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07/05/2024 | FRANCE | N°23PA04055

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 07 mai 2024, 23PA04055


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Pantin et la commune d'Aubervilliers ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté n° 2021-00983 du préfet de police du 24 septembre 2021 portant évacuation et prise en charge des personnes sous l'emprise ou en manque de " crack " dans le secteur du jardin d'Eole et de la place de la Bataille de Stalingrad, et instaurant une interdiction temporaire des distributions de produits à titre gratuit dans certaines rues de ce secteur, en tant qu'il dé

cide l'évacuation d'office et la prise en charge en vue de leur " transport vers l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Pantin et la commune d'Aubervilliers ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté n° 2021-00983 du préfet de police du 24 septembre 2021 portant évacuation et prise en charge des personnes sous l'emprise ou en manque de " crack " dans le secteur du jardin d'Eole et de la place de la Bataille de Stalingrad, et instaurant une interdiction temporaire des distributions de produits à titre gratuit dans certaines rues de ce secteur, en tant qu'il décide l'évacuation d'office et la prise en charge en vue de leur " transport vers la rue Forceval, à hauteur du square de la Porte de la Villette, de toutes les personnes sous l'emprise ou en manque de crack qui se regroupent dans le périmètre " qu'il définit (article 1er).

Par un jugement n° 2122306-2122549/3-2 du 12 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en tant qu'il décide l'évacuation d'office et la prise en charge en vue de leur " transport vers la rue Forceval, à hauteur du square de la Porte de la Villette, de toutes les personnes sous l'emprise ou en manque de crack qui se regroupent dans le périmètre " qu'il définit.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2023, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 12 juillet 2023 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la commune de Pantin et la commune d'Aubervilliers devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché de contradiction de motifs ;

- c'est à tort que ce jugement a annulé la mesure litigieuse comme entachée d'une erreur d'appréciation ;

- cette mesure n'est pas entachée d'erreur de fait ;

- elle n'est pas entachée d'erreur de droit ;

- c'est à tort que le jugement attaqué a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, alors qu'il a pris la mesure en litige, non en tant qu'autorité d'Etat, mais au nom de la Ville de Paris sur le fondement de l'article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales ;

- les conclusions que la commune de Pantin et la commune d'Aubervilliers pourraient présenter sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, devraient être interprétées comme dirigées contre la Ville de Paris.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2024, la commune de Pantin, représentée par Me Aderno, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de police ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du tribunal administratif de Paris et de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés en première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat ou de la Ville de Paris une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés en appel.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;

- l'arrêté du préfet de police repose sur une erreur d'appréciation ;

- il est entaché d'erreur de droit ;

- à titre subsidiaire, si le jugement du tribunal administratif devait être réformé en ce qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y aurait lieu de mettre cette somme à la charge de la Ville de Paris.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2024, la commune d'Aubervilliers, représentée par Me Aderno, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de police ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du tribunal administratif de Paris et de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés en première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat ou de la Ville de Paris une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés en appel.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;

- l'arrêté du préfet de police repose sur une erreur d'appréciation ;

- il est entaché d'erreur de droit ;

- à titre subsidiaire, si le jugement du tribunal administratif devait être réformé en ce qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y aurait lieu de mettre cette somme à la charge de la Ville de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- l'arrêté des consuls du 12 Messidor An VIII ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les observations de M. A..., représentant le préfet de police,

- et les observations de Me Delescluse, pour les communes de Pantin et d'Aubervilliers.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° 2021-00983 du 24 septembre 2021, le préfet de police a décidé l'évacuation et la prise en charge des personnes sous l'emprise ou en manque de " crack " dans le secteur du jardin d'Eole et de la place de la Bataille de Stalingrad, et a instauré une interdiction temporaire des distributions de produits à titre gratuit dans certaines rues de ce secteur. Par un jugement du 12 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a, à la demande de la commune de Pantin et de la commune d'Aubervilliers, annulé cet arrêté en tant qu'il décide l'évacuation d'office et la prise en charge en vue de leur " transport vers la rue Forceval, à hauteur du square de la Porte de la Villette, de toutes les personnes sous l'emprise ou en manque de crack qui se regroupent dans le périmètre " qu'il définit. Le préfet de police fait appel de ce jugement.

Sur la requête du préfet de police :

2. Aux termes de l'article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales : " I. Dans la Ville de Paris, le préfet de police exerce les pouvoirs et attributions qui lui sont conférés par l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII qui détermine les fonctions du préfet de police à Paris et par les textes qui l'ont modifié (...) ". Il appartient à l'autorité investie du pouvoir de police de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées pour prévenir les troubles à l'ordre public.

