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21/05/2024 | FRANCE | N°22PA02824

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 21 mai 2024, 22PA02824


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris :



1°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2019 par lequel le directeur de l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP) l'a placé en disponibilité d'office pour raisons de santé du 24 décembre 2019 au 23 juin 2020 ;



2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2020 par lequel le directeur de l'IPGP a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 24 juin 2016 ;>


3°) d'enjoindre au directeur de l'IPGP de retirer ces arrêtés de son dossier administratif, de reconnaîtr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2019 par lequel le directeur de l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP) l'a placé en disponibilité d'office pour raisons de santé du 24 décembre 2019 au 23 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2020 par lequel le directeur de l'IPGP a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 24 juin 2016 ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'IPGP de retirer ces arrêtés de son dossier administratif, de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 24 juin 2016 et de réexaminer sa situation administrative.

Par un jugement nos 1919631, 2005320 et 2009363/6-3 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du 10 décembre 2019 et du 25 mars 2020, et a enjoint au directeur de l'IPGP de supprimer toute mention de ces arrêtés du dossier administratif de M. A..., de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 24 juin 2016 et de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2022, l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP), représenté par Me Marotte, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 21 avril 2022 en ce qu'il a annulé les arrêtés du 10 décembre 2019 et du 25 mars 2020 ;

2°) de rejeter les demandes nos 2005320 et 2009363 présentées par M. A... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement a été rendu irrégulièrement, trois mémoires, présentés par M. A... le 23 février et le 2 avril 2022 ayant été visés sans avoir été communiqués ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a admis l'imputabilité au service de l'accident du 24 juin 2016.

Par quatre mémoires en défense, enregistrés le 1er novembre 2023, le 15 décembre 2023, le 19 février 2024 et le 7 mars 2024, M. A..., représenté par Me Lerat, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'IPGP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par trois mémoires en répliques, enregistrés le 6 novembre 2023, le 16 janvier 2024 et le 6 mars 2024, l'IPGP conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les observations de Me Lerat, pour M. A...,

- et les observations de Me Marotte, pour l'Institut de physique du globe de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ingénieur d'études de 1ère classe à l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP), a été victime, le 24 juin 2016, d'un accident vasculaire cérébral (AVC) sur son lieu de travail. Après avoir bénéficié d'un congé de maladie ordinaire, il a été placé en congé de longue maladie, du 24 décembre 2016 au 23 juin 2019. L'arrêté du 11 janvier 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident a été annulé par le jugement n°1711871 du tribunal administratif de Paris, rendu le 14 juin 2018, aux motifs qu'il était entaché d'une erreur de droit et d'un vice de procédure. Par un arrêté du 24 juin 2019, M. A... a été placé en disponibilité d'office pour raisons de santé du 24 juin au 23 décembre 2019. Par un arrêté du 10 décembre 2019, M. A... a été maintenu dans cette position du 24 décembre 2019 au 23 juin 2020. Par un arrêté du 25 mars 2020, pris au vu de l'avis défavorable émis par la commission de réforme le 28 janvier 2020, le directeur de l'IPGP a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 24 juin 2016.

2. Par un jugement nos1919631, 2005320 et 2009363/6-3 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du directeur de l'IPGP du 10 décembre 2019 et du 25 mars 2020, et a enjoint au directeur de l'IPGP de supprimer toute mention de ces arrêtés du dossier de M. A..., de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 24 juin 2016 et de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois. L'IPGP fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " Si l'IPGP fait valoir que les mémoires en réplique présentés par M. A... le 23 février et le 2 avril 2022 n'ont pas été soumis au contradictoire, ces mémoires ne contenaient aucun élément nouveau sur lequel le tribunal administratif se serait fondé.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / (...) / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie (...) ".

5. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Toutefois, s'agissant des accidents vasculaires cérébraux qui sont au nombre de ces circonstances particulières, il y a lieu, par exception, de rechercher s'il existe un lien direct entre cet accident et les conditions d'exécution du service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

6. Pour contester l'existence du lien direct entre l'AVC dont M. A... a été victime et ses conditions de travail, sur lequel le tribunal administratif s'est fondé au point 12 de son jugement, l'IPGP se prévaut du rapport établi le 22 septembre 2016 par le médecin agréé sollicité par le ministère de l'éducation nationale avant la première séance de la commission de réforme le 12 décembre 2016. Ce médecin après s'être attaché à la condition physique de M. A... qui présentait " surpoids, obésité, dyslipidémie, tabagisme, sédentarité " et avait été victime d'un accident ischémique touchant les 4ème et 5ème doigts de la main gauche présentant un caractère vasculaire, survenu au mois de mai 2014, a estimé qu'une pathologie s'est manifestée pendant le temps de travail, sans que l'accident ne soit imputable " de façon directe et certaine au travail ". Il ressort toutefois des avis émis par les deux neurologues qui ont examiné M. A... le 1er juin 2017 et le 22 mai 2018, qu'il ne présentait pas de facteur de risque de survenance d'un AVC, notamment parce qu'il n'était pas atteint d'hypertension ou de diabète et ne fumait plus depuis deux ans, et qu'en l'absence de cause étiologique, il y avait lieu d'examiner la possibilité d'un lien entre son accident et ses conditions de travail. De même, si son médecin traitant a relevé, dans un certificat médical établi le 27 février 2017, qu'il présentait des " facteurs de risques cardiovasculaires indéniables", il a estimé que ces risques étaient " bien contrôlés ".

7. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. A... a été victime, de septembre à novembre 2015, d'un syndrome de " burn out " à raison duquel il a été placé en congé de maladie, et que, selon l'attestation établie le 29 juin 2017 par la psychologue qui l'a suivi jusqu'en juin 2016, il a alors souffert d'un état de " stress aigu (...) d'hyper anxiété et d'épuisement ", lié à une surcharge de travail. De plus, selon les certificats médicaux établis par son médecin traitant le 27 février et le 20 juillet 2017, et selon le rapport établi le 10 décembre 2019 par le cardiologue sollicité par l'administration pour l'examiner avant la seconde séance de la commission de réforme, cette surcharge de travail s'est poursuivie après la reprise d'activité à la suite du " burn out ", jusque dans les mois précédant l'accident du 24 juin 2016. Il ressort d'ailleurs du compte rendu de l'entretien d'évaluation de M. A... pour l'année 2015-2016, établi le 30 mai 2016, qu'il supportait une " charge de travail (...) très importante ". Or, la possibilité d'un lien entre le surmenage professionnel et la survenance d'un AVC a été reconnue par plusieurs études médicales auxquelles les divers avis médicaux cités ci-avant font référence.

8. Dans ces conditions, alors même que M. A... semble ne pas s'être plaint de ses horaires de travail au cours de son dernier entretien d'évaluation, tenu trois semaines avant l'AVC, et avoir pu prendre ses congés normalement, et même s'il avait pu faire une pause le 26 juin 2016 à partir de 15h30 pendant près d'une heure sur une terrasse extérieure avant la survenance de cet accident dans son bureau à 17h45 alors qu'il s'entretenait avec un de ses collègues, la probabilité d'un lien direct entre cet accident et ses conditions de travail est suffisamment élevée pour qu'il soit regardé comme un accident de service.

9. Il résulte de ce qui précède que l'IPGP n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés litigieux du 10 décembre 2019 et du 25 mars 2020.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'IPGP demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'IPGP une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'IPGP est rejetée.

Article 2 : L'Institut de physique du globe de Paris versera à M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Institut de physique du globe de Paris et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2024.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22PA02824


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02824
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : OBEMA CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;22pa02824 ?
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