article 123 bis du code général des impôts dans cette fiducie ou institution comparable / b) Pour chaque personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable, l'ensemble des documents qui sont exigés des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés, y compris le bilan et le compte de résultats établis selon les règles fixées par les articles 50 ter et 50 quater / c) Le bilan et le compte de résultats de chaque personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable fournis à l'administration fiscale du pays ou territoire où il est établi ou constitué, dans tous les cas où cette administration fiscale exige le dépôt de tels documents / d) Un état faisant apparaître pour chaque personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable mentionné au 1 de l'article 123 bis du code général des impôts, d'une part, le montant des prélèvements fiscaux déductibles du revenu imposable de la personne physique en application de l'article 50 quinquies et, d'autre part, le montant des crédits d'impôt imputables sur l'impôt sur le revenu dû par elle en application de l'article 50 sexies / e) Pour chaque personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable, le montant cumulé des bénéfices ou revenus positifs imposés au titre de l'article 123 bis du code général des impôts et le montant des distributions reçues de cette personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable ".

5. En premier lieu, par les dispositions précitées de l'article 123 bis du code général des impôts, éclairées par les travaux préparatoires à l'adoption de l'article 101 de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999 dont elles sont issues, le législateur a entendu imposer les résidents fiscaux à raison des bénéfices réalisés à l'étranger par certaines entités établies dans des Etats ou territoires dans lesquels elles sont soumises à un régime fiscal privilégié, sur lesquelles ces résidents exercent un contrôle, même partagé, quelle que soit sa forme juridique et, dans le cas où il est quantifiable, supérieur à 10 %. Ainsi, ces dispositions doivent être regardées comme incluant dans leur champ d'application les actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus dans les trusts au sens du droit anglo-saxon. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir à titre principal que les dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts ne sont pas applicables aux trusts, forme juridique des sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited.

6. En deuxième lieu, M. et Mme B... soutiennent, à titre subsidiaire, que

M. B... ne peut être regardé comme ayant appréhendé les sommes en litige dès lors que les sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited constituent des trusts discrétionnaires, que le fait que M. B... aurait détenu en apparence 100 % des droits dans ces deux sociétés ne suffit pas à établir qu'il en aurait été le bénéficiaire économique et que, par un arrêt du 6 mars 2020, devenu définitif, la Cour d'appel de Paris statuant au pénal a considéré que c'est le frère de M. B... qui intervenait dans le fonctionnement de ces sociétés. Toutefois, le ministre établit que les sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited ont été constituées respectivement les 4 décembre 2008 et 13 mai 2011 par la société Laurence Pountney Limited, domiciliée aux îles Vierges britanniques, que ces deux sociétés ne disposaient à Hong-Kong que d'une adresse de domiciliation via une société domiciliaire, qu'elles étaient soumises à Hong-Kong à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts, que, lors de leur constitution, le représentant de la société Laurence Pountney Limited a indiqué dans chaque déclaration de trust que M. B... détenait 100 % des parts dans chacune des deux sociétés, que celui-ci a reçu de la société Laurence Pountney Limited une procuration générale (" general power of attorney ") le 4 décembre 2008, renouvelée les 18 décembre 2009 et 7 janvier 2011, s'agissant de la société Roter Limited ainsi qu'une procuration générale le 13 mai 2011, renouvelée le 4 juin 2012, s'agissant de la société Bassel HK Limited, lesquelles procurations autorisaient M. B... à intervenir notamment sur l'intégralité des avoirs de ces sociétés, ces derniers étant exclusivement composés de valeurs monétaires et financières, que M. B... disposait seul de la signature sur les comptes bancaires ouverts au nom de ces deux sociétés et qu'enfin, ces dernières n'ont effectué aucune déclaration fiscale ni payé aucun impôt ou taxe à Hong-Kong entre 2009 et 2011. Ainsi, l'administration fiscale, qui ne s'est pas bornée à constater que M. B... détenait des parts dans les sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited, doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que, compte tenu du contrôle qu'il exerçait sur ces sociétés, celles-ci ne constituant pas au demeurant des trusts discrétionnaires, M. B... en était l'unique bénéficiaire économique. Par ailleurs, si l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux décisions des juges répressifs devenues définitives s'étend à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification sur le plan pénal, elle ne s'attache pas en revanche à l'appréciation des mêmes faits au regard de la loi fiscale. Ainsi, la circonstance invoquée par

