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15/05/2024 | FRANCE | N°24PA00243

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 15 mai 2024, 24PA00243


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'issue de ce délai.



Par un jugement n° 2323917/8 du 12 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 27 septembr

e 2023 du préfet de police, a enjoint à ce dernier de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2323917/8 du 12 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 27 septembre 2023 du préfet de police, a enjoint à ce dernier de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de deux mois et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de l'intéressé de la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat allouée au titre de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2024, le préfet de police doit être regardé comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement n° 2323917/8 du 12 décembre 2023 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris ; à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement en tant qu'il annule les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant comme pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement, tout pays dans lequel M. B... est légalement admissible à défaut d'éloignement dans son pays d'origine ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions contestées et a estimé, notamment, que la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige, prise sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devait être annulée comme entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. B..., faute de prise en considération de la qualité de réfugié de l'intéressé ;

- aucun des moyens soulevés par M. B... dans ses écritures de première instance n'est opérant ou fondé, hormis celui tiré des risques encourus en cas de retour dans le pays d'origine dont l'appréciation doit relever de " la sagesse de la Cour ".

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2024, M. B..., représenté par Me Mohamed Jaite, doit être regardé comme demandant à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) à titre principal, de rejeter comme irrecevable ou sans objet la requête du préfet de police ;

3°) à titre subsidiaire, de la rejeter comme infondée ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; à défaut, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros hors taxe à verser à son conseil, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat allouée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la requête d'appel du préfet de police est irrecevable faute d'être signée par son auteur conformément à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, et d'indiquer les nom, prénom et qualité de celui-ci, de telles irrégularités n'étant pas régularisables dans le délai d'appel ;

- c'est à tort que le préfet de police fait grief au premier juge d'avoir accueilli le moyen tiré du défaut d'examen ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence de son auteur ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance de son droit à être préalablement entendu, conformément aux dispositions de l'article L. 121-1 et 2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces articles ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnait les stipulations des articles 2, 3, 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'incompétence de son auteur ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît le principe de non-refoulement au sens des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnait les stipulations des articles 2, 3, 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par une ordonnance du 13 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 avril 2024 à 12 heures.

Vu la décision du 18 avril 2024 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York

le 31 janvier 1967 relatifs aux réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- et les observations de Me Jaite, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 6 septembre 1980, entré en France le 29 juillet 2021, a déposé une demande de protection internationale auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 9 août suivant. Le 15 décembre 2022, l'OFPRA a rejeté sa demande. Le 5 juillet 2023, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé cette décision. Par arrêté du 27 décembre 2023, le préfet de police a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement. Le préfet de police relève appel du jugement du 12 décembre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de deux mois et de délivrer à ce dernier, dans l'attente, une attestation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". L'article 20 de la même loi dispose que : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que M. B..., qui a bénéficié de l'aide juridictionnelle pour l'instance qu'il a introduite devant le Tribunal administratif de Paris, en conserve de plein droit le bénéfice. Au demeurant l'intéressé a de nouveau obtenu le bénéfice de cette aide par décision du 18 avril 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris. Les conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont donc sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

4. Pour annuler l'arrêté du préfet de police, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a estimé, qu'en se bornant à constater que la demande de protection internationale formulée par M. B... avait fait l'objet d'une décision de rejet de l'OFPRA, confirmée par la CNDA et que l'intéressé n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine, en conséquence de quoi rien ne s'opposait à ce qu'il soit éloigné du territoire français alors que celui-ci bénéficiait toujours de la qualité de réfugié, le préfet n'avait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de l'intéressé.

5. En premier lieu, le 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 stipule que la qualité de réfugié est notamment reconnue à " toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (...) ".

6. Aux termes de l'article 14 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection : " (...) 4. Les États membres peuvent révoquer le statut octroyé à un réfugié par une autorité gouvernementale, administrative, judiciaire ou quasi judiciaire, y mettre fin ou refuser de le renouveler, / a) lorsqu'il existe des motifs raisonnables de le considérer comme une menace pour la sécurité de l'État membre dans lequel il se trouve ; / b) lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre. / 5. Dans les situations décrites au paragraphe 4, les États membres peuvent décider de ne pas octroyer le statut de réfugié, lorsqu'une telle décision n'a pas encore été prise. / 6. Les personnes auxquelles les paragraphes 4 et 5 s'appliquent ont le droit de jouir des droits prévus aux articles 3, 4, 16, 22, 31, 32 et 33 de la convention de Genève ou de droits analogues, pour autant qu'elles se trouvent dans l'État membre ".

7. L'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Le statut de réfugié peut être refusé ou il peut être mis fin à ce statut lorsque :

1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ; 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d'Etat, des Etats dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales, au vu de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société. ".

