Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société RC Transformation a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 2010 à 2012.
Par un jugement n° 2009027/2-3 du 7 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 septembre 2022 et 7 mars 2023, la société RC Transformation, représentée par Me Dominique Richard demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses résultant des rehaussements afférents à l'abandon de créance de 55 851 euros non comptabilisée et à la minoration d'actif de 10 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a commis une erreur comptable en ne créditant pas, au moment du règlement de la somme de 10 000 Euros par M. A..., son compte courant d'associé et en créditant à la place un compte d'immobilisation ;
- ses écritures erronées n'ont eu aucune incidence sur l'actif net ;
- l'administration n'a pas apporté la preuve de la minoration d'actif à hauteur de 55 851 euros ;
- la cession des titres Infodit ayant été annulée, elle n'avait plus de dette vis-à-vis de la société AGC Conseils et on ne peut donc constater une diminution du passif exigible, ni un abandon de créance ;
- le produit en cause aurait dû être taxé au titre de l'année 2010.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 8 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société RC Transformation, qui exerce une activité de formation professionnelle, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle le service a, par une proposition de rectification du 5 août 2013, rehaussé son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés. La société RC Transformation s'est vu notifier des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des années 2010 à 2012. Elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de ces impositions.
Sur la minoration d'actif de 10 000 euros au titre de l'exercice clos en 2010 :
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies (...) ".
3. Conformément à un procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire de la société AGC Conseils du 30 septembre 2006, la société RC Transformation a acquis les titres de la société Infodit pour un montant de 196 792 euros, qu'elle n'a jamais acquitté, seul M. A..., son représentant légal, ayant réglé un montant de 10 000 euros. Le service a relevé, dans la comptabilité de la société requérante, que les titres de participation de la société Infodit étaient inscrits au bilan d'ouverture de l'exercice 2010, immobilisés au compte 261000 pour un montant de 186 792 euros et que ce compte avait été compensé à la clôture de l'exercice avec la dette restant constatée de 186 792 euros à l'égard de la société AGC Conseils. Le service a estimé qu'en vertu du procès-verbal du conseil d'administration de la société AGC Conseils du 30 septembre 2006, les titres de la société Infodit ne pouvaient qu'être inscrits à l'actif de la société requérante pour leur prix d'acquisition de 196 792 euros et que compte tenu de la dette demeurant à l'égard de la société AGC Conseils, la société RC Transformation avait minoré son actif de 10 000 euros.
4. Pour contester ce rehaussement, la société requérante soutient avoir commis une erreur comptable en enregistrant en diminution de la valeur immobilisée de la société Infodit, le règlement de 10 000 euros de M. A... et en ne constatant pas, au passif de son bilan de clôture de l'exercice clos en 2010, premier exercice non prescrit, la dette à l'égard de ce dernier résultant de ce qu'il avait pris en charge à hauteur de ce montant la dette de la société RC Transformation à l'égard de la société AGC Conseils. Le ministre ne conteste pas que M. A... a effectivement réglé cette dette à hauteur de 10 000 euros et, par suite, pas la réalité de cette erreur. En se bornant à mettre en exergue la profession d'expert-comptable exercée par M. A..., il n'apporte pas d'élément permettant de constater que l'erreur comptable ainsi commise aurait un caractère délibéré, alors que cette erreur, qui a consisté à créditer un compte d'immobilisation au lieu d'un compte de dettes, n'a pas eu d'effet sur l'actif net de l'entreprise. Ainsi, la société est fondée à soutenir qu'elle n'a pas minoré son actif net à hauteur de 10 000 euros et que l'administration ne pouvait procéder au rehaussement correspondant du bénéfice imposable sur le fondement de l'article 38 du code général des impôts.
Sur l'abandon de créance non comptabilisé de 55 851 euros au titre de l'exercice clos en 2011 :
5. Il résulte de l'instruction que lors de l'assemblée générale ordinaire du 16 décembre 2011 de la société AGC Conseils, et compte tenu de l'ancienneté de la créance détenue du fait de la cession des titres de la société Infodit sur la société RC Transformation et que celle-ci n'avait pas les moyens d'honorer, les associés de la société AGC Conseils ont décidé de consentir un abandon partiel de créance à hauteur de 55 851 euros, montant égal aux provisions 2007, 2008, 2009 déjà constituées. Cet abandon de créances, qui constitue un produit pour la société RC Transformation, a été à bon droit intégré par l'administration dans le résultat taxable de cette dernière. En se bornant à faire valoir ses propres écritures comptables et le procès-verbal de son assemblée générale du 16 décembre 2010 faisant état de ses difficultés financières et décidant l'annulation à son bilan de la dette vis-à-vis de la société AGC Conseils et de l'actif correspondant, et à se prévaloir, sans au demeurant le produire, du registre des mouvements de titre de la société Infodit, la société requérante ne met pas la Cour en mesure de constater que la vente de la société Infodit à la société RC Transformation avait été effectivement annulée, et que, comme elle le soutient, la dette de la société RC Transformation à l'égard de la société AGC Conseils n'ayant plus lieu d'être, la créance détenue par cette dernière ne pouvait être abandonnée. L'abandon de créances ayant été consenti par la société AGC Conseils au cours de l'exercice clos en 2011, le produit correspondant a été à bon droit réintégré au compte de résultat par l'administration au titre de ladite année, sans que la société puisse utilement se prévaloir, dans l'hypothèse où le caractère fictif de l'annulation de la vente serait établi, de ce qu'elle aurait à tort omis de comptabiliser la dette à l'égard d'AGC au bilan de clôture de l'exercice précédent et de ce qu'en conséquence c'est au titre de ce dernier exercice que le produit aurait dû être constaté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à demander la réduction de sa base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2010 à hauteur de 10 000 euros, la décharge de l'imposition correspondante et la réformation en ce sens du jugement attaqué. Pour le surplus des conclusions à fin de décharge, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la société requérante sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La base imposable à l'impôt sur les sociétés de la société RC Transformation au titre de l'exercice clos en 2010 est réduite de 10 000 euros.
Article 2 : La société RC Transformation est déchargée des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2010 à hauteur de la réduction de base prononcée à l'article précédent.
Article 3 : Le jugement n° 2009027/2-3 du 7 juillet 2022 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société RC Transformation et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Topin, présidente,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2024.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
E. TOPIN
Le greffier,
C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04057 2