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15/05/2024 | FRANCE | N°22PA03511

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 15 mai 2024, 22PA03511


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Comptoir National de l'Or a demandé au Tribunal administratif de Paris de de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 à hauteur de 232 289 euros.



Par un jugement n° 2010069/1-2 du 21 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 juillet 2022 et 28 juin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Comptoir National de l'Or a demandé au Tribunal administratif de Paris de de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 à hauteur de 232 289 euros.

Par un jugement n° 2010069/1-2 du 21 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 juillet 2022 et 28 juin 2023, la société Comptoir National de l'Or, représentée par Me Gilles Moreu, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 juin 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le montant facturé pour les prestations de services comptables n'était pas excessif ;

- il incombe à l'administration d'établir que ce prix est supérieur au prix de marché ;

- le taux horaire de 150 euros n'est pas anormal ;

- le coût horaire de l'employé concerné est très supérieur à son salaire horaire ;

- les prestations facturées sont effectuées dans l'intérêt de la filiale et non dans celui de l'ensemble du groupe ;

- la déduction de la taxe sur les métaux précieux en 2013 n'a pas eu d'impact sur le résultat compte tenu du retraitement comptable opéré et de la comptabilisation des remboursements en produits exceptionnels ;

- au titre de l'année 2014, elle avait collecté la taxe en application de la doctrine administrative, le produit exceptionnel résultant de la décision de rescrit ayant été constaté en 2015.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Moreu, représentant la société Comptoir national de l'Or.

Considérant ce qui suit :

1. La société Comptoir National de l'Or exerce une activité de négoce de métaux précieux, de développement et franchises, d'exploitation de site web, de vente d'espaces publicitaires, d'agence de publicité et de formation. A l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, le service a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette dernière. La société Comptoir National de l'Or relève appel du jugement du 21 juin 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, intérêts de retard et majorations, de ces impositions.

Sur charges déductibles au titre des prestations de service :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

3. La société Comptoir National de l'Or a signé, le 1er mars 2013, avec la société Gold II Holding, qui est son associée unique et sa dirigeante, une convention de services qui prévoit que la société mère fait bénéficier à sa filiale de ses compétences en matière de gestion et d'administration et assume des prestations d'assistance, de management et d'animation. A l'issue de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société requérante, le service a partiellement remis en cause la déduction par cette dernière, au titre des années vérifiées, des sommes versées à la société Gold II Holding en application de cette convention estimant que les montants en cause, soit 227 400 euros pour 1 516 heures facturées en 2013 et 273 000 euros pour 1 820 heures facturées en 2014, étaient excessifs. Il a, en particulier, estimé que les prestations réalisées par M. A..., comptable, ne correspondaient pas à un tel niveau de rémunération, d'autant que la société Gold II Holding rémunérait ce dernier 25,06 euros de l'heure en 2013 et 26,47 euros de l'heure en 2014 pour l'ensemble de ses missions et que l'intérêt pour la société requérante de rémunérer à un taux horaire de 150 euros les prestations en litige n'était pas établi. L'administration a donc réintégré la fraction des dépenses ainsi engagées qu'elle estimait excessive, déterminée à partir du salaire horaire susmentionné, majoré, conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, d'une marge de 7 %.

4. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale ne conteste pas la réalité des prestations facturées à la société requérante par la société Gold II Holding et ne soutient pas devant la Cour que la société requérante aurait pris en charge des dépenses incombant à d'autres sociétés du groupe. Il lui appartient, par suite, la comptabilité de l'intéressée n'étant pas entachées de graves irrégularités, d'établir le caractère excessif des prix facturés. Elle ne saurait se contenter pour ce faire de se fonder sur les coûts salariaux supportés par la

société Gold II Holding pour la réalisation de ces prestations, mais doit établir que les prix pratiqués à l'égard de la société requérante différaient de ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement à l'égard de clients non liés à elles par une communauté d'intérêts. Si l'administration fait valoir que les missions comptables exercées par la société Gold II Holding, en la personne de M. A..., correspondaient à des actes comptables courants et ne justifiaient pas une rémunération équivalente à celle d'un expert-comptable, elle ne conteste pas sérieusement que les prestations facturées dépassaient la simple assistance comptable, et, qu'exercées par une personne justifiant plus de vingt-ans d'expérience, elles impliquaient également, en exécution de la convention signée entre les deux sociétés, des tâches d'étude, de conseils et de simulation, ayant pour objet d'apprécier les conséquences comptables des orientations stratégiques et commerciales ainsi que l'élaboration d'outils informatiques correspondants. Dans ces conditions, la seule référence à des documents trouvés sur l'internet près de 10 ans après les années d'imposition, dont il ressortirait qu'il existe des prestations d'assistance administrative, et notamment comptable, au taux horaire d'environ 30 euros, et en l'absence de tout recoupement possible entre les prestations dont s'agit et celles effectivement réalisées par la société Gold II Holding, ainsi que sur les niveaux de qualification requis par ces prestations, et alors même que la société requérante aurait par ailleurs recours au service d'un expert-comptable et que M. A... n'avait pas cette qualification, ne permet pas d'établir le caractère excessif des prix facturés. Dans ces conditions, c'est à tort que l'administration a réintégré une partie des montants ainsi facturés au motif qu'ils étaient excessifs au regard des prestations réalisées pour les besoins de son activité.

