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17/05/2024 | FRANCE | N°22PA01595

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 17 mai 2024, 22PA01595


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 1921667 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur la demande à concurrence du dégrèvement de la cotisation suppléme

ntaire d'impôt sur le revenu prononcé par le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1921667 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur la demande à concurrence du dégrèvement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu prononcé par le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris au titre de l'année 2016 à concurrence de 36 660 euros en droits et 15 910 euros en pénalités, a réduit la base de l'impôt sur le revenu de Mme E... au titre de l'année 2015 d'une somme de 38 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 avril 2022, 28 juillet 2022 et 27 octobre 2022, Mme E..., représentée par Me Gorlier, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 10 février 2022 en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande ;

2°) de prononcer la décharge totale, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 ;

3°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Paris pour le surplus ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en retenant que la production de relevés de compte ne permettait pas d'établir la nature des remboursements provenant d'avances en compte courant d'associé détenu dans la société Finance utile / Bourse privée, le tribunal a entaché le jugement contesté d'erreur de droit et de fait ;

- la proposition de rectification du 28 juin 2018 est insuffisamment motivée en tant qu'elle ne fait pas référence aux rehaussements proposés dans la catégorie des revenus réputés distribués sur laquelle l'administration fiscale fonde sa demande de substitution de base légale et ne lui a pas permis de présenter ses observations ;

- les virements crédités sur son compte personnel en 2015 et en 2016 et taxés comme revenus d'origine indéterminée correspondent à des remboursements de comptes courants d'associés liés à l'entreprise Finance utile / Bourse privée qu'elle dirigeait à la suite des dépenses professionnelles qu'elle a prises en charge à titre personnel au lieu et place de l'entreprise, ainsi qu'à des prêts familiaux, aux pensions alimentaires qui lui ont été versées ou aux remboursements de frais de participation au loyer de son logement ou de celui de son fils, comme en attestent les justificatifs produits ;

- compte tenu du solde créditeur de ses comptes courants au 31 décembre 2016, il n'y a pas lieu de considérer les remboursements de comptes courants effectués en 2015 et 2016 comme des revenus distribués imposables à l'impôt sur le revenu ;

- le remboursement sans contrepartie des dépenses engagées pour la société Finance utile /Bourse privée ne saurait être qualifié de revenus distribués ;

- seule la justification de la somme de 210 euros créditée le 16 janvier 2015, n'a pu être retrouvée ;

- la taxation abandonnée par l'administration fiscale suite à la fermeture de son compte au Crédit du Nord s'élève à la somme de 1 366,21 euros et non à 1 163 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 juin 2022 et 10 octobre 2022 et des pièces complémentaires enregistrées les 17 novembre 2022, 29 et 30 novembre 2022 et 19 mars 2024 qui n'ont pas été communiquées, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures de prendre acte des dégrèvements prononcés et conclut au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- en exécution du jugement du tribunal administratif de Paris, un dégrèvement a été prononcé le 3 mars 2022 à hauteur en droits et pénalités de 16 782 euros ;

- les taxations correspondant, d'une part, aux versements d'une pension alimentaire à hauteur de 4 400 euros au titre de l'année 2015 et de 5 280 euros au titre de l'année 2016 et, d'autre part, au virement interne du Crédit du Nord vers le LCL à hauteur de 1 163 euros à la suite de la fermeture d'un compte bancaire, sont abandonnées compte tenu des justificatifs présentés ;

- le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification n'est pas fondé ;

- compte tenu des justificatifs bancaires produits, les sommes taxées initialement dans la catégorie de revenus d'origine indéterminée à hauteur de 37 500 euros en 2015 et de 43 000 euros en 2016, doivent être maintenues et imposées, par une substitution de base légale, en revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions de l'article 111 a. du code général des impôts ;

- les revenus crédités à hauteur de 14 640 euros en 2015 et de 20 884 euros en 2016, doivent être imposés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée en l'absence de justifications suffisantes.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, l'administration fiscale a notifié à Mme E..., dirigeante de la société Finance utile / Bourse privée, des redressements au titre des années 2015 et 2016, correspondant à des revenus d'origine indéterminée taxés d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Par un jugement du 10 février 2022, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu à statuer à hauteur du dégrèvement en droits et pénalités de 52 570 euros, prononcé en cours d'instance et se rapportant aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de l'intéressée au titre de l'année 2016 et a réduit la base de son imposition à hauteur de 38 000 euros au titre de l'année 2015. En exécution de ce jugement, le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris a prononcé le 3 mars 2022 un nouveau dégrèvement d'un montant, en droits et pénalités, de 16 782 euros au titre de l'année 2015. Par la présente requête, Mme E... relève régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande tendant à la décharge de l'intégralité des redressements prononcés.

