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26/04/2024 | FRANCE | N°22PA03160

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 26 avril 2024, 22PA03160


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Karalius a demandé au tribunal administratif de Paris :



1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie s'élevant à un montant de 181 420 euros en droits au titre de l'exercice 2012, correspondant à des rappels de crédit d'impôt pour dépenses de recherche (CIR) des années 2011 et 2012, et à un montant de 26 869 euro

s en droits et 1 827 euros en intérêts de retard au titre de l'exercice 2014, correspondant à un rappel de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Karalius a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie s'élevant à un montant de 181 420 euros en droits au titre de l'exercice 2012, correspondant à des rappels de crédit d'impôt pour dépenses de recherche (CIR) des années 2011 et 2012, et à un montant de 26 869 euros en droits et 1 827 euros en intérêts de retard au titre de l'exercice 2014, correspondant à un rappel de CIR de l'année 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2005795 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet 2022 et 12 septembre 2023, l'EURL Karalius, représentée par Me Krief, avocate, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2005795 du 10 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prendre acte du dégrèvement, par avis du 23 septembre 2022 d'un montant de 135 280 euros, au titre du crédit d'impôt pour dépenses de recherche (CIR) de l'année 2011, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, d'un montant de 46 140 euros en droits au titre de l'exercice 2012 correspondant à un rappel de CIR de l'année 2012 et d'un montant de 26 869 euros en droits et 1 827 euros en intérêts de retard au titre de l'exercice 2012 correspondant à un rappel de CIR de l'année 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de rectification est irrégulière en raison de la méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, qui prévoit que la vérification de comptabilité doit être précédée d'un avis mentionnant les années soumises à vérification, sans qu'y fasse obstacle le délai spécifique de prescription du CIR prévu à l'article L. 172 G du livre des procédures fiscales, dès lors que le service a procédé au contrôle des exercices 2010 et 2011 non visés dans l'avis de vérification qui ne portait que sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et que le dégrèvement de 135 280 euros au titre de 2011 et l'absence de rappel au titre de 2010 ne régularisent pas a posteriori cette irrégularité ;

- la procédure de rectification est irrégulière en raison de la méconnaissance des articles L. 48 et R. 256-1 du livre des procédures fiscales et 223 A du code général des impôts. Lorsque l'administration fiscale envisage de revoir à la hausse les impositions précédemment notifiées ou de corriger une erreur, une omission ou changer de motivation, elle doit avant l'expiration du délai de reprise adresser au contribuable une nouvelle proposition de rectification motivée et lui consentir un nouveau délai de trente jours éventuellement prorogé pour formuler ses observations ; l'administration fiscale n'a pas adressé à la société 11 Management une nouvelle proposition de rectification ; elle s'est contentée de lui envoyer après l'expiration du délai de reprise intervenue le 31 décembre 2016, un simple courrier daté du 27 juin 2018 dans lequel elle lui notifiait pour la première fois des conséquences financières au titre de l'exercice 2012 en arguant une erreur de plume commise dans la proposition de rectification du 10 octobre 2016 ; aucun délai supplémentaire ne lui a été accordé pour présenter ses observations ; l'administration fiscale a seulement et tardivement notifié à l'entreprise requérante, en tant qu'entité mère du groupe fiscal intégré depuis l'exercice 2011, au visa des articles 223 A et suivants du code général des impôts, les conséquences financières pour le groupe des opérations de contrôle dont la société 11 Management a fait l'objet ;

- la procédure de rectification est irrégulière en raison de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; selon la doctrine administrative, l'administration fiscale a l'obligation d'indiquer dans la proposition de rectification les motifs de droit ou de fait des rehaussements de telle sorte que le contribuable puisse le cas échéant prendre position en toute connaissance de cause ; elle doit faire connaître au redevable la nature, les motifs et le montant des rehaussements envisagés (BOI-CF-IOR-10-40 n° 40, 12-9-2012) ; une proposition de rectification peut également pour un même impôt ou groupe d'impôts concerner plusieurs périodes d'imposition, mais les rehaussements afférents à chaque période doivent alors apparaître distinctement (BOI-CF-IOR-10-40 n° 60, 12-9-2012) ; la proposition de rectification du 10 octobre 2016 ne motive pas la somme de 245 825 euros redressée au titre des exercices 2010 à 2012 ;

- la procédure de rectification est irrégulière en raison de la mise en recouvrement de sommes excédant les droits rappelés ;

