Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement.
Par un jugement n° 223391/6 du 10 mai 2023 le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 mai 2023, le 12 juin 2023 et le 9 février 2024, Mme B..., représentée par Me Cloris, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2203391/6 du 10 mai 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision de refus de renouvellement de titre de séjour est entachée d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
L'Office français de l'immigration et de l'intégration, mis en cause par la Cour, a produit des pièces le 7 février 2024 et un mémoire le 20 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante marocaine née le 6 février 1991, est entrée en France en dernier lieu le 8 mars 2010 sous couvert d'un visa de long séjour " étudiant ". Elle a bénéficié de titres de séjour portant la mention " étudiant " jusqu'au 30 novembre 2017, puis d'une carte de séjour temporaire délivrée pour raisons de santé valable du 15 mai 2020 au 14 mai 2021, dont elle a sollicité le renouvellement le 27 mai 2021. Par un arrêté du 28 janvier 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement. Mme B... relève appel du jugement du 10 mai 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...). ".
3. Il résulte des dispositions précitées que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions précitées, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
4. Pour refuser de renouveler le titre de séjour délivré à la requérante, le préfet s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 22 octobre 2021 selon lequel, si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B..., qui a levé le secret médical, souffre d'une forme sévère de la maladie de Crohn, qui a nécessité plusieurs interventions chirurgicales et pour laquelle elle bénéficie d'un traitement par une molécule d'un coût très élevé, et que par ailleurs, après y avoir effectué toute sa scolarité primaire et ses années de collège, elle a résidé régulièrement en France, où elle a suivi des études supérieures, depuis 2010 jusqu'à l'intervention de la décision attaquée, et qu'elle a exercé une activité professionnelle auprès de nombreuses structures privées et publiques d'assistance à la personne. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Elle est, par suite, fondée à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi pour son éloignement, qui en procèdent.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le motif d'annulation retenu implique, pour l'exécution du présent arrêt, que le préfet compétent délivre un titre de séjour à Mme B.... Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2203391/6 du Tribunal administratif de Montreuil du 10 mai 2023 et l'arrêté du 28 janvier 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Saint-Denis et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
-M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.
La rapporteure,
P. HAMON
Le président,
B. AUVRAY
La greffière
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02299 2