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10/04/2024 | FRANCE | N°23PA05082

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 10 avril 2024, 23PA05082


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2214069/6 du 23 novembre 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 16 août 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis

, a enjoint audit préfet ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2214069/6 du 23 novembre 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 16 août 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis, a enjoint audit préfet ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A... dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la Cour :

I) Par une requête enregistrée le 8 décembre 2023 sous le n° 23PA05082, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2214069/6 du 23 novembre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de ce que la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour était illégale pour être fondée sur une décision de refus d'autorisation de travail entachée d'une erreur de fait ;

- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle, d'une erreur de fait, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation, de l'incompétence de l'auteur de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de cette décision en raison de l'illégalité de celle portant refus de délivrance d'un titre de séjour, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation, ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 11 mars 2024, M. A... représenté par Me Gaëlle Maugin, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

2°) d'enjoindre au préfet, à titre principal de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

3°) de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'État au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés et reprend ses moyens de première instance tirés de ce que la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il justifie d'une réelle intégration professionnelle.

Par une ordonnance du 15 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mars 2024 à 12 heures.

II) Par une requête enregistrée sous le n° 23PA05083 le 8 décembre 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2214069/6 du 23 novembre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que les conditions posées, tant par l'article R. 811-15 que par l'article R. 811-17 du code de justice administrative, sont satisfaites dès lors que les moyens qu'il invoque à l'appui de sa requête au fond paraissent sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement ainsi que le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le jugement du Tribunal administratif de Montreuil.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 15 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mars 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 1er avril 2021 fixant la liste des pièces à fournir à l'appui d'une demande d'autorisation de travail ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 15 mars 1983, est entré en France en octobre 2012 selon ses déclarations. Le 10 mars 2022, il a sollicité le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré le 25 mai 2021 pour une durée d'un an en qualité de salarié. Par un jugement du 23 novembre 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 16 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution de la mesure d'éloignement. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution.

Sur la jonction :

2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par le préfet de

la Seine-Saint-Denis étant formés contre un même jugement, présentant à juger des mêmes questions et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 23PA05082 :

En ce qui concerne l'appel principal :

3. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. / (...). " Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-1 de ce code : " (...). / II. - La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur. / (...). " Aux termes de l'article R. 5221-14 du même code : " Peut faire l'objet de la demande prévue au I de l'article R. 5221-1 l'étranger résidant hors du territoire national ou l'étranger résidant en France et titulaire d'un titre de séjour prévu à l'article R. 5221-3. ". Aux termes de l'article R. 5221-15 dudit code : " La demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est adressée au moyen d'un téléservice au préfet du département dans lequel l'établissement employeur a son siège ou le particulier employeur sa résidence ". Enfin, selon les termes de l'article R. 5221-17 du même code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ".

4. Pour refuser de renouveler le titre de séjour délivré à M. A... en qualité de salarié qui était valable jusqu'au 24 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé n'avait pas obtenu l'autorisation de travail prévue à l'article L. 5221-2 du code du travail en dépit de la demande qui lui avait été adressée, et que son dossier était par conséquent incomplet. Comme l'a jugé à bon droit le tribunal, il ressort toutefois des pièces du dossier, qu'en réponse au courriel du 26 avril 2022 par lequel le service instructeur de la préfecture lui demandait d'inviter son employeur à déposer, dans un délai de quinze jours, une demande d'autorisation de travail via le téléservice dédié du ministère de l'intérieur, puis à l'informer de la décision qui serait rendue, la démarche requise a bien été effectuée par son nouvel employeur, le 2 mai 2022, selon les modalités exigées. Il est par ailleurs établi que M. A... en a informé les services préfectoraux par courriel du 3 mai 2022 doublé d'un courrier réceptionné le 6 mai suivant. Le préfet ne saurait également soutenir pour la première fois en cause d'appel que le dossier aurait été incomplet faute de justification d'une demande restée vaine, de production du nouveau contrat de travail alors que le document intitulé " confirmation de dépôt d'une demande d'autorisation de travail " mentionne que le dossier est complet en faisant état des principales caractéristiques de ce nouveau contrat. Par ailleurs, le préfet n'est pas fondé à soutenir qu'il résulterait des dispositions du 4ème de l'article 3 de l'arrêté du 1er avril 2021 susvisé, qui ne concernent en tout état de cause que le renouvellement d'un titre de séjour pour un contrat à durée déterminée identique à celui en cours ou dont l'exécution est poursuivie alors que M. A... bénéficiait d'un nouveau contrat à durée indéterminée, qu'un délai maximum de deux mois aurait dû être respecté par M. A... entre la date du 21 février 2022 de signature de son nouveau contrat et celle du dépôt de la demande d'autorisation.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 16 août 2022.

Sur l'appel incident :

6. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2 du même code.

7. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.

8. M. A..., qui avait demandé à titre principal au tribunal d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de renouveler son titre de séjour, doit être regardé, en demandant en appel le renouvellement de ce titre, comme demandant la réformation du jugement de première instance en tant que le tribunal s'est borné à enjoindre au préfet de réexaminer sa demande.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. M. A..., dont la présence en France est établie depuis octobre 2014, y est entré à l'âge de 31 ans. Il est célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas d'une intégration sociale particulière sur le territoire national et ne soutient pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Par ailleurs, s'il a occupé différents emplois, il n'a été recruté jusqu'à la signature de son dernier contrat de travail à durée indéterminée, que par intérim ou par contrats à durée déterminée, afin d'occuper des emplois ne nécessitant pas de qualification particulière et à temps partiel sur certaines périodes. Dès lors, en dépit de la volonté d'insertion du requérant dans la société française, la décision attaquée n'a pas porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but qu'elle poursuit et, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Pour les mêmes motifs que ce qui précède, en prenant la décision contestée, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

12. Il résulte ainsi de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de renouveler son titre de séjour.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 23PA05083 :

14. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 23PA05082 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 23 novembre 2023, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23PA05083 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis sollicite le sursis à exécution dudit jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23PA05083.

Article 2 : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... A... et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos° 23PA05082, 23PA05083


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05082
Date de la décision : 10/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : MAUGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-10;23pa05082 ?
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