Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B..., épouse C..., a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2215194/7 du 18 septembre 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Semak, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2215194/7 du 18 septembre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 septembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le défaut de visa ne lui était pas opposable ;
- le jugement n'a pas motivé sa réponse aux moyens tirés de ce que la décision attaquée était insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il n'a pas motivé la neutralisation d'un motif de la décision à laquelle il a procédé ;
- il n'a pas motivé sa réponse au moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet ne pouvait légalement fonder le refus de titre de séjour sur l'absence de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels, dès lors que sa demande était uniquement fondée sur les stipulations de l'accord franco-algérien et que les dispositions relatives à l'admission exceptionnelle au séjour ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont la situation est entièrement régie par cet accord ;
- le préfet ne pouvait légalement fonder le refus de titre de séjour sur un défaut de visa de long séjour, lequel ne lui était pas opposable en application de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- elle est entachée d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- et les observations de Me Ben Gadi pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... épouse C..., ressortissante algérienne née le 19 septembre 1985, a sollicité le 10 février 2020 la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ou, à titre subsidiaire, au titre de l'admission exceptionnelle dans le cadre du pouvoir de régularisation du préfet. Par un arrêté du 7 septembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le certificat de résidence ainsi sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai. Elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé.
3. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, à la date de l'arrêté attaqué, Mme B... épouse C... justifie d'une présence habituelle et continue sur le territoire français depuis 2013, avec son époux. Il ressort de ces mêmes pièces que son époux est titulaire, depuis 2021, d'un titre de séjour régulièrement renouvelé et en cours de validité à la date de la décision attaquée, que les deux époux ont en France un enfant inhumé ainsi qu'un enfant né le 22 septembre 2020, et qu'ils exercent tous deux une activité professionnelle en étant chacun titulaire, depuis mars 2021 pour la requérante et depuis août 2018 pour son époux, d'un contrat de travail à durée indéterminée. Dans ces circonstances, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, Mme B... est fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est, par suite, fondée à demander l'annulation de cette décision ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée, qui en procèdent.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué retenu et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme B... un certificat de résidence valable un an portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer ce titre dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre des frais de justice :
6. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2215194/7 du 18 septembre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 7 septembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme B... un certificat de résidence valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., épouse C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04525