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15/05/2024 | FRANCE | N°22PA02892

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 15 mai 2024, 22PA02892


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.



Par un jugement n° 1808992/2-2 du 21 avril 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.



Procédure devant

la Cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 juin et 4 novembre 2022, M. et Mme A..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1808992/2-2 du 21 avril 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 juin et 4 novembre 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Philippe Morisset et Me Sonia Neto, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 avril 2022 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le droit de reprise abrégé de l'administration était prescrit lorsque le service vérificateur leur a adressé la proposition de rectification du 16 juin 2014 en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration fiscale ne s'est pas bornée à rappeler et reporter dans la déclaration n° 2042C la plus-value déclarée en tant que plus-value à long terme exonérée par l'organisme de gestion agréé sur la déclaration professionnelle, mais a requalifié cette plus-value en plus-value taxable au taux de 16 % et a ainsi rectifié les résultats de la société ;

- elle ne pouvait le faire sans détournement de procédure après l'expiration du délai de reprise ;

- l'organisme de gestion agréé a indiqué que la plus-value était exonérée ;

- la règle selon laquelle le délai de reprise abrégé ne vaut que dans la mesure où il y a concordance entre, d'une part, les éléments déclarés à l'organisme de gestion agréé, et d'autre part, les éléments ultérieurement déclarés par le contribuable dans sa déclaration personnelle n'a vocation à s'appliquer que si les éléments déclarés sont effectivement soumis au contrôle de cet organisme et ce n'est pas le cas s'agissant des conditions d'exonération ;

- ils n'ont pas eu l'intention d'éluder l'impôt en omettant de déclarer la plus-value professionnelle de 342 814 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce que la Cour constate un non-lieu à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejette le surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Morisset, représentant M. et Mme A....

Une note en délibéré, enregistrée le 2 mai 2024, a été présentée pour M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL " Alloul'Optique ", par l'intermédiaire de laquelle M. A... exerçait la profession d'opticien et dont il était le gérant et l'associé unique, a cédé son fonds de commerce, le 19 juillet 2011, à la société " Optique du Centre ", dont M. A... était le président-directeur général. Cette cession a généré une plus-value professionnelle de 342 614 euros. A l'issue d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal personnel de M. et Mme A... portant sur l'année 2011, l'administration fiscale a identifié l'existence de cette plus-value et l'a réintégrée dans le revenu imposable des époux. M. et Mme A... relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande en décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales qui en ont découlé.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 14 octobre 2022, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur en charge de la direction départementale des finances publiques de la Seine-et-Marne a procédé au dégrèvement intégral, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus dues par les requérants au titre de l'année 2011. Les conclusions des requérants sont, dans cette mesure, devenues sans objet, de sorte qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé des prélèvements sociaux restant en litige :

3. Aux termes de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf dispositions contraires du code général des impôts ". Aux termes de l'article L. 169 de ce livre, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration, pour les revenus imposables selon un régime réel dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux et des bénéfices agricoles ainsi que pour les revenus imposables à l'impôt sur les sociétés des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, et des sociétés à responsabilité limitée, des exploitations agricoles à responsabilité limitée et des sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont l'associé unique est une personne physique, s'exerce jusqu'à la fin de la deuxième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable est adhérent d'un centre de gestion agréé ou d'une association agréée, pour les périodes au titre desquelles le service des impôts des entreprises a reçu une copie du compte rendu de mission prévu aux articles 1649 quater E et 1649 quater H du code général des impôts. Cette réduction de délai ne s'applique pas aux contribuables pour lesquels des pénalités autres que les intérêts de retard auront été appliquées sur les périodes d'imposition non prescrites visées au présent alinéa / (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que si l'administration ne dispose, par dérogation à la règle fixée au premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, que d'un délai de reprise courant jusqu'au 31 décembre de la deuxième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition était due pour rectifier les omissions, insuffisances ou erreurs affectant l'assiette ou la liquidation de l'impôt sur le revenu dû par les contribuables imposables selon un régime réel dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux et des bénéfices agricoles ainsi que de l'impôt sur les sociétés dû par les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée et les sociétés à responsabilité limitée, exploitations agricoles à responsabilité limitée et sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée dont l'associé unique était une personne physique, lorsque le contribuable était adhérent d'un centre de gestion agréé ou d'une association agréée ayant donné lieu à l'émission d'un compte rendu de mission au titre des périodes concernées, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer, en ce qui concerne les entreprises soumises au régime fiscal des sociétés de personnes et dont les bénéfices sont taxables entre les mains de leurs associés à concurrence de leur quote-part, pour les rectifications procédant des erreurs ou insuffisances constatées dans le report, dans la déclaration personnelle de l'associé, des indications figurant dans la déclaration professionnelle déposée par l'entreprise. Dans cette hypothèse, l'administration dispose d'un délai courant jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due pour procéder aux rectifications de l'impôt dû par l'associé.

