Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris puis au tribunal administratif de Paris auquel a été transféré son recours d'annuler la décision du 28 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées lui a accordé une pension militaire d'invalidité limitée à 35 % à compter du 26 août 2015 en raison d'un état post-traumatique et d'acouphènes bilatéraux permanents et d'enjoindre à la ministre des armées de lui allouer une pension militaire d'invalidité au taux de 65 %, soit 40 % pour le psycho-syndrome post-traumatique et 25 % pour l'hypoacousie gauche et acouphènes.
Par jugement n° 1923751/5-3 du 15 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 28 janvier 2019 de la ministre des armées en tant que la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. A... a été rejetée pour l'infirmité " état de stress post-traumatique ", a fixé le taux de l'infirmité " état de stress post-traumatique " à 30 % à compter de la demande de révision du 26 août 2015 et a porté la pension de M. A... au taux global de 45 %, a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gozlan d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et a mis à la charge définitive de l'Etat les frais d'expertise.
Procédure devant la cour :
Par requête enregistrée le 10 mai 2023, M. A..., représenté par Me Gozlan, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1923751 du 15 mars 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour la nouvelle infirmité " séquelles d'hypoacousie " liée à l'accident de 1987 ;
2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 28 janvier 2019 en tant qu'a été rejetée sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour la nouvelle infirmité " séquelles d'hypoacousie " liée à l'accident du 27 mai 1987 ;
3°) de lui allouer une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles d'hypoacousie " au taux de 15 % ;
4°) d'ordonner, à titre subsidiaire, une expertise médicale.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a dénaturé le rapport d'expertise qui retenait une presbyacousie des deux côtés ;
- la preuve de l'imputabilité entre ses pertes d'audition, nouvelle infirmité dont il souffre, et l'accident subi le 27 mai 1987 est rapportée par l'expertise du docteur D... et par le docteur C... ;
- le rapport d'expertise qui a été déposé auprès du tribunal administratif de Paris est incomplet dès lors que :
- devait être prise en compte par l'expert judiciaire l'expertise la plus proche de la date de la demande de révision de la pension, à savoir celle qui a été réalisée par le docteur C... en 2017, qui reconnaît l'imputabilité de l'infirmité au service et l'évalue à un taux de 15 % d'invalidité,
- elle ne fixe pas le taux d'invalidité liée au supplément d'invalidité en rapport avec le service, l'affirmation selon laquelle les troubles auditifs d'origine traumatique se stabilisent au fil du temps quand l'origine du traumatisme disparu est contredite par d'éminents spécialistes,
- les affirmations de la ministre des armées concernant le caractère stationnaire voire régressif des hypoacousies d'origine sono-traumatique lorsque le sujet n'est plus soumis à des agressions sonores répétées ne sont ni documentées ni justifiées,
- concernant la maladie de Ménière l'expertise du docteur C... pallie les lacunes du rapport d'expertise du docteur D....
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2024, le ministre des armées conclut au rejet de l'appel de M. A....
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 6 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 1er février 1953, a servi dans l'armée du 14 septembre 1969 jusqu'au 7 mars 2003, date à laquelle il a été rayé des contrôles. Par arrêté du 10 juin 2003, une pension militaire d'invalidité lui a été accordée au taux de 20 % avec jouissance à compter du 7 mars 2003 en raison d'un " psycho-syndrome post-traumatique " évalué à 10 % et d'" acouphènes bilatéraux permanents " évalués à 10 % en raison des blessures éprouvées par le fait du service et décelées respectivement les 24 juillet 1994 et 27 mai 1987. M. A... a demandé, le 26 août 2015, la révision de sa pension pour aggravation de ses deux infirmités pensionnées et a également demandé l'octroi d'une pension militaire d'invalidité en raison d'une hypoacousie bilatérale et d'une baisse auditive bilatérale. Par décision du 28 janvier 2019, la ministre des armées lui a accordé un titre de pension militaire d'invalidité de 35 % en raison d'un " état de stress post-traumatique " évalué à 20 % et d'" acouphènes bilatéraux permanents " dont le taux d'invalidité a été maintenu à 10 %. Par ailleurs, dans la fiche descriptive des infirmités du 12 février 2019, il a été précisé à M. A... que l'hypoacousie bilatérale imputable à la blessure contractée en service et constatée le 27 mai 1987 par défaut de preuve et de présomption n'ouvrait pas droit à indemnisation compte tenu du taux d'invalidité évalué à 0 %, que la nouvelle baisse auditive bilatérale n'était pas imputable au service et du fait qu'il s'agissait d'une infirmité postérieure au service.
