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10/04/2024 | FRANCE | N°23PA05080

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 10 avril 2024, 23PA05080


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé de sa remise aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.



Par un jugement n° 2311993 du 21 novembre 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout autre préfet territorialement compétent de statuer à

nouveau sur le cas de Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé de sa remise aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2311993 du 21 novembre 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout autre préfet territorialement compétent de statuer à nouveau sur le cas de Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de Mme B... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

I) Par une requête n° 23PA05080, enregistrée le 8 décembre 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 novembre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu comme fondé le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il est justifié de la date de saisine des autorités italiennes ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2024, Mme B..., représentée par Me Levy, conclut au rejet de la requête. Elle demande à titre principal qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire qu'il lui soit enjoint de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II) Par une requête n° 23PA05081, enregistrée le 8 décembre 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2311993 du 21 novembre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- il existe une situation d'urgence ;

- il existe un doute sérieux sur le bien-fondé de ce jugement.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2024, Mme B..., représentée par Me Levy, conclut au rejet de la requête. Elle demande également qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (ensemble une annexe), signé à Chambéry le 3 octobre 1997 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Topin,

- et les observations de Me Zaregradsky, substituant Me Levy, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23PA05080 et n° 23PA05081 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Par un arrêté du 26 septembre 2023, le préfet de de la Seine-Saint-Denis a décidé du transfert de Mme B..., ressortissante burkinabaise née le 4 avril 2000, aux autorités italiennes aux fins d'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 21 novembre 2023, dont le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, lui a enjoint, ainsi qu'à tout préfet territorialement compétent, de statuer à nouveau sur le cas de Mme B... et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de cette dernière en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement (...) ". Et aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Par ailleurs, il résulte des dispositions des articles 15, 18 et 19 du règlement (CE) de la Commission du 2 septembre 2003 susvisé que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

4. Pour annuler l'arrêté portant transfert de Mme B... aux autorités italiennes, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a relevé que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'avait pas justifié de la saisine des autorités italiennes de la demande de prise en charge de la demande de protection internationale de Mme B.... Il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet justifie, pour la première fois en appel, avoir saisi les autorités italiennes le 4 mai 2023, ainsi qu'en atteste l'accusé de réception Dublinet, d'une telle demande sur la base des résultats positifs du système Eurodac communiquées le 28 avril 2023. Par suite, Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du 26 septembre 2023.

Sur les autres moyens soulevés par Mme B... :

5. En premier lieu, par un arrêté n° 2023-2213 du 23 août 2023, publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation de signature à M. A... C... à l'effet de signer notamment les décisions de transfert, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été signé d'une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, l'arrêté prononçant le transfert de Mme B... aux autorités italiennes vise en particulier le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le règlement n° 1560/2003 portant modalité d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile ainsi que le règlement n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales. Il précise notamment que l'intéressée, entrée irrégulièrement sur le territoire français, a déposé une demande d'asile le 28 mars 2023, que le résultat de la consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes avaient été relevées par les autorités italiennes le 27 mars 2023, que l'intéressée a franchi irrégulièrement la frontière italienne en provenance d'un pays tiers. Il fait mention de ce que les autorités italiennes, saisies d'une demande de prise en charge en application des articles 21 et 22 du règlement (UE) n° 604/2013 implicitement acceptée le 4 juillet 2013, sont responsables de l'examen de la demande d'asile en application de l'article 13 de ce même règlement et indique que la situation de Mme B... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 17 ou 17.2 du même règlement. La décision attaquée est, dans ces conditions, suffisamment motivée.

7. En troisième lieu, il ne ressort ni de l'arrêté attaqué, ni des autres pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B....

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 5. L'entretien individuel (...) est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...)".

