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02/05/2024 | FRANCE | N°23PA05077

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 02 mai 2024, 23PA05077


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :





M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités bulgares responsables de l'examen de sa demande d'asile.



Par un jugement n° 2323007/8 du 10 novembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de police de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A

... et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions des article...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités bulgares responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2323007/8 du 10 novembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de police de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2023, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2323007/8 du 10 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 28 septembre 2023

2°) de rejeter la requête présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas entaché de défaut d'examen de la situation du requérant ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. A... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan né le 21 avril 2004 a présenté une demande d'asile en France le 31 juillet 2023. La consultation du fichier Eurodac a permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités bulgares le 22 juin 2023. Saisies le 10 août 2023 d'une demande de reprise en charge, les autorités bulgares ont donné leur accord le 14 août 2023. Le préfet de police a alors décidé, par un arrêté du 28 septembre 2023, de remettre M. A... aux autorités bulgares responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement n° 2323007/8 du 10 novembre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit ". L'article 2 du même règlement dispose que : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) g) " membres de la famille ", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, / - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national, / - lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du demandeur de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel cet adulte se trouve, / - lorsque le bénéficiaire d'une protection internationale est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du bénéficiaire de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel le bénéficiaire se trouve (...) ".

3. Pour annuler l'arrêté contesté, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Paris a considéré que le préfet de police n'avait pas procédé à un examen complet de la demande de M. A..., dès lors que le requérant a établi que son frère a obtenu le statut de réfugié en France, que le requérant a fait état de ce lien de fratrie dans sa demande d'asile et a communiqué ces informations au préfet lors de l'entretien individuel du 31 juillet 2023. Toutefois, il résulte des dispositions précitées d'une part, que les frères et sœurs d'un demandeur d'asile ne sont pas regardés comme un " membre de la famille " au sens et pour l'application des dispositions de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et d'autre part, que l'arrêté vise notamment les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les règlements (UE) n° 603/2013 et 604/2013 du Parlement européen du 26 juin 2013. Du reste, M. A... n'a produit aucun élément de nature à justifier l'effectivité du lien familial allégué, alors qu'il s'est prévalu d'une autre date de naissance auprès des autorités bulgares. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, en ayant indiqué que M. A... ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France stable, n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation.

4. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de la décision attaquée :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".

6. La décision litigieuse vise les stipulations applicables de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le règlement (CE) 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) 343/2003 du Conseil de l'Union européenne établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etat membres par un ressortissant d'un pays tiers. La décision précise également que les autorités bulgares ont accepté le 14 août 2023 de reprendre en charge M. A... sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et qu'il n'établit pas l'existence d'un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités bulgares. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit ou, si nécessaire pour la bonne compréhension du demandeur, oralement, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu délivrer, le 1er juin 2023, deux brochures d'informations, dites " A " (J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande d'asile ') et " B " (Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ') dont les pages de garde, rédigées en dari, comportent la signature de l'intéressé, qui n'a pas émis de réserve à cet égard. Ces documents constituent la brochure commune visée au paragraphe 3 de l'article 4 du règlement précité et contiennent l'intégralité des informations prévues au paragraphe 1 de cet article. Ces brochures ont été remises à l'intéressé dans leur traduction en langue dari, qu'il a déclaré comprendre. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 4 du règlement précité auraient été méconnues.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / [...] 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national [...] ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié, le 31 juillet 2023, d'un entretien individuel assuré par un agent de la préfecture de police. Le préfet de police a produit, en annexe de ses écritures de première instance, un résumé de cet entretien contenant les principales informations fournies par le demandeur à cette occasion. Si ce résumé ne comporte pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que celui-ci s'est déroulé dans les locaux de la préfecture et que le cachet du bureau de l'accueil de la demande d'asile de la préfecture y figure. Par suite, cet entretien doit être regardé comme ayant été conduit par une personne qualifiée en vertu du droit national, conformément aux exigences de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013, alors même que le nom de l'agent ayant mené l'entretien n'est pas précisé dans le résumé d'entretien et que sa signature n'y est pas apposée, M. A... n'apportant aucun élément de nature à mettre en cause la qualification de cet agent. Par ailleurs, cet entretien s'est déroulé avec le concours d'un interprète qualifié de l'agence ISM interprétariat dont le nom, le prénom et l'adresse sont indiqués, en langue dari, langue comprise par l'intéressé qui a d'ailleurs déclaré " avoir compris l'ensemble des termes de cet entretien ". Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien individuel se serait déroulé dans des conditions ne garantissant pas sa confidentialité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement (...) ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". Et aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

13. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police, qui produit l'accusé de réception " DubliNet " généré par le point d'accès national de l'Etat requis, a saisi, le 10 août 2023, soit dans le délai de deux mois à compter de la date de l'introduction de la demande prévu par les dispositions précitées de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités bulgares d'une requête aux fins de prise en charge de M. A.... Les autorités bulgares ont donné leur accord à cette reprise en charge le 14 août 2023. Par suite, le moyen tiré du non-respect de la procédure de reprise en charge ne peut qu'être écarté.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier et Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable ". Et aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

15. M. A... soutient que les autorités bulgares rencontrent des difficultés dans le traitement des demandes d'asile ne leur permettant pas d'accueillir les étrangers dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Toutefois, les documents d'ordre général invoqués ne permettent pas de considérer que les autorités bulgares, qui ont expressément donné leur accord à la demande de prise en charge adressée par les autorités françaises, ne seraient pas en mesure de traiter la demande d'asile de M. A... dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux en Bulgarie et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans ce pays des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, M. A... n'établit pas qu'il serait exposé à un risque sérieux de ne pas être traité par les autorités bulgares dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il n'apporte au demeurant aucun élément ni aucune précision sur son séjour en Bulgarie avant son entrée sur le territoire français ou les difficultés qu'il y aurait rencontrées, notamment en termes d'accueil ou de traitement de sa demande d'asile. Par suite, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

17. M. A... n'est entré en France qu'en 2023, célibataire et sans charge de famille en France, il n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 septembre 2023, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2323007/8 du 10 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mai 2024.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 23PA05077


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05077
Date de la décision : 02/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. DORE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-02;23pa05077 ?
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