2. M. A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris puis au tribunal administratif de Paris auquel a été transféré son recours d'annuler la décision du 28 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées lui a accordé une pension militaire d'invalidité limitée à 35 % à compter du 26 août 2015 en raison d'un état post-traumatique et d'acouphènes bilatéraux permanents et d'enjoindre à la ministre des armées de lui allouer une pension militaire d'invalidité au taux de 65 %, soit 40 % pour le psycho-syndrome post-traumatique et 25 % pour l'hypoacousie gauche et acouphènes. Par jugement avant-dire droit du 5 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a ordonné une expertise visant à déterminer le taux d'invalidité relatif au " psycho-syndrome post-traumatique " et le lien entre l'hypoacousie dont souffre M. A... et l'accident de service du 27 mai 1987. Les rapports d'expertise des docteurs D... et Schweitzer ont été déposés les 19 août et 28 octobre 2022.
3. Par jugement du 15 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 28 janvier 2019 de la ministre des armées en tant que la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. A... a été rejetée pour l'infirmité " état de stress post-traumatique ", a fixé le taux de l'infirmité " état de stress post-traumatique " à 30 % à compter de la demande de révision du 26 août 2015 et a porté la pension de M. A... au taux global de 45 %, a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gozlan d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et a mis à la charge définitive de l'Etat les frais d'expertise. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour la nouvelle infirmité " séquelles d'hypoacousie " liée à l'accident de 1987.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. En considérant que la majoration de l'atteinte auditive dont souffre M. A... du côté droit était liée à une presbyacousie et, pour le côté gauche, à une maladie de Ménière, les premiers juges qui n'ont pas exclu une presbyacousie du côté gauche n'ont, en tout état de cause, pas dénaturé le rapport d'expertise déposé devant eux. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à critiquer le jugement sur ce point.
Sur la légalité de la décision du 28 janvier 2019 en tant qu'a été rejetée la demande de révision de pension militaire d'invalidité pour la nouvelle infirmité " séquelles d'hypoacousie " liée à l'accident du 27 mai 1987 :
5. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dans sa version applicable à la date de la demande de M. A... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ".
6. Il résulte de ces dispositions que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité pré-existante ou concomitante au service. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service.
7. Il résulte de l'instruction et notamment des rapports rédigés les 10 juin 1975 et 30 juin 1987 respectivement par le capitaine commandant l'escadrille ALAT de l'école d'application de l'infanterie et par le lieutenant-colonel commandant du 44ème régiment d'infanterie que M. A..., sous-officier, mécanicien sur hélicoptère à l'école d'application de l'infanterie, a été amené à travailler à proximité de turbines en fonctionnement depuis trois années et a signalé le 4 juin 1975 une baisse acoustique ressentie depuis plusieurs semaines. Le 27 mai 1987, il a été exposé à un niveau sonore élevé lors de l'atterrissage d'un hélicoptère alors qu'il ne portait pas de protections auditives et il résulte du registre des constatations des blessures, infirmités et maladies survenues pendant le service du 44ème régiment d'infanterie, qu'il a alors été hospitalisé à l'hôpital d'instruction des armées Bégin du 2 au 11 juin 1987 au sein du service ORL pour " surdité de perception gauche de type endocochléaire ". Le bilan auditif réalisé le 13 mars 1991 a montré que ce dernier était atteint d'une audition symétrique avec des deux côtés une hypoacousie modérée sur les fréquences aiguës.
8. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. A... a été victime, le 24 juillet 1994, de multiples traumatismes dont une atteinte auditive gauche et des troubles de l'équilibre. Il résulte de la fiche descriptive des infirmités du 12 février 2019 qu'il a subi des pertes auditives successives moyennes de 12,5 décibels à l'oreille droite et de 5 décibels à l'oreille gauche et de 10 décibels à l'oreille droite et de 92,5 décibels à l'oreille gauche.
