Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.
Par un jugement n° 2104613/7 et 2104614/7 du 9 janvier 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête le 6 mars 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Gérard Krief, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 janvier 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prononcer les décharges sollicitées devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la comptabilité de la société LHAD a, à tort, été écartée, dès lors que l'écart constaté entre la liste des règlements édités par le magasin d'Argenteuil et ceux enregistrés en comptabilité ne représentent que 4,2 % du chiffre d'affaires total de la société ;
- la reconstitution des recettes est exagérée, dès lors qu'elle n'est fondée que sur les données comptables du magasin d'Argenteuil pour la seule année 2014, que les recettes en espèces étaient moins importantes dans les autres magasins et que les conditions d'exploitation en 2015 étaient différentes de celles de 2014 ;
- l'administration n'a pas apporté la preuve de ce que M. C... aurait été le bénéficiaire de revenus distribués ;
- la décharge des pénalités doit être prononcée par voie de conséquence ;
- les intérêts de retard doivent être limités au taux légal.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Topin,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée LHAD exerçait une activité de vente au détail d'articles de prêt à porter pour hommes dans des magasins de la région parisienne. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de laquelle l'administration a rehaussé les bénéfices réalisés au titre des exercices clos en 2014 et 2015. Consécutivement à cette vérification, l'administration a mis à la charge de M. et Mme C... des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux ainsi que des pénalités et des intérêts de retard au titre des années 2014 et 2015 à raison de revenus considérés comme distribués par la société au profit de M. C..., qui était le gérant de la société et qui détenait avec sa femme les deux-tiers des parts. Par un jugement du 9 janvier 2023 dont M. et Mme C... relèvent appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge en droits et pénalités de ces impositions.
Sur l'étendue du litige :
2. Par des décisions du 28 avril 2023, l'administration a prononcé le dégrèvement total des impositions en litige pour l'année 2015 et à hauteur de 153 081 euros en droits et pénalités au titre de l'année 2014. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur les conclusions à fin de décharge des impositions restant en litige :
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a rejeté la comptabilité de la société aux motifs, d'une part, que cette dernière comptabilisait globalement ses recettes en fin de mois et ne disposait ni de pièces justificatives des caisses enregistreuses de la société, ni de brouillard de caisse pour les six magasins exploités, d'autre part, que les articles vendus ne pouvaient être rattachés aux factures d'achat correspondantes et enfin que le compte de caisse ne retraçait pas journalièrement le montant des espèces de la société, alors que, par ailleurs, le rapprochement entre la liste des règlements " clients " que la société n'a fourni que pour le seul magasin d'Auteuil et la seule année 2014, et les recettes enregistrées en comptabilité et déclarées par la société, a laissé apparaître une discordance d'un montant de 74 272,61 euros représentant plus de 13 % des recettes de ce magasin. Si les requérants soutiennent que l'erreur ne porte que sur 4,2 % du chiffre d'affaires des magasins, la société n'a pas mis en mesure l'administration de procéder aux vérifications des autres magasins à défaut, pour elle, de produire la liste des règlements clients des autres magasins. Ils ne justifient pas non plus des causes extrinsèques alléguées pour expliquer ces discordances. Enfin, ils ne contestent pas les autres motifs retenus par l'administration pour écarter la comptabilité. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a écarté la comptabilité de la société LHAD.
4. En deuxième lieu, l'administration, après avoir constaté que les discordances portaient pour l'essentiel sur les recettes encaissées en espèces, a reconstitué les recettes de la société de l'exercice 2014 à partir du pourcentage de recettes encaissées en espèces enregistrées dans le magasin d'Argenteuil au titre de l'exercice 2014, soit 37,06 %. Les requérants, qui supportent la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales dès lors qu'ils se sont abstenus de présenter des observations à la proposition de rectification dont il n'est pas contesté qu'elle leur a été régulièrement notifiée, n'apportent aucun élément de nature à démontrer, ainsi qu'ils le soutiennent, que ce pourcentage ne serait pas représentatif pour les autres magasins exploités par la société. Par suite, le moyen tiré du caractère exagéré de la méthode de reconstitution doit ainsi être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Il appartient en principe à l'administration, lorsque le contribuable a régulièrement contesté les rectifications, d'apporter la preuve de l'existence et du montant de ces distributions ainsi que de leur appréhension. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
6. En appel, l'administration sollicite la substitution des dispositions du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts à celles du 2° de cet article 109-1 sur lesquelles elle a assis les rehaussements de revenus qu'elle estime distribués à M. C... en 2014. Dès lors qu'il résulte de l'instruction que cette demande de substitution de base légale n'a pas pour effet de priver les contribuables des garanties de procédure prévues par la loi, il y a lieu d'examiner si elle est fondée en droit.
7. En l'espèce, l'administration a fait valoir que M. C..., gérant de la société, était le seul à détenir la signature sur les comptes bancaires de la société et que sa femme et lui disposaient des deux-tiers des parts de la société. M. C... pouvait ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire et par suite comme réputé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôlait à la clôture de l'exercice 2014. Par suite, le moyen tiré de ce que la réintégration dans les revenus imposables de M. et Mme C... de revenus distribués en 2014 méconnaitrait l'article 109-1 du code général des impôts doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 1727 du code général des impôts dans sa version applicable à l'espèce : " I. - Toute créance de nature fiscale dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. À cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au code général des impôts. III. - Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. Il s'applique sur le montant des créances de nature fiscale mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. ".
9. Si les requérants soutiennent que le taux d'intérêt de retard doit être limité au taux d'intérêt légal, ils ne le démontrent pas en se bornant à se référer à un jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 6 juillet 2000. Par suite, l'administration était fondée à appliquer le taux d'intérêt en application des dispositions de l'article 1727 du code général des impôts.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande s'agissant des impositions restant en litige.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme C... la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. et Mme C... est rejeté
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Topin, présidente,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2024.
La présidente-rapporteure,
E. TOPINL'assesseur le plus ancien,
F. MAGNARD
La greffière,
C ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA0092602