Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 mars 2022 par laquelle le ministre des armées a rejeté le recours administratif qu'elle a formé devant la commission des recours des militaires à l'encontre de la décision du 6 décembre 2021 portant non-agrément de sa demande de réorientation en cours de carrière.
Par un jugement n° 2214970/5-2 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 12 juin 2023 et 30 avril 2024, Mme A..., représentée par Me Maumont, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2214970/5-2 du 13 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 16 mars 2022 par laquelle le ministre des armées a rejeté le recours administratif qu'elle a formé devant la commission des recours des militaires à l'encontre de la décision du 6 décembre 2021 portant non-agrément de sa demande de réorientation en cours de carrière ;
3°) d'enjoindre au ministre des armées d'agréer sa demande de réorientation en cours de carrière ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du ministre des armées du 16 mars 2022 est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dans la mesure où la réalité de l'intérêt du service, justifiant que sa demande de réorientation dans le domaine " renseignement " (RGE), filière " linguiste " ne soit pas agréée, n'est pas établie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'instruction n° 13007/DEF RH-AT-PRH/LEG du 13 octobre 2011 relative au rendez-vous d'information, au bilan professionnel de carrière et à la réorientation des sous-officiers d'active de l'armée de terre.
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Clavier pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., sous-officier au sein de l'armée de terre, a été nommée au grade de sergent le 1er novembre 2017. Elle appartient au domaine " administration ", filière " administration et secrétariat " (ADM-AES). Le 31 juillet 2020, elle a été affectée au détachement avancé des transmissions des forces françaises stationnées à Djibouti. Elle y a occupé le poste de technicien linguiste d'écoute (LIE) en langue somali. En 2021, elle a sollicité sa réorientation professionnelle dans le domaine " renseignement " (RGE), filière " linguiste " (LIN). Cette demande a été examinée en commission de réorientation le 22 novembre 2021 et a fait l'objet d'un refus d'agrément par une décision du 6 décembre 2021 de la direction des ressources humaines de l'armée de terre (DHRAT). Le 10 janvier 2022, Mme A... a exercé un recours obligatoire devant la commission des recours des militaires à l'encontre cette décision, lequel a été rejeté par une décision du ministre des armées du 16 mars 2022, qui s'est substituée au refus initial. Par un jugement du 13 avril 2023, dont Mme A... fait appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ". La réorientation professionnelle en cours de carrière ne constitue pas un droit pour le militaire qui entend y prétendre. Le refus contesté n'était donc pas au nombre des décisions devant être motivées en application de cet article. En tout état de cause, la décision contestée comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels elle repose. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée doit être écarté.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense : " Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les mutations tiennent compte de la situation de famille des militaires, notamment lorsque, pour des raisons professionnelles, ils sont séparés : 1° De leur conjoint ; 2° Ou du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité, lorsqu' ils produisent la preuve qu'ils se soumettent à l'obligation d'imposition commune prévue par le code général des impôts ; La liberté de résidence des militaires peut être limitée dans l'intérêt du service. Lorsque les circonstances l'exigent, la liberté de circulation des militaires peut être restreinte. ". Aux termes de l'article 4.1 de l'instruction susvisée du 13 octobre 2011 : " La réorientation en cours de carrière peut résulter des conclusions d'un BPC (bilan professionnel de carrière) ou être demandé " à titre circonstanciel " (...) La réorientation peut être : - requise par la DRHAT en fonction des nécessités de service ; - demandée par l'intéressée après avis du chef de corps ou du commandant de la formation d'emploi (...) ". L'article 4.3.3 de cette même instruction dispose que : " (...) La décision d'agrément ou de non agrément de la demande relève de la compétence exclusive de la DRHAT pour les sous-officiers de l'armée de terre (...). Ces décisions sont prises au regard des impératifs de gestion ou d'organisation de l'armée de terre ou de la BSPP, impératifs résultant de leur obligation d'assurer de manière optimale les missions opérationnelles qui leur sont confiées ".
4. Le ministre des armées s'est opposé à la demande d'agrément de réorientation professionnelle formée par Mme A..., au motif que celle-ci intervenait dans un domaine déficitaire au niveau national, que si elle occupait un emploi de linguiste en somali, le nombre de postes qui requièrent cette spécialité étaient peu nombreux et qu'ainsi l'intérêt du service justifiait qu'elle demeure dans sa filière ADM-AES.
5. En l'espèce, d'une part, le ministre des armées justifie, par les pièces qu'il produit, que la filière ADM-AES dans laquelle Mme A... exerce ses fonctions était fortement concurrencée par les autres filières, qu'elle allait subir, d'ici l'année 2018, un déficit substantiel d'agents du fait de très nombreux départs à la retraite et que, si ce déficit avait vocation à être résorbé grâce à l'assouplissement des conditions d'accès au corps des sous-officiers, il était nécessaire que les sous-officiers déjà en poste y demeurent afin de pouvoir rapidement évoluer. D'autre part, Mme A..., pour contredire le fait que les besoins en interprète en langue somali étaient limités en métropole, soutient que les postes qu'elle convoitait ont été attribués dans le cadre d'une réorientation à des collègues ne présentant ni les qualifications, ni le profil requis. Toutefois, ces éléments, dont le ministre conteste utilement la réalité, sont sans incidence sur l'intérêt qu'il y avait pour le service à refuser d'agréer la demande de Mme A..., de même du reste que le fait que l'intéressée remplissait les conditions réglementaires et techniques pour être réorientée, avait d'excellentes évaluations et était soutenue dans sa démarche par sa hiérarchie. Dans ces conditions, eu égard à l'ensemble de ces éléments, le ministre des armées en refusant d'agréer la réorientation sollicitée par Mme A..., laquelle ne constituait pas un droit pour l'intéressée, n'a entaché sa décision ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête doit être rejetée, en ce compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2024.
La rapporteure,
L. d'ARGENLIEULa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02571