M. et Mme B... que, dans un arrêt du 6 mars 2020, la Cour d'appel de Paris a condamné pénalement son frère pour avoir participé en bande organisée à des opérations de blanchiment de fonds provenant d'une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée sur les quotas de carbone en offrant ses services de compensateur par la mise à disposition des comptes bancaires de la société Roter Limited, n'est pas de nature à démontrer qu'au regard des dispositions précitées de l'article 123 bis du code général des impôts, M. B... n'aurait pas eu la libre disposition, en droit ou en fait, des sommes inscrites au crédit des comptes bancaires détenus par les sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited compte tenu des constatations précédemment exposées. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a imposé M. B..., sur le fondement des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison des bénéfices réalisés entre 2009 et 2011 par les sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited.

7. En dernier lieu, M. et Mme B... soutiennent à titre très subsidiaire que la méthode utilisée par l'administration fiscale pour reconstituer les bénéfices des sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited est radicalement viciée dans son principe. Il résulte de l'instruction que pour déterminer les bénéfices réalisés par ces sociétés au titre des années 2009, 2010 et 2011, le vérificateur s'est fondé, à partir des renseignements recueillis dans le cadre du droit de communication exercé auprès notamment du parquet national financier et dans le cadre l'assistance administrative internationale exercée auprès notamment des autorités fiscales de la Lettonie et de Hong-Kong, sur les crédits figurant dans les comptes bancaires ouverts à l'étranger au nom des sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited, après avoir déduit, au titre des charges, les frais bancaires liés à des opérations de virement ou à la mise à disposition de cartes bancaires. M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que ces bénéfices auraient dû être déterminés selon les règles fixées par le code général des impôts si les sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited avaient été imposables à l'impôt sur les sociétés en France et qu'ils auraient donc dû être reconstitués selon les principes de la comptabilité d'engagement, dès lors que le ministre établit que, d'après les renseignements recueillis auprès des autorités fiscales de Hong-Kong, ces sociétés n'ont effectué aucune déclaration fiscale ni payé aucun impôt ou taxe en 2009, 2010 et 2011 et que les requérants n'ont produit aucun bilan de ces sociétés ni aucun autre document comptable lors de la déclaration d'ensemble de leurs revenus au titre des années d'imposition en litige, alors qu'ils y étaient tenus en vertu de l'article 50 septies précité de l'annexe II au code général des impôts. Dans ces conditions, en l'absence de tout document comptable des sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited, le service était fondé à déterminer leurs bénéfices en appliquant les principes de la comptabilité de caisse.

8. Si enfin les requérants font valoir que l'administration fiscale n'a pas démontré que tous les encaissements bancaires constitueraient des bénéfices imposables selon le droit fiscal français, ils ne produisent toutefois aucun document comptable ni aucun autre justificatif attestant que les décaissements des sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited ne constitueraient pas des bénéfices ou des revenus, ni que d'autres charges que les frais bancaires retenus par le service auraient été engagées, alors que les autorités fiscales de Hong-Kong ont indiqué ne disposer d'aucune information sur les activités des sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited au titre des années 2009, 2010 et 2011.

9. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la méthode utilisée par le vérificateur pour déterminer les bénéfices réalisés par les sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited en 2009, 2010 et 2011 serait excessivement sommaire ni radicalement viciée.

Sur les pénalités :

10. D'une part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ". Les pénalités pour manœuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.

