Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016 ainsi que des pénalités y afférentes.
Par un jugement no 2015742/2-3 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 décembre 2022 et 23 novembre 2023, M. A..., représenté par la SCP Cabinet Bernard Lagarde, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2015742/2-3 du 20 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016 ainsi que des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le lieu où s'est déroulée la vérification de comptabilité n'est mentionné sur aucune pièce de la procédure et n'a pu avoir lieu au 3 rue de Sfax à Paris dès lors qu'il n'occupait plus ces locaux ;
- en l'absence de tout élément sur le lieu de vérification de son activité individuelle il a estimé que seuls des échanges relatifs à la vérification de comptabilité de la SELARL Boissière A... Avocats étaient intervenus de sorte qu'aucun débat n'a eu lieu sur l'existence d'une plus-value de cession de clientèle ;
- la proposition de rectification établie à la suite de la vérification de comptabilité de son activité a été notifiée irrégulièrement et n'a pu interrompre la prescription ;
- l'administration, qui s'est fondée sur l'existence d'un abus de droit, aurait dû mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
- aucune cession de clientèle n'est intervenue avec la SELARL Boissière A... Avocats.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Mosser, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui exerçait la profession d'avocat sous forme individuelle, a créé la SELARL Boissière A... Avocats dont il est l'unique associé et a exercé son activité au sein de cette société à compter du 1er septembre 2016. Son activité individuelle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016 à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, selon la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties des intérêts de retard et des majorations de 10 % mentionnées aux articles 1728 et 1758 A du code général des impôts. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ". Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
3. M. A... soutient que l'avis de vérification de son activité individuelle a été envoyé au 3 rue de Sfax à Paris alors qu'il n'exerçait plus à cette adresse, que la SELARL Boissière A... Avocats ayant également fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la même période, seuls des échanges portant sur ce contrôle sont intervenus et qu'aucun débat n'a eu lieu quant aux opérations de contrôle de son activité individuelle. Il résulte cependant de l'instruction que l'avis de vérification daté du 11 mars 2019, envoyé par l'administration au 3 rue de Sfax, a été réexpédié par les services postaux à M. A... à l'adresse de sa société et celui-ci en a accusé réception le 21 mars 2019. Il résulte également des mentions de la proposition de rectification du 1er août 2019 et de la décision statuant sur la réclamation, non contestées par le requérant, que les opérations de contrôle de l'activité individuelle de M. A... ont eu lieu, avec son accord, dans les locaux de la SELARL Boissière A... Avocats et que le vérificateur est intervenu sur place les 11 avril 2019, 20 mai 2019, 22 mai 2019 et 24 mai 2019. Si ces dates correspondaient également à des dates auxquelles des interventions ont été réalisées dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société, il ne résulte pas de l'instruction que M. A... ait été induit en erreur quant à l'objet des réunions ni même que le vérificateur se serait refusé à tout échange sur les opérations de contrôle de son activité individuelle ni même encore que la réunion de synthèse du 24 mai 2019 n'aurait porté que sur le contrôle de la société. Dès lors, le moyen tiré de ce que M. A... aurait été privé d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient le requérant, le pli contenant la proposition de rectification du 1er août 2019 a été présenté à son domicile personnel le 13 août 2019, puis a été retourné à l'expéditeur avec la mention " pli avisé non réclamé ". Il n'est pas établi que cette proposition de rectification ne constituait qu'une copie du document original. Contrairement à ce que soutient M. A..., l'administration a pu expédier la proposition de rectification au mois d'août 2019 alors même que les opérations de contrôle étaient achevées depuis le mois de juin 2019 et elle n'était pas tenue de procéder à un nouvel envoi de cette proposition de rectification après avoir réceptionné le pli qui lui avait été réexpédié. Dès lors, la proposition de rectification du 1er août 2019 régulièrement notifiée le 13 août suivant au domicile personnel de M. A... qui avait alors cessé son activité exercée à titre individuel, a eu pour effet d'interrompre la prescription.
