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26/04/2024 | FRANCE | N°22PA04175

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 26 avril 2024, 22PA04175


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme (SA) SFR a demandé au tribunal administratif de Paris :



1°) à titre principal d'annuler la décision du 12 novembre 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a prononcé à son encontre une sanction d'un montant de 3 700 000 euros, ainsi que la décision du 31 janvier 2020 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a rejeté son recour

s hiérarchique et d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 2 octobre 2020 par le re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) SFR a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) à titre principal d'annuler la décision du 12 novembre 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a prononcé à son encontre une sanction d'un montant de 3 700 000 euros, ainsi que la décision du 31 janvier 2020 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a rejeté son recours hiérarchique et d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 2 octobre 2020 par le responsable recette du ministère de l'économie et des finances pour un montant de 3 700 000 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende prononcée et de prononcer la réduction de la somme mise en recouvrement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme totale de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 2013288 et 2115072 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 septembre 2022, 5 janvier 2024, ce mémoire n'ayant pas été communiqué et 24 mars 2024, la société anonyme (SA) SFR, représentée par Me Feldman, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2013288 et 2115072 du 12 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions du 12 novembre 2019 et 31 janvier 2020 mentionnées et subsidiairement de réduire le montant de l'amende prononcée à son encontre ;

3°) d'annuler le titre de perception émis le 2 octobre 2020, de la décharger de l'obligation d'en payer le montant, le cas échéant de la décharger partiellement de son montant et de minorer ce titre et d'annuler le rejet de son recours administratif préalable obligatoire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit ;

En ce qui concerne la sanction :

- il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 450-1 du code de commerce que l'établissement des procès-verbaux dressés dans le cadre des enquêtes nécessaires à l'application des dispositions du livre IV dérogerait aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration ; le procès-verbal manque aux obligations de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il ne mentionne pas la qualité de ses signataires ;

- l'enquête est entachée d'irrégularité faute pour l'administration de démontrer l'existence d'une habilitation des agents enquêteurs au sens de l'article L. 450-1 du code de commerce ; à défaut, l'article A 450-1 du code de commerce devrait être écarté comme violant les dispositions du II de l'article L. 450-1 du code de commerce ;

- les décisions du 12 novembre 2019 et 31 janvier 2020 ne sont pas suffisamment motivées dès lors qu'elles ne détaillent pas les modalités de calcul de la sanction ;

- c'est à tort que le jugement qualifie le montant de rétention de trésorerie retenu par le ministre de plus de 62 millions d'euros dans sa décision du 31 janvier 2020 de simple erreur de plume ;

- les faits pris en compte par l'administration pour l'inflexion de l'amende en tant qu'elle concerne la période de réitération sont inexacts ; les manquements concernés ne concernent pas une proportion mineure des manquements retenus fondant l'amende et cette inexactitude a nécessairement une incidence sur le montant de l'amende prononcée compte tenu de l'ampleur des factures prises en compte dont l'échéance de paiement avérée était postérieure à la période de réitération soit postérieurement au 31 décembre 2017 ;

- c'est à tort que le jugement a écarté le moyen tenant au non-respect du principe de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation dans le montant infligé ; la situation financière de l'entreprise, déficitaire lors de l'exercice contrôlé (année 2017), doit être prise en compte par l'administration au titre du respect du principe de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation de la sanction au regard de la situation existant à la date de la commission des faits ; l'administration a retenu pour infliger l'amende au regard des dispositions légales relatives à la réitération des manquements 6 954 factures d'un montant de 215 490 000 euros correspondant à une rétention de trésorerie de 26 123 000 euros dont l'échéance de paiement était postérieure à celle de la réitération ;

En ce qui concerne le titre de perception :

- c'est à tort que le jugement a écarté deux moyens relatifs l'un à l'incompétence de l'auteur du titre de perception, l'autre à la violation de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ; l'administration ne justifie pas des attributions au sein du centre de prestations financières attribuées à Mme A... ; la mention de responsable des recettes est insuffisante pour définir la qualité de Mme A... au sens de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ; le titre de perception ne comporte pas la signature de son signataire et la mention du service auquel appartient Mme A..., aucune assimilation ne pouvant être faite avec un avis de mise en recouvrement ;

- le titre de perception n'indique pas les bases de liquidation du titre, dès lors que l'administration ne détaille pas les modalités de calcul de la sanction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête de la SA SFR ne sont pas fondés.

Une mesure supplémentaire d'instruction a été adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique le 16 février 2024 sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-3-1 du code de justice administrative aux fins de savoir si le titre exécutoire émis par l'ordonnateur a été revêtu de sa signature et notifié à la société requérante, en vue de l'application des dispositions du 3° de l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration.