Sur l'étendue du litige :

2. Il résulte de l'instruction que postérieurement à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a prononcé le 16 novembre 2022 un dégrèvement d'un montant global, en droits et pénalités, de 2 827 euros, compte tenu des justificatifs présentés par Mme E... se rapportant aux versements d'une pension alimentaire perçue à hauteur de 4 400 euros en 2015 et 5 280 euros en 2016. Il n'y a ainsi plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dans cette mesure.

Sur la régularité du jugement :

3. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, si Mme E... soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreurs de droit et de fait, de tels moyens qui ne critiquent pas la régularité du jugement, sont inopérants.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". L'article L. 16 du même livre dispose : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 €. (...) ". L'article L. 16 de ce livre dispose que : " (...) Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ".

5. D'une part, si Mme E... soutient que la proposition de rectification qui lui a été adressée ne serait pas suffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, seules les dispositions de l'article L. 76 de ce livre sont en l'espèce applicables, eu égard à la procédure de taxation d'office mise en œuvre sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Il résulte de la proposition de rectification du 29 juin 2018 que cette taxation d'office a été appliquée à la suite des demandes d'éclaircissements et de justifications fondées sur l'article L. 16 du même livre et d'une mise en demeure fondée sur l'article L. 16 A de ce livre qui ont été adressées à Mme E... par des courriers des 8 février 2018, 26 février 2018 et 22 mai 2018. D'autre part, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification porte à la connaissance de Mme E... le détail des sommes créditées sur son compte bancaire au cours des années contrôlées pour lesquelles elle n'a pas apporté de justification suffisante s'agissant de l'année 2015 ou aucun éclaircissement s'agissant des sommes créditées en 2016 et qui, par suite, ont fait l'objet d'une imposition en tant que revenus d'origine indéterminée. Dans ces conditions et alors même que ces motifs ne seraient pas fondés, la proposition de rectification contestée est contrairement à ce qu'elle soutient, suffisamment motivée et l'a mise à même de contester utilement les redressements envisagés. Par suite, le moyen doit être écarté.

6. En second lieu, lorsque le contribuable taxé d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales établit, au soutien de conclusions visant à la décharge des impositions régulièrement établies sur ce fondement, que les sommes en litige se rattachaient à une catégorie déterminée de revenus, il appartient à l'administration, si elle l'estime utile, de demander au juge, dans le cadre de la procédure de taxation d'office, une imposition des sommes en litige selon les règles applicables à la catégorie d'imposition concernée. Dès lors que l'administration ne pouvait présumer que les sommes en litige entraient dans une catégorie de revenus déterminée avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la procédure de taxation d'office suivie est régulière. En conséquence, il n'y a pas lieu de subordonner la demande de substitution de base légale présentée par l'administration au respect de la procédure contradictoire.

7. En l'espèce, le ministre fait valoir que les sommes initialement taxées en revenus d'origine indéterminée sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales à hauteur de 37 500 euros en 2015 et de 43 000 euros en 2016, trouvent leur fondement légal dans l'article 111 a. du code général des impôts, soit dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Mme E... n'a ni répondu à la demande d'éclaircissements ou de justifications de ses revenus qui lui a été adressée le 26 février 2018 au titre de l'année 2016, ni à la mise en demeure qui lui a été adressée le 22 mai 2018 au titre de l'année 2015 à la suite de sa réponse adressée au service le 8 avril 2018, jugée insuffisante. La nature des sommes en litige demeurait en conséquence inconnue lorsque l'administration a procédé à leur taxation d'office et Mme E... ne peut donc utilement se plaindre de ce qu'elle n'aurait pas été mise en mesure de présenter ses observations et qu'elle aurait en conséquence été privée d'une garantie procédurale. Le moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la base légale :

8. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, y compris pour la première fois en appel, de justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu de la base légale substituée. En l'espèce et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'administration demande en appel que les sommes imposées initialement en revenus d'origine indéterminée à hauteur de 37 500 euros en 2015 et de 43 000 euros en 2016, soient maintenues sur le fondement des dispositions du a. de l'article 111 du code général des impôts.

9. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (...) ".

10. En application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve incombe au contribuable " à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à Mme E..., régulièrement taxée d'office, d'établir le caractère exagéré des impositions auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1995 et 1996.