6. Enfin, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. (...) ".
7. Contrairement à ce que soutient le requérant, en considérant que le contribuable avait cédé sa clientèle à la société qu'il a constituée et dont il est l'unique associé, l'administration n'a pas entendu écarter les statuts de cette société comme ne lui étant pas opposables et n'a pas entendu considérer que cet acte était constitutif d'un abus de droit.
Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2016 :
8. Aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle. (...) ". Aux termes du I de l'article 93 quater de ce code : " Les plus-values réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 novodecies (...) ". Aux termes de l'article 39 duodecies du même code : " 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. / Le régime des plus-values à court terme est applicable : / a. Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans. Le cas échéant, ces plus-values sont majorées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en méconnaissance des dispositions de l'article 39 B ; / b. Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt. Le cas échéant, ces plus-values sont majorées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en contravention aux dispositions de l'article 39 B ; / c. Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession de titres de sociétés établies dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A. / 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2. (...) ". Aux termes de l'article 39 quindecies dudit code : " (...) le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 16 %. (...) ". Aux termes de l'article 202 du même code : " 1. Dans le cas de cessation de l'exercice d'une profession non commerciale, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices provenant de l'exercice de cette profession y compris ceux qui proviennent de créances acquises et non encore recouvrées et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi. (...) ".
9. Aux termes de l'article R*. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ". En l'espèce, M. A... n'a pas contesté les rectifications qui lui ont été régulièrement notifiées par la proposition de rectification du 1er août 2019. La charge de la preuve du caractère exagéré des impositions qu'il conteste lui incombe.
10. Il résulte de l'instruction que M. A..., qui exerce l'activité d'avocat, a constitué la SELARL Boissière A... Avocats dont il est l'unique associé et a commencé à exercer au sein de cette société le 1er septembre 2016. Il a cessé d'exercer, dans le cadre de son activité individuelle, à compter du 13 décembre 2016. Au regard de ces éléments, l'administration a considéré que M. A... avait cédé à la société Boissière A... Avocats sa clientèle ou, à tout le moins, un droit de présentation, et avait réalisé, à l'occasion de cette cession, une plus-value imposable. Le ministre soutient également en défense, sans être contesté, que le chiffre d'affaires réalisé au cours des trois derniers exercices par M. A..., à titre individuel, est équivalent à celui qu'a généré l'activité de la SELARL au cours du premier exercice de son activité, le requérant, sur lequel pèse la charge de la preuve, ne justifiant pas que la clientèle de cette société était différente de celle qu'il avait constituée dans le cadre de son activité individuelle. Pour établir l'absence de cession de ce droit de présentation, M. A... soutient qu'aucun acte d'apport de clientèle n'a été établi dès lors que la SELARL Boissière A... Avocats a été constituée avec un apport en numéraire de 10 000 euros. Toutefois, ni l'absence d'acte de cession, ni même l'attestation établie par le comptable de la société indiquant qu'aucun droit de présentation de clientèle n'a été comptabilisé à l'actif de la SELARL ne sont de nature à établir l'absence de transfert de clientèle. Le requérant ne justifie pas que cette société n'a été constituée qu'avec un apport en numéraire de 10 000 euros, un apport en numéraire étant au demeurant exclusivement destiné à former le capital social d'une société. L'absence de flux financier entre la SELARL et lui-même est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse dès lors que, l'activité individuelle de M. A... ayant fait l'objet d'une cessation, l'impôt sur le revenu dû devait être établi compte tenu, notamment, des créances acquises et non encore recouvrées en application de l'article 202 du code général des impôts précité. Les circonstances qu'il est le seul associé de la SELARL Boissière A... Avocats, que, s'il avait déclaré la plus-value de cession réalisée, il aurait pu bénéficier d'un report d'imposition et que la valeur de la clientèle apparaîtra lorsque la SELARL cédera ses éléments d'actifs sont sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'aucune cession de clientèle n'est intervenue entre la société et M. A... doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des pénalités correspondantes. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).
Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.
La rapporteure,
N. ZEUDMI SAHRAOUILe président,
B. AUVRAY
La greffière,
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA05339