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26/04/2024 | FRANCE | N°23PA01851

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 26 avril 2024, 23PA01851


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner in solidum le Louvre, la Réunion des musées nationaux et l'Etat à l'indemniser, après fixation de son montant par un expert, du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la rétention et de la sous-estimation du prix d'une œuvre de peinture appartenant à sa mère et à lui verser une provision de 200 000 euros.



Par un jugement n° 2126007 du 22 février 2023, le tribunal administrati

f de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner in solidum le Louvre, la Réunion des musées nationaux et l'Etat à l'indemniser, après fixation de son montant par un expert, du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la rétention et de la sous-estimation du prix d'une œuvre de peinture appartenant à sa mère et à lui verser une provision de 200 000 euros.

Par un jugement n° 2126007 du 22 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2023, M. D... A..., représenté par Me Le Tanneur, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner in solidum le Louvre, la Réunion des musées nationaux et l'Etat à lui verser une somme de 30 millions d'euros en réparation de son préjudice ;

3°) subsidiairement, de désigner un expert chargé de fixer le montant des préjudices matériel et moral subis et de condamner in solidum le Louvre, la Réunion des musées nationaux et l'Etat à lui verser ce montant ;

4°) de condamner in solidum le Louvre, la Réunion des musées nationaux et l'Etat à lui verser une provision de 500 000 euros ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande devant le tribunal était recevable ;

- le Louvre, la Réunion des musées nationaux et l'Etat sont à l'origine de fautes dolosives tirées de la rétention illégale d'un tableau ayant appartenu à sa mère, d'un défaut d'information de la valeur réelle de ce tableau et de la sous-évaluation de son prix ;

- en comparaison des prix de vente d'œuvres du peintre Raphaël sur le marché, la somme de 750 000 francs qui a été offerte à sa mère pour l'achat du tableau est sous-évaluée, ce qui lui a causé un préjudice de 30 millions d'euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2023, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la Réunion des musées nationaux doit être mise hors de cause ;

- les conclusions tendant à l'octroi d'une provision sont irrecevables dès lors que la requête n'est pas présentée sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;

- le jugement attaqué a été régulièrement rendu ;

- la demande de M. A... devant le tribunal administratif était irrecevable en l'absence de demande préalable ;

- l'administration n'a commis aucune faute ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis ;

- l'expertise sollicitée n'est pas utile.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2023, l'établissement public du musée du Louvre, représenté par Me Labetoule, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de M. A... devant le tribunal administratif était irrecevable en l'absence de demande préalable ;

- l'administration n'a commis aucune faute ;

- M. A... est dépourvu d'intérêt à agir ;

- sa créance est prescrite en vertu de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;

- l'établissement du Louvre doit être mis hors de cause dès lors qu'à l'époque de la transaction, il était dépourvu de personnalité juridique ;

- l'expertise sollicitée n'est pas utile.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2023, l'établissement de la Réunion des musées nationaux et Grand Palais des Champs-Elysées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que M. A... n'indique pas en quoi il aurait contribué aux agissements reprochés, alors qu'il n'est intervenu qu'en tant qu'organisateur de la vente.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 92-1338 du 22 décembre 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Le Tanneur, représentant M. A... et de Me Benoit, représentant l'établissement public du musée du Louvre.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., en sa qualité d'héritier de Mme C..., a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'établissement du musée du Louvre, l'établissement de la Réunion des musées nationaux et Grand Palais des Champs-Elysées et l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la rétention, par le musée du Louvre, d'une peinture, " l'Ange ", ayant appartenu à sa mère, d'un défaut d'information de sa mère sur l'auteur de ce tableau, à savoir le peintre Raphaël, et sur sa valeur, et de l'acquisition de ce tableau à un prix sous-évalué. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité de l'établissement de la Réunion des musées nationaux et Grand Palais des Champs-Elysées :

2. M. A... ne précise pas en quoi l'établissement de la Réunion des musées nationaux, devenu depuis l'établissement de la Réunion des musées nationaux et Grand Palais des Champs-Elysées, aurait commis une faute en organisant la vente du tableau, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas même allégué qu'il aurait fixé le prix du tableau. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que cet établissement aurait fait obstacle à la transmission à M. A... de documents administratifs. Cette faute alléguée serait en tout état de cause dépourvue de lien avec le préjudice invoqué par M. A.... Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'établissement de la Réunion des musées nationaux et Grand Palais des Champs-Elysées.

Sur la responsabilité de l'établissement public du musée du Louvre :

3. Il est constant qu'avant l'intervention du décret du 22 décembre 1992 portant création de l'établissement public du musée du Louvre, le musée du Louvre était dépourvu de la personnalité juridique. Il ne ressort par ailleurs pas des termes de ce décret que les obligations de l'Etat qui seraient nées du fait des fautes alléguées par M. A... auraient été transférées à cet établissement. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'établissement du musée du Louvre au titre des fautes qu'il invoque.

Sur la responsabilité de l'Etat :

4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".

5. Il ressort des écritures de M. A... que le tableau appartenant à sa mère et à son beau-père a été conservé au sein du musée du Louvre à compter du 2 juillet 1981, date à laquelle la conservatrice du département des peintures de ce musée a indiqué à sa mère qu'elle souhaitait le garder. La mère de M. A... était dès lors informée, à cette date, de la conservation de son tableau au sein du musée du Louvre. Par ailleurs, le mémoire des fournitures et transports de la peinture, signé le 8 décembre 1981 par M. B..., époux de Mme C..., précise que son auteur est le peintre Raphaël et indique le prix de vente du tableau, de 750 000 francs.

M. et Mme C... étaient ainsi informés, au plus tard à cette date, de l'auteur du tableau et étaient également en mesure d'apprécier son éventuelle sous-évaluation. Dans ces conditions, la créance que Mme C... était susceptible de détenir sur l'Etat en raison de ces faits générateurs était prescrite depuis le 31 décembre 1985 minuit lorsque M. A... a porté plainte contre X à ce titre avec constitution de partie civile, le 5 novembre 2020, et, a fortiori, lorsqu'il a saisi le tribunal administratif de Paris, le 4 décembre 2021. Par suite, l'exception de prescription opposée par l'Etat en première instance doit être accueillie.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de sa demande en première instance, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros à verser à l'établissement du musée du Louvre au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera une somme de 1 500 euros à l'établissement du musée du Louvre en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à la ministre de la culture, à l'établissement du musée du Louvre et à l'établissement de la Réunion des musées nationaux et Grand Palais des Champs-Elysées.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bruston, présidente,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01851
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : LE TANNEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;23pa01851 ?
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