11. En premier lieu, Mme E... qui ne conteste pas l'existence et les montants des crédits versés par la société Finance utile / Bourse privée sur son compte courant, soutient qu'ils correspondent à des remboursements à la suite de dépenses professionnelles qu'elle a prises en charge à titre personnel au lieu et place de l'entreprise. Il résulte des pièces produites à l'instance, en particulier des extraits de son compte personnel, des talons de chèque qu'elle a signés, des factures produites à son nom ou au nom de la société Finance utile / Bourse privée et de l'inscription en crédit de sommes correspondantes identifiables sur les extraits de son compte courant d'associé tels qu'établis par le cabinet KMPG le 29 juillet 2020, que Mme E... justifie avoir engagé des dépenses professionnelles au bénéfice de la société. Elle démontre ainsi avoir réglé en 2015 un solde de taxe sur la valeur ajoutée due par la société au titre de l'année 2014 à hauteur de la somme 1 935 euros. Elle justifie également, au titre de la même année, avoir pris personnellement en charge des frais de déplacements professionnels à hauteur de 387,30 euros payés à la société Easyjet. Mme E... établit également avoir exposé des dépenses pour le compte de la société Finance utile / Bourse privée par le paiement des sommes de 313,20 euros, 92,28 euros, 961,81 euros et 431,76 euros versées respectivement aux sociétés Simple Mail, Société.com., OVH et Linkedin. Au titre de l'année 2016, elle justifie d'une avance consentie à la société Finance utile / Bourse privée à hauteur de 500 euros et des frais de déplacements professionnels par le paiement de la somme de 771 euros versée à la SNCF et celle de 100,22 euros à la société Easyjet. Elle démontre également avoir engagé les sommes de 1 301,98 euros, 80,76 euros et 368,11 euros versées respectivement aux sociétés OVH, Société.com. et Le Quotidien juridique. Par suite, Mme E... apporte la preuve qui lui incombe de la nature de remboursement d'avances en compte courant des dépenses engagées en faveur de la société à hauteur des sommes de 4 121,35 euros au cours de l'année 2015 et de 3 122,07 en 2016, sans être sérieuse contredite par l'administration. Ces sommes ne peuvent en conséquence être imposées dans la catégorie des revenus réputés distribués. En revanche, les pièces justificatives de paiement produites au dossier ne permettent pas, au-delà de ces sommes d'établir de lien entre les dépenses que Mme E... indique avoir engagées au bénéfice de l'entreprise et les sommes créditées sur son compte en provenance de la société et de déterminer précisément celles correspondant à un remboursement en particulier au titre d'une ou plusieurs dépenses spécifiques. Par suite, Mme E... n'établit pas que les sommes restant en litige à hauteur de 33 378,65 euros et de 39 877,93 euros au titre de chacune de ces deux années ne constitueraient pas des sommes dont elle a disposé, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de l'article 111 a. du code général des impôts.

12. En deuxième lieu, la circonstance que ses comptes courants présentaient un solde créditeur au 31 décembre 2016 ne faisait pas obstacle à ce que les crédits identifiés au titre des années en litige soient qualifiés de revenus distribués et imposés comme tels.

13. En troisième lieu, Mme E... ne démontre pas le lien entre les dépenses engagées au bénéfice de la société et l'absence de contrepartie à hauteur des sommes de 33 378,65 euros et de 39 877,93 euros visées au point 11. Par suite, ces sommes identifiées par le service comme portées au crédit de son compte courant pouvaient légalement être imposées comme étant des revenus distribués sur le fondement de de l'article 111 a. du code général des impôts.

S'agissant des revenus d'origine indéterminée :

14. Si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue. Il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus. Dans cette dernière situation, le contribuable peut obtenir, le cas échéant, une réduction de l'imposition d'office régulièrement établie au titre du revenu global, à raison de la différence entre les bases imposées d'office et les bases résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause.

15. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les sommes de 1 760 euros et 2 640 euros créditées les 23 avril 2015 et 14 décembre 2015 sur le compte courant de Mme E... et celles portées au crédit de son compte les 19 février 2016, 1er avril 2016 et 17 mai 2016 pour des montants respectifs de 880 euros, 3 520 euros et 880 euros, correspondent aux versements d'une pension alimentaire qui ont fait l'objet d'un dégrèvement en cours d'instance et ne sont en conséquence plus en litige. En revanche, si l'administration admet en appel que la somme de 1 366,21 euros créditée le 19 février 2016 correspond à un virement de compte à compte et doit par suite être abandonnée dès lors qu'elle ne peut être imposée dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, il ne résulte pas de l'instruction que cette somme ait été prise en compte dans le dégrèvement prononcé par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris le 16 novembre 2022 et qui constitue la seule pièce produite par l'administration à la suite de la mesure d'instruction qui lui a été adressée le 18 novembre 2022 afin d'obtenir la production du ou des certificats des dégrèvements accordés à Mme E... au titre de l'imposition sur le revenu au titre des années 2015 et 2016.