Sur le passif injustifié :

5. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ".

En ce qui concerne l'année 2013 :

6. Il est constant que la société Comptoir National de l'Or, qui n'avait pas la qualité d'intermédiaire, n'était pas redevable de la taxe sur les métaux précieux au titre de l'année 2013. Le service a toutefois constaté qu'elle avait inscrit la taxe collectée à son passif au crédit du compte 467110 et que ce crédit avait été maintenu à la clôture de l'exercice au 31 décembre 2013. La société requérante ne conteste pas sérieusement l'existence de ce passif injustifié au compte 467110. Si elle se prévaut, par un moyen qui ne peut être analysé que comme une demande de compensation, des retraitements comptables qu'elle a effectués à l'occasion de l'achat des objets concernés et de la comptabilisation des remboursements de taxe en produits exceptionnels, elle n'identifie en tout état de cause aucune écriture à l'actif du bilan qui serait de ce fait surestimée ni aucune écriture au passif qui serait de ce fait sous-estimée à la clôture de l'exercice 2013. Par suite, elle n'est pas fondée à demander la décharge des redressements correspondants.

En ce qui concerne l'année 2014 :

7. Aux termes de l'article 150 VI du code général des impôts : " I. - Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels, sont soumises à une taxe forfaitaire dans les conditions prévues aux articles 150 VJ à 150 VM les cessions à titre onéreux ou les exportations, autres que temporaires, hors du territoire des Etats membres de la Communauté européenne : / 1° De métaux précieux ; / 2° De bijoux, d'objets d'art, de collection ou d'antiquité. / II. - Les dispositions du I sont applicables aux cessions réalisées dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ". Aux termes du 4° de l'article 150 VJ du même code, sont exonérés " Les cessions ou les exportations des biens mentionnés au 2° du I de l'article 150 VI lorsque le prix de cession ou la valeur en douane n'excède pas 5 000 euros ".

8. II résulte de l'instruction que la société Comptoir National de l'Or, n'était pas, en application des dispositions du 4° de l'article 150 VJ du code général des impôts, redevable de la taxe sur les métaux précieux au titre de l'année 2014 pour les cessions d'objets dont la valeur est inférieure à 5 000 euros. L'administration fiscale a toutefois constaté qu'elle avait inscrit à ce titre la taxe collectée à son passif au crédit du compte 467110 et que ce crédit avait été à tort maintenu à la clôture de l'exercice au 31 décembre 2014. Si, au 31 décembre 2014, la doctrine référencée BOFIP BOI-RPPM-PVBMC-20-10 du 12 septembre 2012 confirmée dans sa version publiée le 1er avril 2014 constatait l'exonération desdits objets aux termes des dispositions de l'article 150 VJ du code, elle excluait également, avant son annulation partielle par la décision n° 238483 du Conseil d'Etat du 11 mars 2015, les objets destinés à la fonte du champ des biens mentionnés au 2° du I de l'article 150 VI, et par suite du 4° de l'article 150 VJ. L'administration fiscale, qui se borne à faire valoir que les opérations en cause n'étaient pas soumises à la taxe, ne saurait reprocher au contribuable d'avoir fait application de la doctrine en vigueur à la clôture de l'exercice. La société requérante est par suite fondée à soutenir, contrairement à ce que soutient le ministre, qu'elle était en droit de faire figurer au passif de son bilan de clôture de l'exercice 2014 la taxe sur les métaux précieux collectée en application de la doctrine administrative.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à demander la réduction de sa base imposable des exercices clos en 2013 et 2014 à hauteur des redressements qui lui ont été notifiés à raison de prestations de services facturées à un prix excessif, la réduction de sa base imposable de l'exercice clos en 2014 à hauteur du redressement qui lui a été notifié du chef de la remise en cause, au passif du bilan de clôture de cet exercice, des sommes y figurant au titre de la taxe sur les métaux précieux, la décharge des impositions correspondantes et la réformation en ce sens du jugement attaqué. Pour le surplus, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Comptoir National de l'Or de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La base imposable de la société Comptoir National de l'Or à l'impôt sur les sociétés et à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des exercices clos en 2013 et 2014 est réduite des redressements qui lui ont été notifiés à raison de prestations de services facturées à un prix excessif, et au titre de l'exercice clos en 2014 à hauteur du redressement qui lui a été notifié du chef de la remise en cause, au passif du bilan de clôture de cet exercice, des sommes y figurant au titre de la taxe sur les métaux précieux.

Article 2 : La société Comptoir National de l'Or est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 en conséquence de la réduction de base imposable prononcée à l'article 1er.

Article 3 : L'Etat versera à la société Comptoir National de l'Or la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de la société Comptoir National de l'or est rejeté.

Article 5 : Le jugement n° 2010069/1-2 du 21 juin 2022 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Comptoir National de l'or et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2024.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

E. TOPIN

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 22PA03511 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03511
Date de la décision : 15/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : MOREU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-15;22pa03511 ?
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