9. Il ressort du résumé de l'entretien individuel que Mme B... a bénéficié d'un entretien individuel le 28 avril 2023 conduit par un agent de la préfecture de la Seine-Saint-Denis qui est, contrairement à ce qui est soutenu, identifiable par ses initiales mentionnées sur le compte-rendu et qui avait pour objet la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile au regard de sa situation conformément aux dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors que, par ailleurs, aucune pièce du dossier ne permet de conclure que cet agent n'aurait pas été qualifié. Si l'intéressée soutient également que le compte-rendu ne reprend pas certaines informations importantes qu'elle aurait communiquées lors de cet entretien, elle ne précise pas les éléments dont elle aurait alors fait part et qui auraient dû, selon elle, figurer sur ce compte-rendu, qu'elle a, au demeurant, signé sans observations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 : " 1. Lorsque, en vertu de l'article 18, paragraphe 7, ou de l'article 20, paragraphe 1, point c), du règlement (CE) n° 343/ 2003, selon le cas, l'Etat membre requis est réputé avoir acquiescé à une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, il incombe à l'Etat membre requérant d'engager les concertations nécessaires à l'organisation du transfert. / 2. Lorsqu'il en est prié par l'Etat membre requérant, l'Etat membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse. L'Etat membre responsable est tenu de prendre dans les meilleurs délais les dispositions nécessaires pour déterminer le lieu d'arrivée du demandeur et, le cas échéant, convenir avec l'Etat membre requérant de l'heure d'arrivée et des modalités de la remise du demandeur aux autorités compétentes ".

11. La méconnaissance de l'obligation instituée par le 2 de cet article, qui incombe à l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, en l'espèce les autorités italiennes, est sans incidence sur la légalité de la décision de transfert, dès lors que cet Etat membre doit être regardé, en vertu du 1 du même article, comme ayant implicitement accepté la demande formulée par les autorités françaises. Le moyen tiré de la violation du 2 de l'article 10 du règlement du 2 septembre 2003 doit dès lors être écarté comme inopérant.

12. En sixième lieu, Mme B... ne peut pas plus utilement se prévaloir des stipulations de l'accord conclu entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne, relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, dont ne relèvent pas les ressortissants des Etats-tiers auxquels s'appliquent le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

13. En septième lieu, si Mme B... soutient que l'arrêté attaqué porterait atteinte à sa vie privée et familiale, au regard du caractère récent de son arrivée en France, des seules relations amicales nouées et de la présence en France de deux de ses cousins qu'elle fait valoir, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.

/ 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. (...) ". Par ailleurs, l'article 17 du même règlement prévoit que : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) " et aux termes du dernier alinéa de l'article L. 571-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. " 13. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraîneraient un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

14. Mme B... soutient que sa demande d'asile ne pourra être traitée convenablement en Italie du fait des défaillances de cet État dans ce domaine. Toutefois, ni la circulaire du ministre de l'intérieur du 5 décembre 2022 par laquelle la présidente du Conseil italien a annoncé à ses homologues européens une " suspension temporaire " des transferts à destination de l'Italie en raison de motifs techniques liés à la saturation des centres d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, ni la documentation produite à l'appui de sa requête ne peuvent suffire à établir que sa propre demande ne sera pas examinée dans ce pays selon des modalités conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile. Elle n'établit pas plus qu'elle y serait soumise à des traitements inhumains ou dégradants en se bornant à soutenir que des amis de son mari qu'elle indique avoir fui en raison de violences conjugales se trouveraient sur le territoire italien. Enfin, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de sa situation au regard de l'article 17 du même règlement compte tenu de son récit, de son âge et de son parcours d'exil. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que l'article 17 du même règlement du 26 juin 2013 et l'article L. 571-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 26 septembre 2023 décidant le transfert de Mme B... aux autorités italiennes, lui a enjoint, ainsi qu'à tout préfet territorialement compétent, de statuer à nouveau sur le cas dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Montreuil ainsi que ses conclusions d'appel, y compris, par voie de conséquence, celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 23PA05081 :

16. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 23PA05080 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement du 21 novembre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23PA05081 par laquelle le préfet de Seine-Saint-Denis sollicite de la Cour le sursis à exécution de ce jugement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que Mme B... réclame au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23PA05081 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du 21 novembre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme E... B....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2024.

La présidente-rapporteure,

E. TOPINL'assesseur le plus ancien,

F. MAGNARD

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

Nos 23PA05080-23PA05081 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05080
Date de la décision : 10/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-10;23pa05080 ?
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