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10/04/2024 | FRANCE | N°23PA02818

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 10 avril 2024, 23PA02818


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision par laquelle le maire de l'Haÿ-les-Roses a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à la commune de l'Haÿ-les-Roses de procéder au retrait de son dossier administratif d'un rapport syndical et de condamner la commune de l'Haÿ-les-Roses à lui verser la somme globale de 33 600 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison d'agiss

ements fautifs à son encontre, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision par laquelle le maire de l'Haÿ-les-Roses a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à la commune de l'Haÿ-les-Roses de procéder au retrait de son dossier administratif d'un rapport syndical et de condamner la commune de l'Haÿ-les-Roses à lui verser la somme globale de 33 600 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison d'agissements fautifs à son encontre, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019.

Par un jugement n° 1908082-5 du 11 mai 2023, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 13 mai 2019 du maire de l'Haÿ-les-Roses refusant la demande de protection fonctionnelle présentée par Mme A..., a condamné la commune de l'Haÿ-les-Roses à verser à celle-ci la somme de 2 000 euros en ce compris les intérêts au taux légal, outre la somme de

1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des demandes de la requérante.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, la commune de l'Haÿ-les-Roses, représentée par Me Olivier Magnaval doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1908082-5 du 11 mai 2023 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter les demandes de Mme A... devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les faits allégués par Mme A..., relatifs à un contexte de travail " pernicieux " auquel celle-ci aurait été confrontée après sa promotion au poste de responsable du pôle administratif et financier, étaient de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral sans accompagnement approprié de la part de sa hiérarchie, en ont déduit que les mesures mises en place étaient insuffisantes et que l'intéressée devait bénéficier de la protection fonctionnelle au sens des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 alors applicable ; les faits allégués ne s'analysent en effet pas en des faits de harcèlement moral mais en des relations conflictuelles entre collègues de travail qui n'entrent pas dans le champ d'application des articles 6 quinquies et 11 de la loi du 13 juillet 1983 alors en vigueur ;

- pour le surplus, les moyens dirigés contre la décision refusant d'accorder à Mme A... le bénéfice de la protection fonctionnelle, tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'insuffisance de motivation, d'une erreur de fait, d'une erreur de qualification juridique des faits et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, alors applicable, ne sont pas fondés ;

- la décision refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle n'étant pas illégale et en l'absence de faute de nature à engager sa responsabilité, la demande d'indemnisation présentée par l'intéressée doit être rejetée.

Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 26 octobre 2023, Mme A... représentée par Me Alice Lerat doit être regardée comme concluant :

1°) au rejet de la requête et à la confirmation du jugement du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a annulé la décision de rejet de sa demande de protection fonctionnelle ;

2°) à la réformation de ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires au-delà de la somme de 2 000 euros et à fin d'injonction ;

3°) à la condamnation de la commune de l'Haÿ-les-Roses à lui verser la somme totale de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis en raison d'agissements fautifs à son encontre, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019 ;

4°) à ce qu'il soit enjoint à la commune de l'Haÿ-les-Roses de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de l'Haÿ-les-Roses la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il retient qu'elle ouvrait droit au bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- dans le cadre d'un appel incident, elle est fondée à soutenir que la décision de mutation dont elle a fait l'objet le 20 décembre 2018, qui lui fait grief -en ce qu'elle entraîne un déclassement, une perte de responsabilités et une baisse de rémunération- et s'analyse en une sanction disciplinaire déguisée suite à l'altercation du 7 décembre 2018 dont elle a été tenue pour responsable, participe au harcèlement moral dont elle a été victime, est illégale comme entachée d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation ainsi que de détournement de pouvoir et de procédure ;

- au titre du bénéfice de la protection fonctionnelle, l'indemnisation du préjudice moral subi doit être portée de la somme de 2 000 euros à celle de 7 000 euros ; les troubles dans les conditions d'existence dont elle a souffert doivent être indemnisés à hauteur de la somme de 7 000 euros ; l'atteinte à sa réputation professionnelle -consécutive aux rumeurs dont elle a fait l'objet et aux rapports des syndicats, aux témoignages la mettant en cause et à l'absence de soutien- à celle de 6 000 euros ; en réparation de la faute commise par la commune de l'Haÿ-les-Roses du fait de l'illégalité fautive de la décision de mutation, elle ouvre également droit au versement des sommes de 6 000 euros au titre du préjudice moral et de 4 000 euros au titre du préjudice financier.

Par une ordonnance du 30 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Safatian substituant Me Magnaval représentant la commune de l'Haÿ-les-Roses ainsi que celles de Me Lerat représentant Mme A....