Une réponse à cette mesure d'instruction a été enregistrée le 21 mars 2024 pour le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 et, notamment, son article 55,V ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamdi ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- les observations de Me Feldman pour la SA SFR ;

- et les observations de M. C..., représentant le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une note en délibéré a été enregistrée le 19 avril 2024 pour la SA SFR.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) SFR a fait l'objet, le 24 juillet 2018, d'un contrôle mené par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Île-de-France tendant à vérifier le respect des dispositions du code de commerce relatives aux délais de paiement interentreprises pour la période du 1er juillet 2017 au 31 décembre 2017. A l'issue de ces opérations de contrôle et par une décision du 12 novembre 2019, la DIRECCTE d'Île-de-France lui a infligé, au titre de la période contrôlée, une amende administrative d'un montant de 3 700 000 euros assortie d'une mesure de publication de cette sanction sur le site de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et sur le site commercial de la société. Le 31 janvier 2020, le ministre de l'économie et des finances a rejeté le recours hiérarchique formé par la société et a confirmé la sanction prononcée par la DIRECCTE d'Île-de-France. Un titre de perception a alors été émis le 2 octobre 2020 à l'encontre de la société par le responsable recette du ministère de l'économie et des finances pour un montant de 3 700 000 euros. La SA SFR interjette régulièrement appel du jugement nos 2013288 et 2115072 du 12 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 12 novembre 2019 lui infligeant l'amende administrative litigieuse, ainsi que la décision du 31 janvier 2020 rejetant son recours hiérarchique et, d'autre part, à l'annulation et à la décharge du titre de perception du 2 octobre 2020.

2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des décisions en litige. Par suite, la SA SFR ne peut utilement soutenir que le jugement entrepris est entaché d'erreur de droit.

Sur l'amende administrative :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 450-1 du code de commerce dans sa version applicable : " (...) II.- Des fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l'économie peuvent procéder aux enquêtes nécessaires à l'application des dispositions du présent livre. (...). / III.- Les agents mentionnés aux I et II peuvent exercer les pouvoirs qu'ils tiennent du présent article et des articles suivants sur l'ensemble du territoire national. " Aux termes du III de l'article

L. 470-2 du même code, dans sa version applicable : " Les manquements passibles d'une amende administrative sont constatés par procès-verbal, selon les modalités prévues à l'article L. 450-2. " Aux termes de l'article L. 450-2 du même code : " Les enquêtes donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux et, le cas échéant, de rapports. / Les procès-verbaux sont transmis à l'autorité compétente. Copie en est transmise aux personnes intéressées. Ils font foi jusqu'à preuve contraire ".

4. Aux termes de l'article R. 450-1 du même code dans sa version applicable : " I.- Les

procès-verbaux prévus à l'article L. 450-2 énoncent la nature, la date et le lieu des constatations ou des contrôles effectués. Ils sont signés d'un agent mentionné à l'article L. 450-1. (...). II.- Lorsque les agents constatent des infractions ou manquements dans les conditions prévues au II de l'article L. 450-3-2, ils mentionnent également dans le procès-verbal les modalités de consultation et d'utilisation du site internet, notamment : / 1° Les noms, qualité et résidence administrative de l'agent verbalisateur ; / 2° L'identité d'emprunt sous laquelle le contrôle a été conduit ; / 3° La date et l'heure du contrôle ; / 4° Les modalités de connexion au site et de recueil des informations ".