- la procédure de rectification est irrégulière en raison de la méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; seuls peuvent être rectifiés, dans le cadre d'une vérification de comptabilité, les CIR calculés au titre des dépenses engagées au cours des périodes mentionnées dans l'avis de vérification ; l'avis de vérification de comptabilité du 16 octobre 2015 adressé à la société 11 Management indique que le contrôle portera sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ; le service vérificateur a également procédé au contrôle des exercices 2010 et 2011 ;

- les dispositions de l'article 244 quater B et plus précisément le BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20 120912, §70, §90 et §300 attestent de l'éligibilité des travaux de la société 11 Management au CIR ;

- l'administration fiscale a méconnu les dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ; le tribunal administratif n'a pas motivé sa position ; elle est fondée à contester la remise en cause par l'administration fiscale dans la proposition de rectification de l'éligibilité des projets au titre du CIR que l'administration avait précédemment considérés comme exigibles.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 septembre 2022 et 29 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut, d'une part, au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2011, accordé à hauteur d'un montant de 135 280 euros en droits, correspondant au CIR de l'année 2011 et, d'autre part, au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que les conclusions de la requête, en tant qu'elles tendent à la restitution des sommes irrégulièrement saisies pour un montant de 36 406,81 euros à la suite d'un avis à tiers détenteur, sont irrecevables dès lors qu'elles ne relèvent pas de la procédure d'assiette, objet du présent litige, que la remise en cause du crédit impôt recherche de l'année 2010, pour un montant de de 61 105 euros, n'a fait l'objet d'aucun rappel et par voie de conséquence, n'avait pas à donner lieu à dégrèvement, qu'a été accordé, par avis du 23 septembre 2022, un dégrèvement, d'un montant de 135 280 euros, concernant le crédit impôt recherche de l'année 2011, que le litige s'établit ainsi aux montants de 46 140 euros au titre de l'exercice 2012 et de 26 869 euros au titre de l'année 2014, enfin, que, pour le surplus, les moyens de la requête de l'EURL Karalius ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamdi,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ides Infor, devenue société 11 Management, filiale de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Karalius et faisant partie du groupe fiscal intégré constitué en 2011, dont l'entreprise Karalius est l'entité mère, exerce son activité dans le domaine du conseil en systèmes et logiciels informatiques et réalise des prestations de conseil au bénéfice de grandes entreprises afin de les accompagner dans leurs projets technologiques, en particulier autour de la création et l'optimisation de leur système d'information. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le service lui a notifié, par une proposition de rectification du 10 octobre 2016, des redressements concernant la remise en cause du crédit d'impôt pour dépenses de recherche (CIR) dont elle a bénéficié au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2014. Par un courrier du 22 février 2019, l'administration a informé l'entreprise Karalius, en sa qualité d'entité mère d'un groupe intégré, des conséquences financières pour le groupe des redressements dont la société Ides Infor a fait l'objet. L'entreprise Karalius interjette régulièrement appel du jugement du 10 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie s'élevant à un montant de 181 420 euros en droits au titre de l'exercice 2012, correspondant à des rappels de CIR des années 2011 et 2012, et à un montant de 26 869 euros en droits et 1 827 euros en intérêts de retard au titre de l'exercice 2014, correspondant à un rappel de CIR de l'année 2014.

Sur l'étendue du litige :

2. Les conclusions de la requête de l'EURL Karalius tendaient initialement à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie s'élevant à un montant de 181 420 euros en droits au titre de l'exercice 2012, correspondant à des rappels de CIR des années 2011 et 2012, et à un montant de 26 869 euros en droits et 1 827 euros en intérêts de retard au titre de l'exercice 2014, correspondant à un rappel de CIR 2014. Par une décision du 23 septembre 2022 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a prononcé un dégrèvement partiel, d'un montant de 135 280 euros, correspondant à la totalité du CIR de l'année 2011. Dans cette mesure, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions de la requête devenues ainsi sans objet. Le litige concerne par suite désormais une cotisation d'impôt sur les sociétés de 46 140 euros en droits au titre de l'exercice 2012 correspondant à un rappel de CIR de l'année 2012 et une cotisation d'impôt sur les sociétés de 26 869 euros en droits et 1 827 euros en intérêts de retard au titre de l'exercice 2014 correspondant à un rappel de CIR de l'année 2014.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne l'exercice 2012 :

