Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C..., agissant à titre personnel et en sa qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs, A.... Louis et Gabin C..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 6 mars 2019 par lesquelles le directeur de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) leur a refusé l'octroi de l'allocation du fonds de prévoyance militaire.
Par un jugement n° 2011081 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 décembre 2022 et le 20 février 2024, Mme C..., agissant à titre personnel et en sa qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs, A.... Louis et Gabin C..., représentée par Me Dandon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2011081 du 6 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les décisions du 6 mars 2019 par lesquelles le directeur de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) leur a refusé l'octroi de l'allocation du fonds de prévoyance militaire ;
3°) subsidiairement, d'ordonner une mesure d'expertise médicale et de désigner un expert pour y procéder, pour établir le cas échéant l'imputabilité au service du décès de M. D... C..., son époux ;
4°) d'enjoindre au directeur de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique de leur octroyer l'allocation du fonds de prévoyance militaire ;
5°) de mettre à la charge de l'EPFP la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer sur ses conclusions subsidiaires tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée ;
- les décisions attaquées sont entachées d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article D. 4123-2 du code de la défense ;
- elles méconnaissent les dispositions des articles D. 4123-3 et D. 4123-10 du même code.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 mars 2023 et 5 mars 2024, ce dernier non communiqué, l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique, représenté par Me Abecassis, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme C... n'est fondé.
Par une décision du 13 février 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande présentée par Mme C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marjanovic,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- et les observations de Me Abecassis, pour l'EPFP.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C..., qui a intégré l'Armée de Terre le 5 mars 2002, est décédé, le 14 octobre 2017, des suites d'une leucémie aigüe myéloïde. Son épouse, Mme B... C..., agissant à titre personnel et en sa qualité de représentante légale de leurs deux enfants mineurs, A.... Louis et Gabin C..., a sollicité le versement de l'allocation du fonds de prévoyance militaire. Par décisions du 6 mars 2019, le directeur de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) lui en a refusé le bénéfice, au motif que le décès de son époux n'était pas en relation avec le service. Mme C... relève régulièrement appel du jugement du 6 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des mentions du jugement attaqué que le tribunal n'a pas visé les conclusions de Mme C..., présentées à titre subsidiaire, tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale sur pièces aux fins de détermination de l'imputabilité au service du décès de son mari et qu'il a rejeté la demande de l'intéressée sans statuer sur ces conclusions subsidiaires. Ce faisant, et dans cette mesure, le tribunal a entaché sa décision d'une irrégularité. Il y a lieu, par suite, pour la Cour d'annuler le jugement en tant seulement qu'il a omis de statuer sur ces conclusions subsidiaires et de statuer par voie de l'évocation sur lesdites conclusions et par la voie de l'effet dévolutif pour le surplus.
Sur la légalité des décisions contestées :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4123-5 du code de la défense : " Les militaires sont affiliés, pour la couverture de certains risques, à des fonds de prévoyance pouvant être alimentés par des prélèvements sur certaines indemnités et par une contribution de l'Etat couvrant soit le personnel non cotisant, soit les cas de circonstances exceptionnelles. Ces fonds sont conservés, gérés et utilisés exclusivement au profit des ayants droit et de leurs ayants cause. / Les allocations de ces fonds sont incessibles et insaisissables. / Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. ". L'article R. 3417-3 de ce code dispose que l'Etablissement public national des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) " a pour mission de : / 1° Verser aux personnels affiliés au fonds de prévoyance militaire ou au fonds de prévoyance de l'aéronautique ou à leurs ayants cause les allocations instituées par voie réglementaire ou des secours ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article D. 4123-2 du même code : " Les militaires, à l'exception de ceux qui sont affiliés au fonds de prévoyance de l'aéronautique, sont affiliés au fonds de prévoyance militaire destiné à verser, hors le cas de mobilisation générale ou de participation à des opérations qualifiées d'opérations de guerre par décret en conseil des ministres, des allocations en cas de blessure, d'infirmité ou de décès imputable au service dans le cas où la blessure, l'infirmité ou le décès n'ouvre pas droit aux allocations du fonds de prévoyance de l'aéronautique. / (...). ".