9. Il résulte du rapport d'expertise du 3 février 2017, que le docteur C..., oto-rhino-laryngologiste mandaté par la direction des ressources humaines du ministère de la défense dans le cadre de l'instruction de la demande de révision de pension pour aggravation présentée par M. A..., a relevé une perte auditive de l'intéressé de 10 décibels à l'oreille droite et 92,5 décibels à l'oreille gauche, a fixé le taux d'invalidité lié à cette infirmité à 15 % et a noté que " indiscutablement on retient une aggravation de la surdité liée au Ménière ". La commission de réforme des pensions militaires d'invalidité a rendu un avis dans sa séance du 16 janvier 2019 considérant qu' " il n'existe pas de lien actuel pouvant rattacher l'hypoacousie actuelle avec les pathologies survenues en service " et a retenu que la nouvelle baisse auditive bilatérale correspondant à 10 décibels à l'oreille droite et à 92,5 décibels à l'oreille gauche évalué à un taux d'invalidité de 15 % n'était pas imputable au service et notamment pas rattachable à la blessure du 27 mai 1987.
10. Selon le rapport d'expertise daté du 19 août 2022 rédigé par le docteur D..., désigné par le tribunal administratif de Paris, M. A... présente une atteinte auditive bilatérale des deux côtés en rapport avec des traumatismes sonores et une majoration à gauche due à la maladie de Ménière diagnostiquée en 1995. Il ajoute que l'hypoacousie post-traumatique se stabilise lorsque l'exposition aux nuisances sonores a cessé et que la majoration de l'atteinte auditive de M. A... est liée des deux côtés à l'évolution avec l'âge conduisant à une presbyacousie et du côté gauche à la maladie de Ménière qui a conduit à une surdité sévère. Il précise que seule une partie des séquelles d'hypoacousie dont il souffre est en rapport direct et certain avec l'accident de service du 27 mai 1987 et que le bilan auditif réalisé en 1991 a montré une hypoacousie bilatérale modérée sur les fréquences aiguës. Il en conclut qu'à la date de la demande, le 26 août 2015, l'intéressé souffrait des séquelles des traumatismes sonores qu'il a subis à savoir des acouphènes et une atteinte auditive sur les fréquences aiguës sans prendre en compte la majoration de l'atteinte auditive gauche liée à la maladie de Ménière.
11. Il résulte de ces différentes expertises que les atteintes auditives dont M. A... se prévaut étaient modérées après l'accident de service dont il a été victime le 27 mai 1987, comme l'a montré le bilan auditif réalisé le 13 mars 1991. Si le ministre des armées soutient que l'hypoacousie post-traumatique se stabilise lorsque l'exposition aux nuisances sonores a cessé, M. A... produit des rapports d'expertise ou commentaires de médecins spécialistes ayant examiné des patients dont il indique que la situation serait comparable à la sienne, et qui indiquent au contraire qu'en cas de violent traumatisme sonore, la stabilisation n'est qu'apparente " pendant un temps plus ou moins long " et que " très souvent une dégradation cochléaire plus rapide que le voudrait l'âge du patient est constatée ". Les éléments ainsi produits par M. A... ne sont toutefois pas suffisants pour démontrer que la part de la nouvelle baisse auditive bilatérale dont il se prévaut pourrait être rattachée, en tout ou partie, de manière directe et certaine à l'accident de service du 27 mai 1987. Par ailleurs, il résulte des différentes expertises précitées qu'en ce qui concerne l'oreille gauche, la majoration de l'atteinte auditive de M. A... est également liée à l'âge conduisant à une presbyacousie et elle est aussi la conséquence de la maladie de Ménière qui a conduit à une surdité sévère. Quant à l'oreille droite, aucun élément du dossier ne permet d'établir que l'hypoacousie modérée qui a été constatée à la date la plus proche de l'accident de service du 27 mai 1987 à savoir lors du bilan auditif réalisé le 13 mars 1991 se serait aggravée de manière directe et certaine en lien avec cet accident alors que l'expert désigné par le tribunal a relevé que la majoration de l'atteinte auditive de M. A... est liée des deux côtés à l'évolution avec l'âge conduisant à une presbyacousie. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que dès lors qu'aucun élément ne permet d'établir que l'hypoacousie correspondant à la nouvelle baisse auditive bilatérale dont s'est prévalu M. A... dans sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité serait en lien direct et certain avec l'accident de service dont il a été victime le 27 mai 1987, aucune révision de sa pension militaire d'invalidité ne peut lui être allouée à ce titre.
12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté le surplus de sa demande. Ses conclusions doivent, dès lors, être rejetées dans leur ensemble.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024.
La rapporteure,
A. Collet La présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02016