Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 361 307 euros en réparation du préjudice subi du fait de la violation du droit communautaire par la juridiction administrative.
Par un jugement n° 2008582/1-1 du 25 janvier 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Eric Planchat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2008582/1-1 du 25 janvier 2023 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'Etat à indemniser le préjudice correspondant au montant des impositions et pénalités mises à sa charge du titre des années 2007 et 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de l'Etat pour faute est engagée ; la décision du Conseil d'État du 16 novembre 2016 n° 398552 est entachée d'une violation manifeste du droit communautaire et plus particulièrement des dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le juge de l'impôt ayant admis que l'administration puisse ne pas transmettre au contribuable l'intégralité des renseignements et documents obtenus des autorités belges ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit s'appliquer en matière d'assistance administrative fondée sur les directives européennes ;
- la Cour de Justice de l'Union européenne, dans une décision du 16 octobre 2019 Glencore Agriculture Hungary Kft (affaire C 189/18), a exigé qu'un contribuable puisse avoir accès pendant la procédure d'imposition à l'ensemble des éléments recueillis sur lesquels l'administration entend fonder sa décision.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2023, le Garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est associée et gérante de la société Métropol Hôtel, qui exploite un hôtel 98 rue de Maubeuge à Paris (75010). A la suite d'une vérification de comptabilité de cette société et d'un examen de la situation fiscale personnelle de Mme B..., cette dernière a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, notamment au titre des années 2007 et 2008. Mme B... a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires, qui a été rejetée par le jugement n° 1314779 du 28 novembre 2014. La Cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement par l'arrêt n° 15PA00419 du 5 février 2016, devenu définitif, le Conseil d'Etat, par une décision n° 398552 du 16 novembre 2016, ayant refusé d'admettre le pourvoi en cassation. Par un courrier en date du 30 mars 2020, Mme B... a alors présenté auprès de la ministre de la justice une demande en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne résultant de la décision précitée du Conseil d'Etat. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 361 307 euros, correspondant au montant des impositions mises à sa charge au titre des années 2007 et 2008.
2. Aux termes de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ". Aux termes de l'article 51 de ladite charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que le contentieux dans le cadre duquel serait intervenue la faute dont se prévaut la requérante est relatif à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales. L'Etat ne mettant pas en œuvre le droit de l'Union lorsqu'il établit des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, la requérante ne peut se prévaloir de la méconnaissance de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors que l'article 51 de cette charte prévoit qu'elle n'est applicable aux États membres que lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. La circonstance que les modalités d'assistance administrative entre Etats soient prévues par des directives européennes est à cet égard dépourvue de portée, dès lors que la faute alléguée n'a pas été commise dans la mise en œuvre de la procédure d'assistance administrative, mais dans l'établissement de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir, à l'appui de ses conclusions indemnitaires, que la décision du Conseil d'Etat n° 398552 du 16 novembre 2016 est entachée d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne
4. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au Garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Topin, présidente,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2024.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
E. TOPIN
La greffière,
C. ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne au ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01236 2