11. D'autre part, aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve (...) des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

12. Pour fonder l'application de la pénalité de 80 % pour manœuvres frauduleuses aux impositions supplémentaires en litige, l'administration fiscale s'est appuyée sur les éléments exposés aux points 6 et 7. Ce faisant, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., l'administration fiscale établit que, d'une part, les sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited étaient dénuées de substance économique et que leur création, qui ne répondait pas à un motif économique, financier ou patrimonial, présentait le caractère d'un montage artificiel dans le but exclusif d'éluder l'impôt en France, que, d'autre part, M. B..., qui était le bénéficiaire de ce montage artificiel dès sa création, a eu pour intention d'égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et qu'enfin, compte tenu de l'importance des sommes passibles de l'impôt, M. B... ne pouvait ignorer que l'omission de reporter les bénéfices réalisés par les sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited au titre des revenus de capitaux mobiliers dans ses déclarations des années 2009, 2010 et 2011 en vertu de l'article 123 bis du code général des impôts aurait pour conséquence une importante minoration de son impôt sur le revenu. Si les requérants font valoir que M. B... n'a jamais appréhendé les sommes inscrites au crédit des comptes bancaires des sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited dès lors qu'il a cédé ces sociétés à des tiers, ils ne justifient pas de la date à laquelle M. B... se serait désengagé de ces sociétés. Par ailleurs, la circonstance que M. B... n'a fait l'objet d'aucune sanction pénale n'est pas, par elle-même, de nature à établir qu'il n'avait pas la maîtrise des comptes bancaires des sociétés Roter Limited et Bassel HK Limited, alors qu'il est en outre constant que, du fait des pouvoirs les plus étendus dont il disposait dans ces sociétés, M. B... avait à sa disposition des cartes bancaires au nom de ces sociétés. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a appliqué la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses.

Sur les amendes fiscales :

13. Aux termes du second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".

14. Si le contribuable conteste qu'une décision lui a bien été notifiée, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Le contribuable, à qui il appartient en principe, en cas de déménagement, de faire connaître à l'administration son changement d'adresse, prend néanmoins les précautions nécessaires pour que le courrier lui soit adressé à sa nouvelle adresse, et ne puisse donc lui être régulièrement notifié qu'à celle-ci, lorsqu'il informe les services postaux de sa nouvelle adresse en demandant que son courrier y soit réexpédié.

15. M. et Mme B... soutiennent qu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales relatives aux propositions de rectifications, ils n'ont pas régulièrement reçu la lettre du 10 juillet 2017 par laquelle le service les a informés de son intention de leur infliger au titre des années 2014 et 2015 les amendes prévues au 2 du IV et au IV bis de l'article 1736 du code général des impôts. Toutefois, les dispositions précitées de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, seules applicables à l'établissement des amendes litigieuses, ne faisaient pas obligation à l'administration fiscale d'informer les requérants qu'elle envisageait de leur infliger ces amendes en ayant recours à la notification d'une proposition de rectification. Ainsi, M. et Mme B... ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. En tout état de cause, s'il résulte de l'instruction que le pli recommandé avec avis de réception contenant cette lettre, qui a été expédié en Israël le 10 juillet 2017, n'a pas pu être distribué et est revenu au service le 9 octobre 2017 avec la mention " unknown ", le ministre établit toutefois que ce pli a été envoyé à la dernière adresse connue de l'administration fiscale dès lors que M. B... faisait encore état de cette domiciliation dans un courrier postal du 31 juillet 2017 adressé au service et que, par un courriel du 26 octobre 2017 adressé au service, M. B... a reconnu qu'il avait déménagé au cours de l'été 2017 et qu'il avait omis de communiquer au service sa nouvelle adresse en Israël. Dans ces conditions, la lettre du 10 juillet 2017 doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à M. et Mme B....

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. et Mme B... à ce titre.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

La présidente,

P. HAMON

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04267
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SELARL ZAMOUR & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;22pa04267 ?
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