16. En deuxième lieu, la taxation de la somme de 2 000 euros créditée le 3 août 2015 par un virement bancaire en provenance de la société Finance utile / Bourse privée est au nombre de celles au titre desquelles l'administration fiscale a sollicité le maintien de l'imposition, par une substitution de base légale, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, cette somme venant s'ajouter à celle de 35 500 euros, retenue en premier lieu par l'administration. Pour les motifs énoncés au point 11 du présent arrêt, si cette somme n'est pas au nombre des revenus dont l'origine et la nature restent indéterminées, elle demeure imposable sur le fondement de l'article 111 a. du code général des impôts, dès lors que Mme E... ne démontre pas qu'elle n'en a pas disposé.

17. En troisième lieu, Mme E... ne conteste pas qu'elle ne peut présenter de justificatif se rapportant à la somme de 210 euros créditée le 16 janvier 2015 dont l'origine demeure par voie de conséquence indéterminée. Elle ne démontre pas que cette somme se rattacherait à une catégorie précise de revenus. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé cette somme dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée.

18. En quatrième lieu, l'intéressée soutient que les sommes de 1 500 euros créditées les 7 janvier 2015, 13 août 2015, 28 septembre 2015 et 14 décembre 2015 et celles de 1 000 euros créditées les 13 avril et 15 mai 2015 correspondent à une participation de M. B... au loyer de leur logement commun. Pour justifier l'origine de ces sommes, Mme E... produit, outre une attestation de M. B..., des remises de chèques et des extraits du compte bancaire de ce dernier établissant l'identité de l'émetteur de ces crédits, ainsi qu'une quittance de loyer du mois de janvier 2015 établie à leurs deux noms. Si l'administration fait valoir que la nature de ces versements n'est pas établie par ces pièces, elles permettent toutefois de présumer que ces sommes créditées sur le compte de Mme E... sont constitutives d'une participation de M. B... à cette charge commune à hauteur de ses capacités financières ou à tout le moins aux dépenses de leur vie commune qui n'est pas contestée.

19. En cinquième lieu, Mme E... produit un extrait de relevé bancaire démontrant un virement de la somme de 30 euros portée au crédit de son compte courant le 23 mars 2015, contrairement à ce que soutient l'administration en défense qui ne conteste pas davantage que cette somme correspond effectivement à un virement de compte à compte de l'intéressée.

20. En sixième lieu, Mme E... soutient que la somme globale de 3 615 euros composée de deux chèques de 1 650 euros et d'un troisième chèque de 315 euros, créditée sur son compte courant le 6 septembre 2016 et celle de 1 163,70 euros, créditée le 4 octobre 2016 correspondent à des chèques émis par son fils, M. C... D..., en remboursement des sommes qu'elle avait prises en charge dans le cadre de la conclusion d'un bail de location. Elle justifie par les pièces produites, d'une part, le paiement des sommes correspondantes acquittées depuis son compte courant bancaire et la nature de ces sommes et, d'autre part, l'identité de l'auteur des versements par chèques portés au crédit de son compte courant à hauteur de 4 778,70 euros. L'administration n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause la présomption d'existence d'un prêt familial ou d'une entraide familiale résultant de ces versements.

21. En dernier lieu, Mme E... soutient que les sommes de 960 euros, 2 000 euros, 1 500 euros, 1 000 euros et 4 000 euros créditées les 1er avril 2016, 30 avril 2016, 17 mai 2016, 6 septembre 2016 et 13 octobre 2016 constituent des versements en provenance de la société Finance utile / Bourse privée. L'intéressée ne démontre pas l'origine du crédit de 960 euros par la seule production d'un bordereau de remise de chèque et n'établit pas que cette somme devrait être rattachée à une catégorie précise de revenus. Par voie de conséquence, l'administration a pu à bon droit imposer cette somme dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. En revanche, Mme E... justifie par les relevés bancaires de la société Finance utile / Bourse privée, l'origine des autres sommes portées au crédit de son compte courant. Les sommes en cause ne pouvaient par suite être imposées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée et il n'appartient pas au juge de l'impôt de substituer d'office au fondement de l'imposition contestée un autre fondement légal, l'administration n'ayant pas en l'espèce sollicité une substitution de base légale s'agissant de ces sommes.

22. Il résulte de ce tout qui précède que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris n'a pas réduit la base des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'année 2015 d'une somme supplémentaire de 12 151,35 euros et celle correspondant à l'année 2016 de la somme de 17 766,98 euros.

Sur les frais liés au litige :

23. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme E... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de décharge dans la mesure du dégrèvement de 2 827 euros prononcé en cours d'instance.

Article 2 : La base de l'impôt sur le revenu de Mme E... au titre de l'année 2015 est réduite d'une somme de 12 151,35 euros et au titre de l'année 2016 d'une somme de 17 766,98 euros.

Article 3 : Il est accordé à Mme E... la décharge de l'impôt sur le revenu et pénalités correspondant aux réductions de base d'imposition définies à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 26 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 mai 2024.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01595


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01595
Date de la décision : 17/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : GORLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-17;22pa01595 ?
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