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16/05/2024 | FRANCE | N°24PA00045

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 16 mai 2024, 24PA00045


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 août 2023 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour " recherche d'emploi ou création d'entreprise " ainsi que le renouvellement de son titre de séjour " étudiant ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.



Par un jugem

ent n° 2322932/8 du 13 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.





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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 août 2023 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour " recherche d'emploi ou création d'entreprise " ainsi que le renouvellement de son titre de séjour " étudiant ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par un jugement n° 2322932/8 du 13 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Raad, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2322932/8 du tribunal administratif de Paris du 13 décembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 août 2023 par lequel le préfet de police a refusé la délivrance des titres de séjour sollicités, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ", ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision rejetant sa demande de titre de séjour " étudiant " est entachée d'un vice de procédure et d'un défaut d'examen sérieux au regard de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision rejetant sa demande de titre de séjour " recherche d'emploi, création d'entreprise " méconnaît l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du règlement (UE) n° 2018/1806 du 14 novembre 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,

- et les observations de Me Raad, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., ressortissante marocaine née le 17 janvier 1998, est entrée en France le 20 septembre 2014, sous couvert d'un visa long séjour valant tire de séjour " étudiant ". Elle a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étudiante renouvelés à plusieurs reprises, le dernier étant valable jusqu'au 16 décembre 2022, puis de récépissés jusqu'au 5 septembre 2023. Le 28 septembre 2022, elle a demandé auprès des services préfectoraux le changement de son statut d'étudiant en celui de " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", et à titre subsidiaire, le renouvellement de son titre de séjour " étudiant ". Par un arrêté du 29 août 2023, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 13 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, par un arrêté n° 2023-00971 du 23 août 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris le même jour, le préfet de police a donné délégation à la signataire de l'arrêté attaqué, Mme A... C..., attachée d'administration, cheffe de la division de la rédaction et des examens spécialisés, pour signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement des autres délégataires désignés, sans qu'il ressorte des pièces du dossier que ces derniers n'aient pas été absents ou empêchés lorsqu'elle a signé la décision en cause. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

3. En deuxième lieu, si Mme B... soutient que le préfet était tenu de lui demander la production des pièces manquantes à son dossier de demande de titre de séjour en qualité d'étudiante, en vertu des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des dispositions spéciales régissant le traitement par l'administration des demandes de titres de séjour. Par suite, la procédure prévue à l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable à ces demandes. Dès lors, les moyens tirés du vice de procédure et du défaut d'examen sérieux doivent être écartés.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire d'une assurance maladie qui justifie soit avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2 ou L. 422-6 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret, soit avoir été titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " talent-chercheur " délivrée sur le fondement de l'article L. 421-14 et avoir achevé ses travaux de recherche, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : / 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur ; / 2° Il justifie d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches. ". Aux termes de l'article D. 422-13 du même code : " La liste mentionnée aux articles L. 422-10 et L. 422-14 comprend : 1° Les diplômes de niveau I labellisés par la Conférence des grandes écoles ; / 2° Le diplôme de licence professionnelle. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a fourni, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un diplôme de Mastère de journalisme, spécialisation presse culturelle de niveau 1, obtenu auprès de l'Ecole supérieure de journalisme, diplôme qui ne répond pas aux exigences réglementaires. La circonstance que le préfet de police ait délivré à Mme B..., à quatre reprises, un récépissé de demande de titre de séjour n'est pas de nature à entacher la décision contestée d'une méconnaissance des dispositions précitées, ni d'une erreur manifeste d'appréciation dans leur application, dès lors que la délivrance d'un récépissé résulte de la complétude du dossier de demande et non de la conformité de celui-ci au regard des exigences réglementaires. Il suit de là que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet a entaché la décision portant refus de titre de séjour " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une violation de ces dispositions et d'une erreur manifeste d'appréciation dans leur application.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui établit sa présence en France depuis 2014 sous couvert de titres de séjour en qualité d'étudiante, est célibataire et sans charge de famille sur le territoire national, alors qu'elle conserve des attaches familiales dans son pays d'origine. Par ailleurs, Mme B... n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, que le centre de ses intérêts se situerait en France, l'intensité des liens qu'elle aurait créés sur le territoire français, ni même son insertion particulière dans la société. Dès lors, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect de son droit à une vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En second lieu, si le règlement (UE) 2018/1806 du 14 novembre 2018 prévoit, en son annexe II fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont exemptés de l'obligation de visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres pour des séjours dont la durée n'excède pas 90 jours sur toute période de 180 jours, que les ressortissants des Etats-Unis ne sont pas soumis au délai de départ volontaire de trente jours, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions, inopérantes à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui, par elle-même ne fixe p as de délai de départ volontaire, alors, au demeurant, que la requérante n'a fait état que de sa nationalité marocaine en sollicitant le renouvellement de son titre de séjour.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA00045


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00045
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : RAAD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;24pa00045 ?
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