5. Enfin, aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables. (...) ".

6. La société requérante soutient que le procès-verbal du 3 juin 2019 manque aux obligations de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il ne mentionne pas la qualité de ses signataires. Toutefois, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le procès-verbal dressé en application des dispositions précitées de l'article L. 450-2 du code de commerce ne relève pas des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, ces dispositions complétées par celles du III de l'article L. 470-2 du même code qui y font référence définissant un cadre procédural complet et devant être regardées comme des dispositions spéciales au sens de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration précité. En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, et alors que les dispositions précitées de l'article R. 450-1 du code de commerce n'imposent pas, sauf dans le cas, non présent en l'espèce, d'enquête impliquant la consultation du site internet de l'intéressé, que la mention des noms, prénoms et qualité de l'inspecteur soit assortie de la mention de son emploi au sein de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi concernée et de sa résidence administrative, le procès-verbal en cause comporte, outre leur signature, les noms, prénoms et qualité des inspecteurs qui l'ont dressé, la mention selon laquelle ils agissent sous l'autorité du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France. Le moyen doit dès lors être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article A 450-1 du code de commerce : " Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités, en application de l'article L. 450-1, à procéder aux enquêtes dans les conditions prévues au présent livre ". Il résulte de l'instruction que les inspecteurs signataires du procès-verbal d'enquête du 3 juin 2019 en cause ont été nommés par arrêté du 31 décembre 2008 du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. En cette qualité, ils sont habilités pour procéder aux enquêtes prévues par les dispositions précitées du II de l'article L. 450-1 du code de commerce et notamment pour signer les procès-verbaux d'enquête mentionnés à l'article R. 450-1 de ce code. Il suit de là que le moyen tiré de l'absence d'habilitation spéciale doit être écarté. Par voie de conséquence, contrairement à ce que soutient la société requérante les dispositions de l'article A 450-1 du code de commerce ne méconnaissent pas les dispositions du II de l'article L. 450-1 du même code.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 441-10 du code de commerce : " I.- Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues ne peut dépasser trente jours après la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. / Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours après la date d'émission de la facture. (...) ". L'article L. 441-16 du même code dispose : " Est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder (...) deux millions d'euros pour une personne morale, le fait de : / a) Ne pas respecter les délais de paiement prévus au I de l'article L. 441-10 (...) / Le maximum de l'amende encourue est porté à (...) quatre millions d'euros pour une personne morale en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ".

9. La SA SFR soutient que la décision du 12 novembre 2019 ne détaille pas les modalités de calcul de la sanction infligée. Toutefois, il résulte de l'instruction que la décision énumère les manquements qui ont été constatés durant la période de contrôle du 1er juillet 2017 au 31 décembre 2017 et mentionne le nombre de factures contrôlées, le nombre de factures payées en retard, le retard de paiement moyen et le montant de la rétention de trésorerie en résultant. Elle précise en outre que les manquements ont été commis dans les deux ans suivant la date à laquelle la première décision de sanction du 25 octobre 2015 est devenue définitive. Si la société requérante soutient que, faute de comporter de précisions permettant de déterminer le montant de l'amende dont elle a fait l'objet, notamment à partir du montant de rétention de trésorerie établi, la décision attaquée est insuffisamment motivée, les dispositions précitées de l'article L. 441-16 du code de commerce ne comportent pas de modalité ou de critère de détermination de l'amende par référence au montant d'une ou plusieurs factures réglées avec retard, ou au montant du gain de trésorerie résultant de ce retard, mais déterminent seulement un montant maximum d'amende, applicable en cas de paiement de factures effectué avec retard en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 441-10 du même code, ce montant étant susceptible d'être réduit, ou, dans l'hypothèse de manquements réitérés au cours d'une période de deux ans à compter de la date à laquelle une précédente sanction est devenue définitive, doublé. Dès lors, la décision attaquée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment les éléments caractérisant les manquements invoqués et le montant de l'amende infligée, permettait à la SA SFR de discuter utilement de la nature et du montant de la sanction qui lui a été infligée, ainsi le cas échéant que de son caractère proportionné. En outre, si la société requérante soutient que la décision du 31 janvier 2020 rejetant son recours hiérarchique ne détaille pas non plus les modalités de calcul de la sanction, elle ne peut utilement critiquer les vices propres dont serait entachée une telle décision.

10. En quatrième lieu, la circonstance que la décision du 31 janvier 2020 rejetant le recours hiérarchique de la société SFR fait état de retards de paiement constatés représentant une rétention de trésorerie à son profit de plus de 62 millions d'euros au lieu de 61 963 579,97 euros précisé dans la décision du 12 novembre 2019 constitue une simple erreur de plume et ne révèle pas que cette décision serait fondée sur des faits matériellement inexacts.

11. En cinquième lieu, la SA SFR soutient que les faits pris en compte par l'administration pour l'infliction de l'amende en tant qu'elle concerne la période de réitération sont inexacts, plusieurs retards de paiements fautifs de factures prises en considération au titre de la période soumise à contrôle (1er juillet au 31 décembre 2017) étant survenus à l'expiration de la période de réitération. Toutefois, il est constant que la société SFR a fait l'objet d'une première sanction infligée le 25 octobre 2015, reçue le 29 octobre 2015, devenue définitive le 30 décembre 2015, d'un montant de 375 000 euros pour manquements aux dispositions de l'alinéa 9 de l'article L. 441-6 du code de commerce alors en vigueur, dispositions reprises à l'alinéa 2 du I de l'article L. 441-10 du même code relatif au non-respect du plafond applicable aux délais de paiement convenus. La DIRECCTE ayant constaté que la société SFR avait commis des manquements similaires dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle la première décision de sanction était devenue définitive, soit jusqu'au 31 décembre 2017, c'est sans commettre d'erreur de droit qu'elle a fait application du dernier alinéa de l'article L. 441-16 du code de commerce en vigueur à la date de la décision, qui prévoit une majoration du maximum de l'amende encourue à 4 millions d'euros en cas de réitération des manquements aux obligations du I de l'article L. 441-10 du même code, sans que l'amende en cause, et sa majoration, soit déterminées de manière individualisée par référence au retard de paiement fautif d'une facture particulière. Ainsi, contrairement à ce que soutient la SA SFR, c'est à bon droit que la DIRECCTE a pris en compte, pour appliquer le doublement de l'amende en litige, des factures dont l'échéance de paiement était postérieure au 31 décembre 2017, dès lors que ces factures ont été émises avant cette date.

