Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Tran et Cie a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.
Par un jugement n° 1806006 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Melun a déchargé la société du rappel de taxe sur la valeur ajoutée déductible mis en recouvrement à son encontre au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 en principal, intérêts de retard et majorations et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 avril et le 3 mai 2022, l'EURL Tran et Cie, représentée par Me Vailhen, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 février 2022 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) d'annuler la décision de rejet de sa réclamation en date du 5 juin 2018 du directeur départemental des finances publiques de Val-de-Marne ;
3°) de prononcer le dégrèvement des rappels notifiés en matière de taxe sur la valeur ajoutée collectée ainsi que des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré y afférents mis à sa charge pour un montant de 33 162 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- le rehaussement résultant de l'écriture de compensation n'est pas justifié dès lors que cette opération n'a pas été prise en compte dans la déclaration de la société Bacotrel et n'a donc donné lieu à aucune déductibilité de sorte qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le Trésor ; aucun chiffre d'affaires n'a été réalisé ni encaissé ;
- les intérêts de retard ne sont pas justifiés ;
- la majoration pour manœuvres frauduleuses n'est pas justifiée, dès lors que la volonté de se soustraire à l'impôt n'est pas démontrée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le litige n'a plus d'objet à hauteur du montant du dégrèvement prononcé par le tribunal administratif de Melun le 24 février 2022 et que pour le surplus, les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot ;
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Tran et Cie, qui exerce une activité de conseil en entreprise en génie climatique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité concernant la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle elle a été rendue destinataire d'une proposition de rectification en date du 2 décembre 2015. Des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ont été mis en recouvrement à son encontre le 30 novembre 2016. La réclamation d'assiette présentée le 20 janvier 2017 a été rejetée par une décision du directeur départemental des finances publiques du Val-de-Marne du 5 juin 2018. Par un jugement n° 1806006 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Melun a déchargé la société Tran et Cie du rappel de taxe sur la valeur ajoutée déductible mis en recouvrement à son encontre au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 en principal, intérêts de retard et majorations et rejeté le surplus de sa demande. La société Tran et Cie interjette régulièrement appel du jugement précité en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur l'étendue du litige :
2. La société Tran et Cie doit être regardée comme demandant la décharge des seuls rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 maintenus par le jugement du tribunal administratif de Melun.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Aux termes de l'article 256 du code général de impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " I. Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment de la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services effectuée (...) 2. La taxe est exigible (...) c) Pour les prestations de services (...), lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) ".
4. L'EURL Tran et Cie soutient que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée résultant de l'écriture de compensation n'est pas justifié dès lors que cette opération n'a pas été prise en compte dans la déclaration de la société Bacotrel et n'a donc donné lieu à aucune déductibilité, de sorte qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le Trésor. En outre, aucun chiffre d'affaires n'a été réalisé ni encaissé.
5. Il ressort de la proposition de rectification en date du 2 décembre 2015 que la société Tran et Cie a inscrit au crédit du compte client 411-01000001 Bacotrel à la date du 31 décembre 2012 un montant de compensation égal à 131 060 euros venant en règlement des prestations facturées par l'EURL à la SARL Bacotrel Génie Climatique mais qu'elle a omis d'inscrire cette somme au débit du compte " TVA collectée ". En outre, il est apparu que la société Tran et Cie n'avait déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au mois de décembre 2012 ni procédé à une régularisation des déclarations de taxe déposées. L'administration a en conséquence notifié un rappel d'un montant de 21 478 euros, correspondant à la taxe collectée mais non déclarée correspondante en application du c de l'article 269 du code général des impôts précité.
6. Par ailleurs, il ressort de la proposition de rectification que le montant de cette compensation correspond à un ensemble de factures établies tout au long de l'année 2011 à l'endroit de la SARL Bacotrel Génie Climatique et a pour objet de solder le compte client Bacotrel au 31 décembre 2012, la réalité des prestations objet de ces factures ayant été remise en cause par l'administration au titre de la vérification de comptabilité de la SARL Bacotrel Génie Climatique. Ainsi, alors que ces factures ont donné lieu à débit au compte de ce client, l'EURL Tran et Cie ne saurait soutenir que l'écriture de compensation en litige n'a donné lieu à aucun chiffre d'affaires réalisé ni encaissé, aucune erreur de comptabilisation initialement commise puis régularisée n'étant au demeurant établie. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée en litige. La circonstance que le Trésor n'aurait subi aucun préjudice au motif que l'opération de compensation n'aurait pas été prise en compte dans la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée de la SARL Bacotrel Génie Climatique, qui n'aurait procédé à aucune déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante est, eu égard aux circonstances susmentionnées du rappel en litige, sans incidence sur son bien-fondé.
Sur les majorations :
S'agissant de l'intérêt de retard :
7. Aux termes du I de l'article 1727 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) ".
8. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge, par voie de conséquence de la décharge du rappel contesté, des intérêts de retard qui l'ont assorti.
S'agissant des pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ".
10. Il résulte de l'instruction que l'EURL Tran et Cie ne pouvait ignorer que l'inscription en comptabilité de l'opération de compensation constituait une rémunération du compte client
411-01000001 Bacotrel. En outre, elle a omis d'inscrire cette écriture en débit du compte " TVA collectée " correspondant et de la déclarer. Enfin, l'administration a estimé, sans être contestée sur ce point, que la comptabilité de l'EURL était entachée de nombreuses erreurs. L'ensemble de ces constatations traduit une volonté délibérée d'éluder l'impôt. Dès lors, l'administration, qui ne s'est pas seulement bornée à relever l'importance des sommes éludées ou l'existence de simples irrégularités comptables, mais qui s'est attachée à caractériser l'élément intentionnel du manquement constaté, doit être regardée comme apportant la preuve de l'absence de bonne foi ou d'un manquement délibéré de la requérante. Par suite le moyen doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Tran et Cie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions relatives aux frais liés au litige et aux dépens doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'EURL Tran et Cie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Tran et Cie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 5 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- Mme Boizot, première conseillère,
- Mme Hamdi, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 26 avril 2024.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRÈRE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA01953 2