8. Les dispositions de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être interprétées conformément aux objectifs de la directive du 13 décembre 2011 dont ils assurent la transposition et qui visent à assurer, dans le respect de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, d'une part, que tous les États membres appliquent des critères communs pour l'identification des personnes nécessitant une protection internationale et, d'autre part, un niveau minimal d'avantages à ces personnes dans tous les États membres. Il résulte du paragraphe 4 de l'article 14 de cette directive, tels qu'interprété par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 mai 2019 M e.a. (Révocation du statut de réfugié) (C-391/16, C-77/17 et C-78/17), que la " révocation " du statut de réfugié que ses dispositions prévoient, ne saurait avoir pour effet de priver de la qualité de réfugié le ressortissant d'un pays tiers ou l'apatride concerné qui remplit les conditions pour se voir reconnaître cette qualité au sens du A de l'article 1er de la convention de Genève. En outre, le paragraphe 6 de l'article 14 de cette même directive doit être interprété en ce sens que l'État membre qui fait usage des facultés prévues à l'article 14, paragraphe 4, de cette directive, doit accorder au réfugié relevant de l'une des hypothèses visées à ces dispositions et se trouvant sur le territoire de cet État membre, à tout le moins, le bénéfice des droits et protections consacrés par la convention de Genève auxquels cet article 14, paragraphe 6, fait expressément référence, en particulier la protection contre le refoulement vers un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée, ainsi que des droits prévus par ladite convention dont la jouissance n'exige pas une résidence régulière.

9. La perte ou le refus de reconnaissance du statut de réfugié résultant de l'application de l'article L. 511-7 ne saurait dès lors avoir une incidence sur la qualité de réfugié, que l'intéressé est réputé avoir conservée ou s'est vu reconnaître dans l'hypothèse où l'OFPRA et, le cas échéant, le juge de l'asile, font application de l'article L. 511-7, dans les limites prévues par l'article 33, paragraphe 1, de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le paragraphe 6 de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011.

10. En second lieu, aux termes de l'article 33 de la convention de Genève : " 1. Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. / 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays ". Aux termes de l'article 21 de la directive du 13 décembre 2011 : " 1. Les États membres respectent le principe de non-refoulement en vertu de leurs obligations internationales. / 2. Lorsque cela ne leur est pas interdit en vertu des obligations internationales visées au paragraphe 1, les États membres peuvent refouler un réfugié, qu'il soit ou ne soit pas formellement reconnu comme tel : / a) lorsqu'il y a des raisons sérieuses de considérer qu'il est une menace pour la sécurité de l'État membre où il se trouve ; ou / b) lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre. / (...) ". Il résulte de ces dispositions et de l'application des dispositions de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il peut être dérogé au principe de non-refoulement lorsqu'il existe des raisons sérieuses de considérer que le réfugié constitue une menace grave pour la sureté de l'État ou lorsque, ayant été condamné en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, il constitue une menace grave pour la société. Toutefois, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne par l'arrêt du 14 mai 2019 cité au point 8 ci-dessus, un État membre ne saurait éloigner un réfugié lorsqu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'il encourt dans le pays de destination un risque réel de subir des traitements prohibés par les articles 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ainsi, lorsque le refoulement d'un réfugié relevant de l'une des hypothèses prévues au 4 de l'article 14 ainsi qu'au 2 de l'article 21 de la directive du 13 décembre 2011 ferait courir à celui-ci le risque que soient violés ses droits fondamentaux consacrés aux articles 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre concerné ne saurait déroger au principe de non-refoulement sur le fondement du 2 de l'article 33 de la convention de Genève.

11. Il appartient à l'étranger qui conteste son éloignement de démontrer qu'il y a des raisons sérieuses de penser que, si la mesure incriminée était mise à exécution, il serait exposé à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou aux articles 4 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Toutefois, ainsi qu'il ressort de l'arrêt du 15 avril 2021 de la Cour européenne des droits de l'homme K.I. contre France (n° 5560/19), le fait que la personne ait la qualité de réfugié est un élément qui doit être particulièrement pris en compte par les autorités. Dès lors, la personne à qui le statut de réfugié a été retiré ou refusé, mais qui a conservé la qualité de réfugié ou s'est vu reconnaître cette qualité, ne peut être éloignée que si l'administration, au terme d'un examen approfondi de sa situation personnelle prenant particulièrement en compte cette qualité, conclut à l'absence de risque pour l'intéressé de subir un traitement prohibé par les stipulations précitées dans le pays de destination.

12. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'arrêté attaqué que, pour l'examen de la situation personnelle de M. B..., le préfet de police a retenu que l'OFPRA, dont la décision a été confirmée par la CNDA, avait rejeté la demande de statut de réfugié de l'intéressé et que

ce-dernier n'établissait pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Cet examen, ainsi que l'a retenu la première juge, n'est pas suffisamment approfondi dès lors qu'il ne permet pas d'établir ou d'écarter l'existence de risques de traitements inhumains ou dégradants au sens des textes précédemment évoqués, compte tenu de la qualité de réfugié que lui a reconnue la CNDA dans sa décision du 5 juillet 2023, sans que puissent être utilement opposées les circonstances que la décision aurait prise au vu du sens des décisions de l'OFPRA et de la CNDA et des données telles que figurant sur l'application " TelemOfpra ", sans autre précision, et que l'intimé n'aurait pas produit ces décisions en cours d'instruction du dossier. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel, le préfet de police n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 27 décembre 2023.

13. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Jaite, son avocat, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... à fin d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 3 : L'État versera à Me Jaite, avocat de M. B..., une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... B... et au préfet de police.

Copie en sera adressée à Me Mohamad Jaite.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2024.

La rapporteure,

M-D JAYERLa présidente,

E. TOPIN

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA00243 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00243
Date de la décision : 15/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : JAITE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-15;24pa00243 ?
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