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26/04/2024 | FRANCE | N°23PA00876

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 26 avril 2024, 23PA00876


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 mars 2022 par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.



Par un jugement n° 2211613 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 28 février 2023, M. B..., représenté par Me Bories, demande à la Cour

:



1°) d'annuler le jugement n° 2211613 du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;



2°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 mars 2022 par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2211613 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2023, M. B..., représenté par Me Bories, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2211613 du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 9 mars 2022 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- il est entaché d'omission à statuer sur le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait ;

- il est insuffisamment motivé ;

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Par une décision du 21 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande présentée par M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Marjanovic a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., né le 10 octobre 2001 à Ouled H'Cine (Maroc), a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 mars 2022, le préfet de police, après consultation de la commission du titre de séjour, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour. M. B... relève régulièrement appel du jugement du 2 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... a soutenu, dans son mémoire déposé le 7 octobre 2022, que l'arrêté contesté, en ce qu'il énonce qu'il a commis des faits d'extorsion, d'arrestation, d'enlèvement, de séquestration ou détention arbitraire, de vols avec violence et d'escroquerie, est entaché d'erreurs de fait, dès lors qu'il n'a jamais été pénalement condamné à raison de tels faits. Il ressort des mentions du jugement attaqué que les premiers juges, avant de rejeter la demande de M. B..., n'ont ni visé, ni écarté ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen relatif à la régularité du jugement attaqué, M. B... est fondé à demander l'annulation dudit jugement.

3. Il y a lieu, en l'espèce, de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

4. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8. En outre, cet arrêté, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, énonce avec suffisamment de précisions les circonstances de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour lui refuser, eu égard notamment à sa situation personnelle et à la menace qu'il représente pour l'ordre public, la délivrance du titre de séjour sollicité. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté.

5. En deuxième lieu, eu égard notamment à ce qui a été exposé au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé avant de prendre l'arrêté attaqué.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans avec au moins un de ses parents se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). ". Aux termes de l'article L. 412-5 de ce code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, (...). ". Enfin, aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, en particulier du bulletin n° 2 de son casier judiciaire, que M. B... a été condamné le 9 juillet 2020 par le président du tribunal judiciaire de Paris à une peine de 90 jours-amende à 10 euros pour des faits de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants et conduite d'un véhicule sans permis. Il ressort des mêmes pièces qu'il est également connu des services de police à raison de faits d'extorsion avec violences, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, vol avec violence ainsi qu'escroquerie Si M. B... soutient que les faits ainsi allégués ne sont corroborés par aucun élément lui permettant de répliquer utilement, il ressort au contraire des mentions de la décision attaquée que les faits reprochés y sont suffisamment détaillés pour le mettre en mesure d'en contester, le cas échéant, la matérialité, ce qu'il s'est abstenu de faire. Par ailleurs, en mentionnant dans sa décision que l'intéressé a " commis des faits délictueux " et que " M. B... est connu défavorablement pour avoir commis les faits suivants ", le préfet de police, qui était au demeurant en droit, pour apprécier la menace à l'ordre public représentée par le requérant, de prendre en compte des faits n'ayant donné lieu ni à poursuites, ni à condamnations pénales, ne peut être regardé comme ayant tenu pour établi que l'intéressé avait été pénalement condamné à raison de ces mêmes faits. Dans ces conditions, eu égard à la gravité et au caractère répété des faits reprochés, et alors même que la commission du titre de séjour a rendu un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de police, en refusant de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité au motif qu'il représente une menace pour l'ordre public, n'a ni entaché sa décision d'une erreur de fait ni méconnu les dispositions précitées des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, M. B... ne peut utilement soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet de police ne s'est pas fondé sur la circonstance que le requérant ne remplissait pas les conditions posées par ces dispositions mais sur celle qu'il représente une menace pour l'ordre public. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... réside en France à tout le moins depuis 2011, date de son inscription en classe de CM2 au sein de l'école élémentaire " A ". Il a ensuite été scolarisé au collège avant de suivre un cursus professionnel le formant au métier d'électricien jusqu'en 2020. Si l'intéressé établit que sa mère et sa fratrie sont présents en France, les pièces versées au dossier ne suffisent pas à caractériser l'existence d'une vie privée et familiale intense dans ce pays, bien qu'il y vive depuis l'âge de 10 ans. En tout état de cause, l'arrêté contesté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas assorti d'une obligation de quitter le territoire français et n'a ainsi pas pour effet de le séparer des membres de sa famille. Par ailleurs, le requérant n'établit pas davantage avoir développé des liens intenses durant son parcours scolaire. Enfin, il résulte de ce qui a été exposé au point 7 du présent arrêt que la présence en France de M. B... constitue une menace réelle et actuelle pour l'ordre public. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en refusant de renouveler son titre de séjour, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE:

Article 1er : Le jugement du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées au tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

Le rapporteur,

V. MARJANOVIC

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

A MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00876 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00876
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Vladan MARJANOVIC
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : BORIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;23pa00876 ?
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