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26/04/2024 | FRANCE | N°22PA05252

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 26 avril 2024, 22PA05252


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Axa France a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 80 613 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2020 et capitalisation des intérêts, en réparation des dommages occasionnés au magasin de

prêt-à-porter " Max et moi " appartenant à la société Lederer, le 8 décembre 2018.



Par un jugement n° 2009699 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejet

é sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 9 décembre 2022, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axa France a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 80 613 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2020 et capitalisation des intérêts, en réparation des dommages occasionnés au magasin de

prêt-à-porter " Max et moi " appartenant à la société Lederer, le 8 décembre 2018.

Par un jugement n° 2009699 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2022, la société Axa France, représentée par la SELURL Phelip, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 80 613 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2020 et de la capitalisation des intérêts à chaque année échue ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dégradations dont elle demande l'indemnisation ont été commises en marge d'une manifestation de " gilets jaunes ", le 8 décembre 2018, à proximité de la place de l'Etoile, et la responsabilité de l'Etat est dès lors engagée sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure ;

- en tout état de cause, ces dégradations n'ont pu être causées qu'en raison de la défaillance des autorités de police ;

- elle a réglé à son assurée la somme de 80 613 euros.

Par une ordonnance du 15 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 septembre 2023 à 12 heures.

Le préfet de police a présenté un mémoire en défense enregistré le 20 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Mme A..., représentant le préfet de police.

Considérant ce qui suit :

1. La société Lederer exploite un magasin de prêt-à-porter sous l'enseigne commerciale " Max et moi " situé 50 avenue Victor Hugo à Paris. Son assureur, la société Axa France, lui a versé une somme de 80 613 euros en réparation de dommages occasionnés à ce magasin le 8 décembre 2018. La société Axa France, subrogée dans les droits de la société Lederer, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 80 613 euros.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

2. Aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que le 8 décembre 2018 à 16h38, la porte du magasin

" Max et Moi ", situé au 50 avenue Victor Hugo, a été fracturée, du mobilier dégradé et des marchandises dérobées. Le même jour avait lieu " l'acte IV " des manifestations de

" gilets jaunes " qui s'est traduit, à Paris, par plusieurs rassemblements dont l'un dans le secteur Concorde - Etoile - Friedland. Il ressort du procès-verbal d'ambiance du commandant du dispositif opérationnel prévu pour cette manifestation que celle-ci a donné lieu à la formation de groupes multiples dans plusieurs rues du secteur, dont l'avenue Victor Hugo. Si le préfet de police se prévaut de ce que le procès-verbal d'ambiance mentionne un groupe de perturbateurs à 16h56 à proximité de la rue Boissière et du magasin " Max et Moi ", ces seuls éléments ne permettent ni d'imputer la dégradation du magasin " Max et Moi " à ce groupe ni d'établir que ce groupe se serait constitué aux seules fins de commettre des actes de vandalisme. Par ailleurs, si une pharmacie rue Lauriston, située à six minutes à midi du magasin " Max et Moi ", a été dégradée peu avant 16h30 par un groupe de casseurs, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ce même groupe s'en serait pris au magasin en litige. Dans ces conditions, en l'absence d'éléments précis de nature à établir que les dommages subis par le magasin

" Max et Moi " auraient été le fait de groupes isolés constitués et organisés dans le seul but de commettre des délits, ces dommages doivent être regardés, compte tenu de leur concomitance géographique et temporelle avec un rassemblement de " gilets jaunes ", comme ayant été causés dans le cadre de celui-ci ou dans son prolongement immédiat. Par suite, la société Axa France est fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

En ce qui concerne le préjudice :

4. Le rapport de l'expertise réalisée dans le cadre du contrat d'assurance de la société Lederer avec la société Axa France, qui s'est déroulée sur site les 18 décembre 2018 et

9 janvier 2019, en présence du préfet de police s'agissant de cette seconde date, fait état du remplacement de la partie vitrée de la porte fracturée pour un montant de 1 584 euros, du remplacement d'un podium endommagé situé derrière la devanture du commerce pour un montant de 984 euros et de frais provisoires (gardiennage, clôture provisoire, frais de déblais) pour un montant de 766 euros. Alors que l'expert a chiffré le remplacement de la partie vitrée de la porte et du podium au vu de devis, le préfet de police n'apporte aucun élément sérieux de nature à remettre en cause ces montants. L'expert a par ailleurs évalué le stock de marchandises dérobées par l'intermédiaire de deux méthodes, d'une part, la comparaison du stock physique constaté le 18 décembre 2018 avec celle du stock informatique, en vérifiant la sortie informatique des marchandises dérobées, d'autre part, la reconstitution du stock à partir du dernier inventaire réalisé avant le 8 décembre 2018, soit le 14 juin 2018, majoré des marchandises livrées et minoré des ventes, permettant d'aboutir, après déduction des marchandises dérobées, au stock constaté. Les objections émises en cours d'expertise par le représentant du préfet ne sont pas de nature à remettre en cause la pertinence de ces méthodes. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir le montant arrêté par l'expert de 78 089 euros et, compte tenu de la franchise de sa cliente de 455 euros, de faire droit à la demande d'indemnisation de la société Axa France dans la limite de ce qu'elle demande, soit 80 613 euros.

5. Le préfet de police indiquant avoir enregistré la demande d'indemnisation de la société Axa France le 30 janvier 2020, celle-ci a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 80 613 euros à compter de cette date et à la capitalisation de ces intérêts le 30 janvier 2021, date à laquelle un an d'intérêts était dû, ainsi qu'à chaque échéance annuelle.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Axa France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais du litige :

7. Les frais d'expertise que la société Axa France a remboursés à la société Lederer ne faisant pas partie des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros seulement à verser à la société Axa France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : : Le jugement n° 2009699 du 18 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société Axa France une somme de 80 613 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2020 et de la capitalisation des intérêts le 30 janvier 2021 et à chaque échéance annuelle.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société Axa France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axa France et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bruston, présidente,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05252


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05252
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SELARL PHELIP & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;22pa05252 ?
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