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25/04/2024 | FRANCE | N°23PA04258

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 25 avril 2024, 23PA04258


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2208637 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.





Procédure deva

nt la Cour :



Par une requête enregistrée le 9 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Balme Leygues, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2208637 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Balme Leygues, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2208637 du 14 septembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 11 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer, sans délai, le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'une semaine à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en lui délivrant, durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, d'une part, pour les frais de première instance et, d'autre part, pour les frais d'appel.

Elle soutient que :

- le jugement litigieux est irrégulier, dès lors que sa minute n'est pas revêtue des signatures exigées par l'article R. 714-7 du code de justice administrative et que sa motivation est insuffisante en ce qui concerne l'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de preuve que la commission du titre de séjour était composée de manière régulière ;

- cette décision méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;

- elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur de fait en ce qui concerne ses attaches familiales dans son pays d'origine ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de la décision de refus de séjour qui en constitue le fondement.

La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

La requérante a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,

- et les observations de Me Balme Leygues, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante malienne née en 1968, est entrée en France le 31 décembre 2004 de manière irrégulière selon ses déclarations. Par un arrêté du 11 juillet 2022, la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme A... fait appel du jugement du 14 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été effectivement signée, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, par la greffière de l'audience. Par suite, le jugement n° 2208637 du 14 septembre 2023 du tribunal administratif de Melun doit être annulé. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Melun.

Sur la demande de Mme A... :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission du titre de séjour est composée : 1° D'un maire ou de son suppléant désignés par le président de l'association des maires du département ou, lorsqu'il y a plusieurs associations de maires dans le département, par le préfet en concertation avec celles-ci (...) ; 2° De deux personnalités qualifiées désignées par le préfet (...). ". Aux termes de l'article R. 432-12 de ce code : " Le chef du service des étrangers de la préfecture, ou son représentant, assure les fonctions de rapporteur auprès de la commission du titre de séjour. Il ne prend pas part à sa délibération. Ledit service assure le secrétariat de la commission. ".

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. Mme A... soutient que l'avis de la commission du titre de séjour du Val-de-Marne du 19 mai 2022 ne mentionne pas le nom, le prénom et la fonction du président de la commission et du membre de la commission ayant signé l'avis, ni celui de la personne ayant exercé les fonctions de rapporteur. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les nom, prénom et fonctions de la présidente et du membre de la commission ayant signé cet avis figurent dans le procès-verbal de la séance de la commission, qui a été communiqué à Mme A.... La circonstance que le nom de la personne ayant exercé les fonctions de rapporteur ne soit pas précisé dans cet avis n'a été susceptible d'exercer aucune influence sur le sens de l'avis ou de priver la requérante d'une garantie, dès lors que ce procès-verbal indique que " les membres de la Commission se sont retirés pour délibérer hors de la présence des secrétaires de la Commission ". Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission du titre de séjour ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

8. Si Mme A... se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France et de son insertion sociale et professionnelle, elle ne produit au dossier que trois bulletins de paie pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2022, soit postérieurement à l'arrêté litigieux et n'apporte aucun autre élément de nature à justifier de l'exercice d'une activité professionnelle. En outre, si Mme A... indique qu'elle n'a plus aucune relation avec sa mère, dès lors qu'elle vit en France depuis 2004 et n'est pas retournée dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier que la requérante ne justifie pas ne plus être en contact avec sa mère qui réside au Mali, ni disposer d'attaches privées et familiales en France. Ainsi, Mme A..., qui n'établit pas que sa situation relève de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées, n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance de ces dispositions. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette décision serait entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme A....

9. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ".

10. Pour les motifs exposés au point 8 de l'arrêt, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la préfète du Val-de-Marne n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.

En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant entachée d'aucune illégalité, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision obligeant Mme A... à quitter le territoire français doit, en conséquence, être écarté.

12. En second lieu, Mme A... qui s'est vue refuser la délivrance d'un titre de séjour entrait dans le cas prévu par les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où l'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-1 doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2208637 du 14 septembre 2023 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Melun et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2024.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04258 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04258
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : BALME LEYGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-25;23pa04258 ?
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