3. Aux termes de l'article 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue (...) d'une vérification de comptabilité (...), lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...), le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. / Pour une société membre d'un groupe mentionné à l'article 223 A (... du code général des impôts, l'information prévue au premier alinéa porte, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et les pénalités correspondantes, sur les montants dont elle serait redevable en l'absence d'appartenance à un groupe. (...) " et aux termes du troisième alinéa de l'article R. 256-1 du même livre : " Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts (...) la société mère d'un groupe (...) qui s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats d'un groupe est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'un ou plusieurs membres du groupe, l'administration adresse à cette société mère (...), préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle (...) est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document. (...) ". Et aux termes des articles 199 ter B du code général des impôts auquel renvoie, s'agissant des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, l'article 200 du même code : " I - Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 223 O du même code : " 1. La société mère est substituée aux sociétés du groupe pour l'imputation sur le montant de l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable au titre de chaque exercice : (...) b. des crédits d'impôt pour dépenses de recherche dégagés pour chaque société du groupe en application de l'article 244 quater B ; l'article 199 ter B s'applique à la somme de ces crédits d'impôt ; (...) ".

4. En vertu des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, alors même que la société mère d'un groupe fiscal intégré s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats et c'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de redressement, dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47, L. 48 et L. 57 du livre des procédures fiscales. Les redressements ainsi apportés aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent cependant les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom sur les rehaussements de ce résultat d'ensemble. L'information qui doit être donnée à la société mère avant cette mise en recouvrement peut être réduite à une référence aux procédures de redressement qui ont été menées avec les sociétés membres du groupe et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d'ensemble, sans qu'il soit nécessaire de reprendre l'exposé de la nature, des motifs et des conséquences de chacun des chefs de redressement concernés.

5. Il résulte de l'ensemble des dispositions précitées, d'une part, que la procédure de vérification doit avoir lieu dans son intégralité avec la filiale, y compris la notification des conséquences financières sur les montants d'impôt dont elle serait redevable si les résultats n'étaient pas agrégés dans le résultat de l'entité mère du groupe fiscal intégré.

6. Il résulte de l'instruction que la société vérifiée a déposé des déclarations de CIR le 15 avril 2013 pour un montant de 174 414 euros au titre de 2010 (crédit ni imputé sur le résultat de l'exercice, ni remboursé), exercice antérieur à l'entrée de la société Ides Infor dans le périmètre d'intégration de l'EURL Karalius, survenue en 2011, un montant de 280 241 euros au titre de 2011 dont un montant de 200 834 euros remboursé par avis de dégrèvement du 5 janvier 2016 (persiste un montant de 79 407 euros), et un montant de 110 871 euros au titre de 2012 dont un montant de 76 669 euros remboursé par le même avis de dégrèvement (persiste un montant de 34 202 euros). Elle a également déposé une déclaration de CIR le 8 juin 2015 pour un montant de 82 917 euros imputé sur l'impôt sur les sociétés du groupe. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 12 novembre 2015 au 5 octobre 2016, portant sur la période des années 2012, 2013 et 2014, à l'issue de laquelle le service lui a notifié, par une proposition de rectification du 10 octobre 2016, des redressements concernant la remise en cause partielle des crédits d'impôt recherche dont elle a bénéficié au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2014. Les rappels concernent initialement les montants de CIR de 61 105 euros (crédit 2010), 135 280 euros (crédit 2011), 46 140 euros (crédit 2012) et 26 869 euros (crédit 2014).