3. Il ressort des motifs de l'arrêté en litige que, pour décider l'évacuation des personnes se trouvant sous l'emprise du " crack " ou en état de manque, du secteur du jardin d'Eole et de la place de la Bataille de Stalingrad, le préfet de police s'est fondé sur les nombreux troubles à l'ordre public qui avaient été constatés dans ce secteur du fait du comportement de ces personnes, et sur les réactions d'hostilité de certains riverains. De plus, le préfet de police a entendu désigner " un lieu alternatif de regroupement " qui ne se situe pas à proximité immédiate d'habitations, et dans lequel une meilleure prise en charge sanitaire et médico-sociale serait possible, et a retenu la portion de la rue Forceval située à hauteur du square de la Porte de la Villette.

4. Les premiers juges ont estimé qu'en décidant cette évacuation vers la rue Forceval et le square de la Porte de la Villette, à proximité immédiate du quartier des Quatre chemins, situé à Pantin, et du quartier de la Villette-Quatre chemins, situé à Aubervilliers, l'arrêté a seulement eu pour effet de procéder au déplacement des risques pour l'ordre public dans une autre zone, et n'était par conséquent pas susceptible de prévenir la réitération des troubles à l'ordre public.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par comparaison avec le secteur, densément peuplé, du jardin d'Eole et de la place de la Bataille de Stalingrad, la portion de la rue Forceval située à hauteur du square de la Porte de la Villette se situe dans un secteur majoritairement industriel ne comportant aucun habitant à proximité immédiate sur le territoire de la VilleVille de Paris, comme sur les territoires des communes de Pantin et d'Aubervilliers. Si ces communes font cependant état de la situation des habitants des quartiers des Quatre chemins et de la Villette-Quatre chemins, il ressort des plans et des photographies produits par le préfet de police que ceux-ci sont séparés du nouveau point de rassemblement par le boulevard périphérique, et que le tunnel de Forceval qui reliait le square de la Villette à ces quartiers, a été obturé. Dans ces conditions, compte tenu du dispositif de sécurisation mis en place, et même si des troubles dans les quartiers des Quatre chemins et de la Villette-Quatre chemins étaient prévisibles, et ont d'ailleurs été constatés à partir du mois de septembre 2021, l'arrêté en litige ne peut être regardé comme n'étant pas adapté aux troubles qu'il vise à prévenir, ou comme reposant sur une erreur d'appréciation. Il en résulte, ainsi que le soutient le préfet de police, que les premiers juges ne pouvaient se fonder sur ce motif pour annuler la mesure d'évacuation qu'il édicte. Les communes de Pantin et d'Aubervilliers ne contestent d'ailleurs pas que l'exécution de cette mesure a été suivie d'une forte baisse du nombre des atteintes aux biens et aux personnes dans le secteur du jardin d'Eole et de la place de la Bataille de Stalingrad.

6. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la commune de Pantin et par la commune d'Aubervilliers devant le tribunal administratif de Paris et en appel.

Sur les autres moyens soulevés par la commune de Pantin et par la commune d'Aubervilliers :

7. En premier lieu, compte tenu des troubles à l'ordre public qui avaient été constatés dans le secteur du jardin d'Eole et de la place de la Bataille de Stalingrad avant l'arrêté en litige, dont elles ne discutent pas la réalité, les communes de Pantin et d'Aubervilliers ne sont pas fondées à contester la nécessité de la mesure d'évacuation qu'il édicte.

8. En deuxième lieu, les communes de Pantin et d'Aubervilliers ne démontrent pas que d'autres mesures auxquelles elles font allusion en des termes imprécis, auraient été plus adaptées à ces troubles.

9. En troisième lieu, si la commune de Pantin et la commune d'Aubervilliers soutiennent, en faisant état des conditions du déplacement des personnes concernées, de leur rassemblement dans un même lieu et de l'interdiction qui leur a été faite de revenir dans le secteur du jardin d'Eole et de la place de la Bataille de Stalingrad, que l'arrêté en litige porterait atteinte à la dignité de la personne humaine, elles ne fournissent aucun élément de nature à démontrer que les conditions de vie des intéressés se seraient trouvées significativement dégradées à la suite de l'exécution de cet arrêté.

10. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a fait droit aux demandes de la commune de Pantin et de la commune d'Aubervilliers.

Sur les conclusions présentées par la commune de Pantin et par la commune d'Aubervilliers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, les conclusions présentées par la commune de Pantin et par la commune d'Aubervilliers devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2122306-2122549/3-2 du tribunal administratif de Paris du 12 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par la commune de Pantin et la commune d'Aubervilliers devant le tribunal administratif de Paris et leurs conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de police, à la commune de Pantin et à la commune d'Aubervilliers.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au préfet de police en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04055


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04055
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;23pa04055 ?
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