12. En sixième lieu, il résulte de l'instruction que sur 39 786 factures contrôlées pendant la période du 1er juillet au 31 décembre 2017, pour un montant total de 1 635 990 018 euros, 12 861 factures ont été payées en retard en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 441-6 du code de commerce, pour un montant de 460 315 492,95 euros, soit près d'un tiers des factures contrôlées en volume et plus du quart en valeur, pour un retard moyen pondéré de 24,23 jours. Ces retards de paiement ont généré une rétention de trésorerie de 61 963 579 euros. Comme il a été dit au point 10 du présent arrêt, la société SFR avait déjà été sanctionnée le 25 octobre 2015, pour manquements aux dispositions de l'alinéa 9 de l'article L. 441-6 du code de commerce [alors en vigueur, dispositions reprises à l'alinéa 2 du I de l'article L. 441-10 du même code relatif au

non-respect du plafond applicable aux délais de paiement convenus]. Contrairement à ce que soutient la société SFR, il ne résulte pas de l'instruction que la situation financière de la société, caractérisée par un déficit courant au titre de l'exercice 2017, n'aurait pas été prise en compte, alors qu'il résulte de l'instruction que l'amende prononcée à son encontre représente 0,04 % de son chiffre d'affaires et 0,8 % des factures réglées avec un retard fautif. Dans ces conditions, et alors que la SA SFR se borne à invoquer sa situation déficitaire sans invoquer de disproportion entre le montant de l'amende, incluant son doublement, et certaines données financières relatives à ses achats, son chiffre d'affaires ou sa capacité de trésorerie, eu égard au nombre de factures concernées, à l'importance des manquements constatés et à leur réitération, la sanction prononcée, incluant son doublement, n'est pas disproportionnée au regard des manquements en litige et de la situation financière de la société requérante. De même, il résulte de ce qui précède qu'aucune atteinte aux principes de nécessité ou d'individualisation n'est établie.

Sur le titre de perception :

13. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ". Le V de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 prévoit que pour l'application de ces dispositions " aux titres de perception délivrés par l'Etat en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de l'Etat ou à celles qu'il est chargé de recouvrer pour le compte de tiers, la signature figure sur un état revêtu de la formule exécutoire, produit en cas de contestation ".

14. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de perception individuel délivré par l'Etat doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de cet auteur.

15. Le titre de perception en litige, qui comporte la référence au numéro d'état récapitulatif 23184, et n'est pas signé, indique qu'il a été rendu exécutoire par l'ordonnateur en vertu des articles 11 et 28 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable, dont l'identité et la fonction - A... Isabelle responsable des recettes - figure dans un cartouche. Si le ministre produit un état récapitulatif des créances pour mise en recouvrement qui comporte la référence du titre de perception en litige, ce dernier est signé pour l'ordonnateur et par délégation par M. B... D..., attaché d'administration, dont la signature figure sur cet état récapitulatif. Ainsi, il ne ressort pas de ces pièces que l'identité du signataire de l'état ayant rendu exécutoire le titre de perception en litige soit justifiée. Par suite, ce titre méconnaît les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et doit être annulé, une telle annulation, qui résulte d'un motif de régularité en la forme, n'impliquant pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société SFR est seulement fondée à soutenir que le titre de perception émis le 2 octobre 2020 doit être annulé et que le jugement du tribunal administratif de Paris doit être annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt, le surplus des conclusions de la requête devant être rejeté. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par la SA SFR et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le titre de perception émis le 2 octobre 2020 portant le numéro d'état récapitulatif 23184 est annulé.

Article 2 : Le jugement nos 2013288, 2115072 du 12 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SA SFR au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA SFR est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA SFR et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copies en seront adressées au directeur régional interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités et au directeur des créances spéciales du Trésor.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Hamdi, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 26 avril 2024.

La rapporteure,

S. HAMDILe président,

S. CARRERELa greffière,

C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04175


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04175
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Samira HAMDI
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : FELDMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;22pa04175 ?
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