7. Au titre de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales relatif à l'information quant aux conséquences financières, n'est mentionnée, dans la proposition de rectification du 10 octobre 2016, dans le cartouche final " synthèse des sommes dues en euros ", que la somme de 28 869 euros en droits au titre de l'exercice 2014, outre les intérêts de retard pour un montant de 1 827 euros. Toutefois, si figure dans le corps de ce document (partie " V Conséquences financières ") un cartouche intitulé " Liste des rehaussements " qui mentionne des crédits " non imputés " au titre de 2012 pour la somme de 245 825 euros, outre la somme de 28 869 euros au titre de 2014, cette somme, d'une part, ne correspond pas exactement au total des rappels 2010, 2011 et 2012, mentionnés plus haut sous " III C 2 Récapitulatif par année ", qui s'élève à 242 525 euros, et, d'autre part, n'apparaît pas, au titre de l'impôt supplémentaire, dans les conséquences financières du redressement de l'exercice 2012. Par suite, alors même que le rappel sur crédits d'impôt non imputés d'un montant total de 245 825 euros figurait bien parmi les conséquences financières au titre de 2012, l'absence de mention de toute variation d'impôt au titre de cet exercice par rapport à l'impôt établi avant contrôle ne permettait pas à la société Ides Infor, avant de présenter ses observations en réponse à cette proposition de rectification, de disposer d'une information concernant le montant des droits dus, au titre de cet exercice à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle avait fait l'objet, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales. En outre, dans la réponse aux observations du contribuable, du 2 février 2017, adressée à la société 11 Management, les rappels sont maintenus et le " IV Conséquences financières " se borne à mentionner qu'elles sont " identiques à celles figurant dans la proposition de rectification ". Si, par la suite, par un courrier du 22 février 2019, l'administration a informé l'EURL Karalius, en sa qualité d'entité mère d'un groupe intégré, des conséquences financières pour le groupe des redressements dont la société Ides Infor a fait l'objet, et si figure pour la première fois, au titre d'un rappel sur crédit d'impôt remboursé, pour l'exercice 2012, la somme de 181 420 euros, correspondant au solde du redressement après déduction du rappel sur le crédit d'impôt 2010 n'ouvrant pas droit à prise en compte pour la détermination de l'impôt dû au niveau du groupe en raison de son origine antérieure à l'entrée de la société Ides Infor dans son périmètre, une telle information est sans incidence sur l'irrégularité mentionnée, commise au regard de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales au titre de la procédure de contrôle conduite avec la filiale intégrée.

8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens développés au soutien des conclusions de la requête dirigées contre les impositions établies au titre de l'exercice 2012, qu'il y a lieu de prononcer la décharge des impositions à l'impôt sur les sociétés établies au nom de l'EURL Karalius au titre de cet exercice.

En ce qui concerne l'exercice 2014 :

9. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies, 44 duodecies, 44 terdecies et 44 quaterdecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III du code général des impôts : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. / Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ". Ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement de logiciels ou de systèmes informatiques dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation desdites techniques.

10. Il résulte de l'instruction que le service a estimé que le projet " amélioration de l'architecture Cloud Office 365 " mené en 2014 n'était pas éligible au crédit d'impôt recherche dès lors qu'il ne comportait pas d'indicateur recherche et développement, qu'il n'avait pas permis l'acquisition particulière de nouvelles connaissances liée à la production des résultats de recherche et qu'il s'inscrivait dans une stratégie de développement et d'optimisation de logiciels classiques. Si la société Karalius soutient que ce projet correspond bien à des travaux de recherche et développement éligibles au crédit d'impôt recherche, alors, en outre, que les conclusions du rapport du 2 mai 2016 ont été confirmées par le comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche le 14 septembre 2017, il résulte de l'instruction que ce projet vise à combler les lacunes des services de messagerie, en permettant de traiter de manière individualisée des données dans un environnement " Cloud ", traitées en l'état au moyen d'un logiciel Microsoft regardé comme insuffisamment performant, en combinant ses fonctionnalités avec celles d'un logiciel Novell, existant sur le marché, estimé plus adapté. Si la recherche qu'implique ce projet comporte une part d'innovation, elle ne peut être regardée comme visant à permettre de lever un verrou technologique, de nature à rendre les frais exposés correspondants comme éligibles au crédit d'impôt recherche.

11. Il résulte de tout ce qui précède, en premier lieu, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de l'EURL Karalius à hauteur d'un montant de 135 280 euros concernant la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2011, en deuxième lieu, qu'il y a lieu d'annuler l'article 1er du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice 2012 à hauteur de la somme de 46 140 euros, et de prononcer la décharge d'imposition correspondante, et, en dernier lieu, de rejeter le surplus des conclusions de la requête.

Sur les frais d'instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au profit de l'EURL Karalius au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de l'EURL Karalius à hauteur d'un montant de 135 280 euros concernant la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2011 dégrevée en cours d'instance.

Article 2 : L'EURL Karalius est déchargée de la cotisation d'impôt sur les sociétés, d'un montant de 46 140 euros en droits, mise à sa charge au titre de l'exercice 2012.

Article 3 : Le jugement du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à l'EURL Karalius la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la requête de l'EURL Karalius sont rejetées pour le surplus.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Karalius et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 5 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Hamdi, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 26 avril 2024.

La rapporteure,

S. HAMDILe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03160


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03160
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Samira HAMDI
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : KRIEF

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;22pa03160 ?
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