5. Il résulte de l'instruction que M. A..., qui était le gérant et l'associé unique de l'EURL " Alloul'Optique ", laquelle a cédé en juillet 2011 son fonds de commerce, n'a pas reporté sur sa déclaration personnelle la plus-value professionnelle de 342 614 euros réalisée en 2011 figurant sur la déclaration n° 2031 souscrite par cette entreprise et ne l'a donc pas soumise aux prélèvements sociaux auxquelles elle était assujettie, quand bien même la déclaration n° 2031 faisait état d'une exonération de cette plus-value de cotisations d'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article 151 septies 1 du code général des impôts. Dans ces conditions, dès lors que la rectification restant en litige procède du seul constat, par l'administration fiscale, de cette omission, c'est à bon droit que le service a considéré qu'il disposait d'un délai courant jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due pour procéder à cette rectification. La double circonstance que l'organisme de gestion agréé a indiqué que la plus-value était exonérée et que l'administration fiscale a requalifié cette plus-value en plus-value taxable à l'impôt sur le revenu au taux de 16 % et a ainsi rectifié les résultats de la société, est dépourvue de portée dès lors que les rehaussements d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ont été abandonnés en cours d'instance par le service et que seuls restent en litige les prélèvements sociaux qui ne relèvent pas du champ de l'exonération en cause, prévue par les dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts. Les requérants ne peuvent en conséquence se prévaloir à cet égard d'un détournement de procédure. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le droit de reprise de l'administration était expiré lorsque le service vérificateur leur a adressé la proposition de rectification du 16 juin 2014, alors même que l'EURL " Alloul'Optique " était adhérente d'un centre de gestion agréé ou d'une association agréée ayant donné lieu à l'émission d'un compte rendu de mission au titre des périodes concernées.

Sur les pénalités :

6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré / (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que les requérants ont omis de reporter sur leur déclaration personnelle, pour la taxation aux prélèvements sociaux, la plus-value professionnelle réalisée au titre de l'année 2011. Cette somme représente plus de 300 % du montant des bénéfices industriels et commerciaux déclarés au titre de l'année 2011 et plus de 169 % du revenu global initialement déclaré à hauteur de 201 849 euros au titre de la même année. En tant que gérant et associé unique de l'EURL " Alloul'Optique " en 2011, M. A... ne pouvait ignorer l'existence de cette plus-value ni son caractère imposable aux prélèvements sociaux. Si M. et Mme A... soutiennent qu'en sa qualité de dirigeant de l'EURL " Alloul'Optique ", M. A... a eu recours pour la tenue de sa comptabilité aux services d'une association de gestion et de comptabilité agréée et que cette association a établi la déclaration n° 2031 en y mentionnant la plus-value litigieuse comme une " plus-value à long-terme exonérée (art. 151 septies A du CGI) ", une telle argumentation est dépourvue de portée dès lors que les déclarations fiscales sont établies sous la seule responsabilité des contribuables, que l'exonération en cause ne concerne pas les prélèvements sociaux et que le rehaussement demeurant en litige procède de la seule omission commise par les intéressés. Dans ces conditions, et alors même que M. A... n'est pas un praticien du droit fiscal et que la commission des infractions fiscales, saisie dans le cadre de ce litige a, dans sa séance du 23 septembre 2015, rendu un avis défavorable à l'engagement de poursuites correctionnelles à l'encontre de M. A..., l'administration fiscale a établi la volonté délibérée des requérants d'éluder l'impôt et, par suite, le bien-fondé de la pénalité litigieuse.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions relatives aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mises à la charge de M. et Mme A... au titre de l'année 2011.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. et Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2024.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

E. TOPIN

La greffière,

C ABDI-OUAMRANE.

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 22PA02892 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02892
Date de la décision : 15/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SELARL AVODIA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-15;22pa02892 ?
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