Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 février 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai ainsi que l'arrêté du même jour lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2302721/4-2 du 11 avril 2023, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 mai 2023, M. B... représenté par Me Raphaëlle Aucher, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 avril 2023 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et faisant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois du 5 février 2023 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions l'obligeant à quitter le territoire et lui refusant un délai de départ volontaire sont entachées d'un défaut de motivation ;
- elles n'ont pas été précédées d'un examen de sa situation personnelle ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 janvier 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 11 mars 1984, est entré en France le 12 février 2017 selon ses déclarations. Par arrêtés du 5 février 2023, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. M. B... relève appel du jugement du 11 avril 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sur les moyens communs aux décisions attaquées :
2. Les décisions attaquées, qui n'avaient pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle du requérant, visent les textes dont il est fait application notamment les dispositions et stipulations applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles précisent l'identité, la date et le lieu de naissance de M. B..., ainsi que sa nationalité. Elles rappellent en outre les principales considérations relatives à la situation de ce dernier notamment ses conditions d'entrée et de séjour en France et le fait que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. S'agissant des décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français, le préfet mentionne également dans quels cas susceptibles de justifier ces mesures se trouve M. B... et précise les éléments de fait qui motivent ces décisions, à savoir l'entrée irrégulière du requérant en France, l'intention que celui-ci a manifestée de ne pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français, la nature et l'absence d'intensité de ses liens avec la France ainsi que la circonstance qu'il n'y justifie pas d'une résidence effective et permanente. Par suite, les décisions contestées sont suffisamment motivées et leur motivation révèle qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation du requérant.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
5. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis février 2017, de ce qu'il y exerce un emploi depuis trois ans et est soutenu par son employeur, de ce qu'il n'a jamais représenté une menace à l'ordre public, de ce qu'il dispose d'une adresse personnelle et de ce qu'il s'apprêtait à déposer une demande de régularisation de sa situation administrative auprès de la préfecture à la date de la décision contestée. A supposer même sa date d'entrée en France et la continuité de son séjour depuis lors établies, il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, que sa présence sur le territoire national n'en reste pas moins récente, d'autre part, que son recrutement depuis juillet 2020 l'a été par contrat à durée déterminée pour un emploi non qualifié, non déclaré avant février 2023, qui lui a procuré un revenu net moyen mensuel de l'ordre de 1 015 euros en 2020, de 1 059 euros en 2021 et de seulement 624 euros en 2022. Célibataire et sans enfant, l'intéressé ne justifie enfin pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusque l'âge de 33 ans au moins. Dans ces circonstances, eu égard notamment aux conditions de l'entrée et du séjour en France de M. B..., la mesure d'éloignement contestée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
6. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
7. En premier lieu, le préfet de police a refusé d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire aux motifs qu'il existe un risque qu'il se soustrait à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, dès lors que l'intéressé ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français et qu'il ne présente pas de garanties de représentation en ce qu'il n'a pas apporté la preuve d'un lieu de résidence où il demeure de manière stable et effective. Si M. B... soutient qu'il justifie de garanties de représentations suffisantes et que le risque de fuite n'est pas établi par les pièces qu'il produit, il ne justifie pas que les motifs de la décision attaquée seraient erronés.
8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation doivent être également écartés.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
10. Pour prendre à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet s'est fondé, d'une part, sur la circonstance que la présence en France de l'intéressé depuis novembre 2017 n'était pas justifiée, d'autre part, sur le fait qu'il ne justifie pas de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés en France.
11. Ainsi qu'il a été dit au point 5, l'entrée en France du requérant, en février 2017, est en tout état de cause récente, tout comme son emploi. Dans ces conditions, compte-tenu de la durée de présence de M. B... sur le territoire français ainsi que de la nature de ses liens avec la France, c'est sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, ni méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le préfet a pu prononcer à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Topin, présidente,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2024.
La rapporteure,
M-D. JAYERLa présidente,
E. TOPIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02052 2