Une note en délibéré, enregistrée le 30 mars 2024, a été présentée pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée le 3 février 2003 par la commune de l'Haÿ-les-Roses, en qualité d'adjointe administrative territoriale, pour exercer les fonctions d'agente d'accueil. Titularisée le 1er août 2004, à compter du 1er janvier 2015, elle a été affectée au sein de la direction des services techniques et a été nommée, le 2 novembre 2016, responsable du pôle administratif et financier au sein de cette direction. Par courrier du 25 octobre 2018, la commune de l'Haÿ-les-Roses a changé son affectation et l'a nommée assistante de gestion administrative et financière. Par décision du 20 décembre suivant, Mme A... a été affectée, à compter du 2 janvier 2019, en qualité d'agente d'accueil au centre municipal de santé. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mai 2019 réceptionnée le lendemain par son destinataire, Mme A... a, d'une part, adressé au maire de l'Haÿ-les-Roses une demande de protection fonctionnelle et, d'autre part, sollicité l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis " du fait des fautes et illégalités commises par la Commune de l'Haÿ-les-Roses ". Ces demandes ont été rejetées par un courrier, non daté, du maire de l'Haÿ-les-Roses. Par jugement du 11 mai 2023, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du maire de l'Haÿ-les-Roses refusant la demande de protection fonctionnelle présentée par l'agente le 13 mai 2019 et a condamné la commune à verser à cette dernière la somme de 2 000 euros " tous intérêts au taux légal compris ". La commune de l'Haÿ-les-Roses relève appel de ce jugement en tant qu'il annule sa décision portant refus de protection fonctionnelle et qu'il fait partiellement droit à la demande d'indemnisation de Mme A.... Par un appel incident, celle-ci demande à la Cour de porter la somme allouée par le tribunal à titre de dommages-intérêts à la somme totale de 30 000 euros.

Sur la décision refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le jugement contesté :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi alors applicable, désormais codifié aux articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique : " I. - A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. / (...) IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".

3. D'une part, ces dispositions établissent à la charge des collectivités publiques dont dépendent des fonctionnaires et à leur profit, lorsqu'ils sont mis en cause ou ont été victimes d'attaques, de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages à l'occasion de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général.

Des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre, à l'agent public qui en est l'objet, d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions précitées.

4. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, notamment lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. En outre, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

5. En l'espèce, le tribunal administratif a considéré comme établie la réalité du climat de travail délétère et pernicieux à l'origine de nombreux arrêts de travail pour syndrome anxiodépressif, dénoncé par Mme A... à partir de sa promotion en 2016 en tant que responsable du pôle administratif et financier nouvellement créé. Il a ainsi retenu, d'une part, les propos humiliants et déplacés tenus à son égard par un agent de la commune, le 26 ou 27 septembre 2017, lui imputant des relations " privées " avec plusieurs de ses supérieurs hiérarchiques et procédant par allusions à caractère sexuel, d'autre part, des manquements ostensibles de la part de ses subordonnées au devoir d'obéissance hiérarchique, leur comportement rétif, irrespectueux et agressif, voire diffamatoire, insultant et malveillant, à son encontre ainsi que des réflexions déplacées sources d'incidents signalés par rapports, courriels ou notes et n'ayant pas donné lieu enquête administrative. Faute pour la commune de présenter une argumentation de nature à démontrer que de tels agissements auraient été justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement, après avoir estimé que ces derniers avaient pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail de Mme A... et de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, et été à l'origine de multiples arrêts de travail, avaient eu pour effet d'altérer la santé de celle-ci, il aannulé la décision contestée.

6. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que l'incident isolé de septembre 2017, détachable par sa nature et chronologiquement des incidents ultérieurs, a fait l'objet d'une réaction immédiate de la part de la hiérarchie qui a convoqué l'auteur des propos incriminés, sans qu'il soit établi que ce comportement ait ensuite été réitéré. D'autre part, les autres incidents rapportés par Mme A... à sa hiérarchie par trois rapports remis les 8 et 27 janvier 2018 puis le 2 juillet 2018, caractérisent un contexte de travail conflictuel avec en particulier une agente placée sous ses ordres qui a manifesté son hostilité à la manière dont Mme A... dirigeait son service. Si l'intéressée rapporte qu'à son retour de vacances, les manifestations de défiance à son égard se sont accentuées, aucun élément de preuve n'est apporté à ce sujet, pas plus que sur les propos malveillants à son égard qu'aurait tenus un autre agent du service le 2 octobre 2018. Par ailleurs, la commune a entrepris de réunir le personnel de son service lorsque le management de Mme A... a été mis en cause par voie syndicale en septembre 2018 et a décidé d'affecter celle-ci à un autre poste, peu après une altercation avec un syndicaliste qui aurait tenu des propos injurieux en croisant l'intéressée le 7 décembre 2018. Dans ces conditions, les éléments établis par Mme A... ne permettent pas, au regard de leurs nature, fréquence et intensité, de les regarder comme des indices de nature à caractériser un harcèlement moral de la part de ses subordonnées, quand bien même la passivité de certaines agentes et la contestation de ses directives ont pu être ressenties comme des atteintes à son autorité et nuire à son bien-être au travail.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de l'Haÿ-les-Roses est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a estimé que la décision de refus du bénéfice de la protection fonctionnelle était entachée d'erreur d'appréciation.

8. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal et la Cour.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés devant le tribunal et la Cour :

9. En premier lieu, la décision attaquée a été signée par M. C... B..., directeur général des services. Ce dernier a reçu, par un arrêté du maire du 8 janvier 2019, délégation de signature à l'effet de signer " tous les actes, tous courriers et documents en matière de personnel et de ressources humaines, y compris lorsqu'il s'agit d'un refus ou d'une acceptation de toute nature et quel qu'en soit le motif ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit être écarté.

10. En deuxième lieu, la décision contestée, qui vise l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, qui reprend les différents faits invoqués et détaille les raisons pour lesquelles la commune a considéré que le harcèlement moral invoqué n'est pas caractérisé, est suffisamment motivée.

11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de qualification juridique des faits doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de l'Haÿ-les-Roses est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision par laquelle son maire a rejeté la demande de Mme A... tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle. L'article 1er de ce jugement doit par suite être annulé et la demande présentée par Mme A... à ce titre devant ce tribunal et la Cour doit être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la responsabilité de la commune de l'Haÿ-les-Roses :

En ce qui concerne le refus d'octroi de la protection fonctionnelle en raison des agissements subis :

13. Il résulte de ce qui précède que le refus d'accorder à Mme A... la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral ne présente pas un caractère fautif de nature à engager la responsabilité de la commune.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'obligation de protection de la santé et de la sécurité au travail :

14. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires aujourd'hui codifié à l'article L. 136-1 du code général de la fonction publique : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ".

15. Si Mme A... soutient que la commune a commis une faute en ne prenant pas de mesures pour protéger sa santé, il ne résulte pas de l'instruction, au regard notamment des éléments mentionnés précédemment et de la circonstance que l'intéressée a été mutée hors du service de gestion administrative et financière à compter du 1er janvier 2019, que la collectivité aurait méconnu l'obligation résultant des dispositions de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 à laquelle elle est tenue, la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont souffre Mme A... ne pouvant suffire, à elle seule, à établir le manquement invoqué. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune de l'Haÿ-les-Roses à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis au titre de la méconnaissance par celle-ci de ses obligations en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses agents.

En ce qui concerne l'absence d'audition de Mme A... dans le cadre d'une enquête administrative et de l'absence de communication à cette dernière du rapport syndical :

16. Il ne résulte pas de l'instruction que la commune de l'Haÿ-les-Roses ait manqué à une quelconque obligation en ne procédant pas à l'audition de Mme A... dans le cadre d'une enquête administrative, ou en tardant à lui communiquer le rapport du syndicat CGT au regard de son contenu.

En ce qui concerne l'absence de transmission du dossier de Mme A... à la commission administrative paritaire (CAP) aux fins d'avancement :

17. Mme A... n'établissant pas remplir les conditions pour obtenir un avancement et ne tirant aucun droit des pièces dont elle se prévaut, elle n'est pas fondée à soutenir que l'absence de transmission de son dossier à la CAP serait fautive.

En ce qui concerne l'illégalité de la décision du 20 décembre 2018 prononçant l'affectation de Mme A... en qualité d'agente d'accueil au centre municipal de santé :

18. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 20 décembre 2018.

19. En deuxième lieu, une mesure revêt le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

20. Il résulte toutefois de l'instruction que la décision du 20 décembre 2018 prononçant l'affectation litigieuse, quand bien même ferait-elle suite à une nouvelle altercation, ne repose pas sur des motifs tenant au comportement de Mme A... et ne révèle pas l'intention de la part de la commune de l'Haÿ-les-Roses de la sanctionner mais constitue une mesure prise dans l'intérêt du service, destinée à mettre un terme aux tensions internes affectant le service et à préserver la santé de l'intéressée dans un contexte où celle-ci avait manifesté son intention de se tenir éloignée de ses collaboratrices et où sa demande de bénéficier d'un bureau éloigné de ces agentes n'était pas matériellement et techniquement envisageable. Prise ainsi dans un but d'intérêt général et ne présentant pas le caractère de sanction disciplinaire déguisée, une telle mutation ne saurait être regardée comme entachée de vices de procédure, d'un détournement de pouvoir, ou d'un détournement de procédure.

21. En dernier lieu, les décisions de mutation dans l'intérêt du service n'étant pas au nombre de celles qui doivent être obligatoirement motivées, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence de faute commise par la commune, la demande indemnitaire présentée par Mme A... devant ce tribunal et la Cour doit être rejetée et les articles 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Melun doivent également être annulés.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de l'Haÿ-les-Roses, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme A... une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... une somme au titre des frais exposés par la commune de l'Haÿ-les-Roses au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1 à 3 du jugement n° 1908082-5 du 11 mai 2023 du Tribunal administratif de Melun sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel de Mme A... sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de l'Haÿ-les-Roses sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de l'Haÿ-les-Roses et à Mme D... A....

Délibéré après l'audience du 27 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne à la préfète du Val-de-Marne, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02818 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02818
Date de la décision : 10/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SELARL CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-10;23pa02818 ?
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