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26/04/2024 | FRANCE | N°22PA05245

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 26 avril 2024, 22PA05245


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2109793 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cou

r :



Par une requête enregistrée le 12 décembre 2022, M. C... A... B..., représenté par Me Tchiak...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2109793 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 décembre 2022, M. C... A... B..., représenté par Me Tchiakpe, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 70 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'appréciation en ce que le tribunal a estimé qu'il avait eu un comportement incompatible avec la condition liée à la contribution à l'éducation de ses enfants fixée par les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que les modalités de contribution et d'entretien de l'enfant ne sont pas fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais par les dispositions du code civil ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle dès lors qu'il risque de perdre son emploi et ne plus être en mesure de participer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du

8 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bruston a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... B..., ressortissant cap-verdien né le

10 septembre 1967, est entré en France en 2007 selon ses déclarations. Il a bénéficié, à compter de 2017, de titres de séjour en qualité de parent d'enfants français, dont le dernier était valable du 25 février 2019 au 24 février 2021. Le 7 janvier 2021, il a demandé le renouvellement de son titre de séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 juin 2021, le préfet de la

Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance du titre sollicité et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination. M. A... B... relève appel du jugement du 10 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, pour demander l'annulation du jugement attaqué, M. A... B... ne peut utilement soutenir que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". Aux termes de l'article L. 432-1 de ce code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

4. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que, pour refuser le renouvellement du titre de séjour de M. A... B... en qualité de parent d'un enfant français, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé représentait une menace à l'ordre public dès lors qu'il est connu au fichier du traitement des antécédents judiciaires à la date du 1er janvier 2019 pour des faits de violence sans incapacité, en présence d'un mineur, par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, le 1er janvier 2019 pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime et le 27 février 2020 pour non-respect de l'obligation ou interdiction imposée par le juge aux affaires familiales ou menace de mariage de force.

5. M. A... B... est père de trois enfants de nationalité française, nés les 14 février 2008, 6 décembre 2009 et 5 mars 2012, et est séparé de leur mère de nationalité française. Il établit contribuer à l'entretien de ses enfants depuis au moins deux ans, par la production de virement bancaires effectués au bénéfice de la mère des enfants pour un montant de 150 euros par mois, conformément aux prescriptions de l'ordonnance de protection du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 15 décembre 2020, ainsi d'ailleurs que l'avaient admis les premiers juges. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que M. A... B... a été condamné par le tribunal correctionnel de Bobigny, le 3 juillet 2020, pour des faits de violences commises du 23 janvier 2020 au 29 janvier 2020 sur sa compagne ainsi que pour des faits de violences habituelles courant janvier 2020 sur ses trois enfants, à une peine de douze mois d'emprisonnement assortie d'un sursis probatoire de deux ans avec interdiction de paraître au domicile de son ancienne compagne, et d'entrer en relation avec elle. Le 15 décembre 2020, une ordonnance de protection du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bobigny a été délivrée au bénéfice de l'intéressée, relevant qu'en dépit de cette condamnation pénale, M. A... B... l'aurait suivie ou se trouverait près d'elle, laissant craindre que ce dernier ne respecte pas les avertissements judiciaires. Cette ordonnance a par ailleurs confié l'exercice de l'autorité parentale exclusive à la mère et réservé le droit de visite de

M. A... B.... Par un jugement du 5 mai 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bobigny, saisi par l'intéressé qui demandait notamment l'exercice conjoint de l'autorité parentale et l'organisation d'un droit de visite et d'hébergement, a maintenu les mêmes mesures. Enfin, par un jugement du 4 février 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bobigny a rejeté la demande de M. A... B... tendant à ce qu'il bénéficie d'un droit de visite médiatisé, et a également maintenu les mêmes mesures. Ainsi, et quand bien même l'intéressé s'acquitte des sommes mises à sa charge au titre de la pension alimentaire, il est constant qu'à la date de la décision attaquée, il ne bénéficiait plus de l'autorité parentale sur ses enfants, laquelle lui a été retirée à raison des violences qu'il a commises sur ces derniers et sur leur mère et ce, depuis décembre 2020. Dans ces conditions, M. A... B... ne saurait être regardé comme participant à l'éducation de ses enfants, ainsi que l'ont relevé à bon doit les premiers juges qui, contrairement à ce que soutient le requérant, se sont prononcés sur les deux conditions cumulatives prévues par les articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et tenant à la participation de l'intéressé à l'entretien de ses enfants de nationalité française d'une part, et à leur éducation d'autre part. Par suite, c'est également à bon droit que le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu considérer que l'intéressé ne remplissait pas les conditions posées par les articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Enfin, la gravité des faits qui viennent d'être rappelés et qui présentent un caractère récent et répété, sont de nature à faire regarder la présence de l'intéressé, qui au démurant ne présente aucune perspective d'amélioration de son comportement, comme constituant une menace à l'ordre public. Ainsi, le préfet a pu légalement refuser à M. A... B... la délivrance d'un titre de séjour pour ce motif. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Eu égard aux éléments énoncés au point 5, notamment les circonstances que les faits graves et récurrents de violences conjugales et familiales commis par M. A... B... sur son ex-compagne et sur ses enfants sont de nature à affecter profondément la cellule familiale ainsi que la sécurité et la santé des enfants, dont il ressort des pièces du dossier, notamment des termes du jugement du 5 mai 2021, qu'ils présentent des troubles

post-traumatiques chroniques à raison des violences subies et que leur état psychologique est incompatible avec la mise en place de rencontres avec leur père. A cet égard, ainsi qu'il a été dit, l'autorité parentale a été retirée à M. A... B..., et son droit de visite et d'hébergement, réservé. L'intéressé ne pouvant être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme contribuant effectivement à l'éducation de ses enfants de nationalité française dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans, le préfet n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants de M. A... B..., garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en prenant la décision en litige.

8. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la

Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation de M. A... B....

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonctions sous astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bruston, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

La présidente,

S. BRUSTON

L'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05245 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05245
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : TCHIAKPE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;22pa05245 ?
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