4. Les décisions contestées du 6 mars 2019 du directeur de l'EPFP refusant à Mme C... et ses enfants le bénéfice de l'allocation de prévoyance militaire sont fondées sur la circonstance que le décès de M. C... ne peut être regardé comme imputable au service.
5. Mme C... soutient que ces décisions sont entachées d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article D. 4123-2 du code de la défense, dès lors la pathologie ayant provoqué le décès de son époux est imputable au service, de sorte qu'elle-même et ses enfants sont en droit de bénéficier de l'allocation prévue par les dispositions précitées.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment des éléments du dossier médical de M. C... qui y sont versés, à savoir plusieurs comptes rendus médicaux d'hospitalisation réalisés au sein du Centre hospitalier universitaire de Grenoble, que l'intéressé a été diagnostiqué, le 15 novembre 2016, comme atteint d'une " leucémie myéloïde chronique ", laquelle s'est, par la suite, le 4 janvier 2017, acutisée en une " leucémie aigüe myéloïde ", des suites de laquelle il est décédé le 14 octobre 2017. Toutefois, alors que la commission consultative médicale a rendu le 12 février 2018 un avis concluant à l'absence de preuve de l'imputabilité du décès au service, et à la survenue d'une maladie sans relation médicale avec le service, il ne ressort ni de ces rapports médicaux, ni d'aucune autre pièce du dossier qu'un lien pourrait être établi, ni même présumé entre les missions menées par M. C... et l'apparition de la leucémie dont il souffrait. A cet égard, si la requérante verse aux débats un article intitulé " Radiofréquences : un risque accru de cancer pour les militaires ' ", renvoyant à une étude scientifique non produite et issue du blog " L'errance d'un électrosensible ", afin de démontrer que l'exposition aux ondes radiofréquences peut être à l'origine de maladies telles que la leucémie, ce seul document, eu égard à son contenu et ses modalités de diffusion, est insuffisamment probant. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. C..., artilleur, aurait été exposé à des radiations d'uranium ou à du matériel émettant des ondes radiofréquences au cours de ses missions, en particulier sa mission au Kosovo de septembre 2005 à janvier 2006, ou ses dernières missions, en Afghanistan du 19 novembre 2009 au 14 juin 2010 puis du 27 octobre 2011 au 4 mai 2012 et à Djibouti du 11 juin 2016 au 26 octobre 2016. Ainsi, les allégations de Mme C... selon lesquelles le décès de son époux serait imputable au service ne reposent sur aucun commencement de preuve. Par suite, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées seraient entachées d'erreur de droit et d'inexacte application des dispositions citées au point 3 doivent être écartés.
7. En second lieu, aux termes de l'article D. 4123-3 du code de la défense : " Le fonds de prévoyance militaire peut, sous les réserves mentionnées à l'article D. 4123-2, attribuer des allocations à taux réduit aux ayants cause des militaires décédés lorsque le décès est survenu en relation avec le service. ". Aux termes de l'article D. 4123-10 de ce code : " Lorsque le décès, sans être imputable au service, est cependant survenu en relation avec celui-ci, il peut être versé aux ayants cause des militaires décédés une allocation au taux réduit dont le montant ne peut pas dépasser 75 % de l'allocation totale déterminée dans les conditions fixées à l'article D. 4123-4. ".
8. Mme C... soutient, qu'à tout le moins, elle-même et ses enfants devraient bénéficier de l'allocation à taux réduit prévue par les dispositions citées au point précédent dès lors que le décès de son époux est survenu en relation avec le service. Toutefois, eu égard à ce qui a déjà été exposé au point 6 du présent arrêt et en l'absence d'éléments venant étayer ses allégations, ce moyen ne saurait être accueilli.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise médicale sollicitée, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'EPFP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme C... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2011081 du 6 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il omet de statuer sur les conclusions subsidiaires de la demande de Mme C... tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale.
Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- M. Marjanovic, président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.
Le rapporteur,
V. MARJANOVIC
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
A MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22PA05173