Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite du 10 février 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande tendant au bénéfice d'un avancement à titre exceptionnel en application de l'article 36 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995, d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2100822 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 août 2023, et un mémoire du 14 février 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Lemoine, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100822 du 23 mai 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision implicite du 10 février 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande tendant au bénéfice d'un avancement à titre exceptionnel ;
3°) d'enjoindre, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, à sa hiérarchie de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'erreur de droit en ce qu'il estime, d'une part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne nécessitait la saisine de la commission administrative paritaire (CAP) préalablement à la décision contestée de refus d'avancement à titre exceptionnel et, d'autre part, que la décision attaquée n'avait pas méconnu l'article 36 du décret du 9 mai 1955 ;
- la décision du 10 février 2020 est entachée d'un vice de procédure, faute de saisine préalable de la CAP en application de l'article 36 du décret du 9 mai 1995 ;
- la décision du 10 février 2020 est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article 36 du décret du 9 mai 1995 dès lors qu'il a accompli un acte de bravoure malgré l'absence de matériel adapté et qu'il a été gravement blessé dans l'accomplissement de cet acte, y compris sur le plan psychologique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir, en se référant à sa défense de première instance, que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dubois ;
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ;
- et les observations de Me Lemoine pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est gardien de la paix titulaire depuis janvier 2015, affecté à la brigade anticriminalité d'Aulnay-sous-Bois entre septembre 2017 et avril 2020. A la suite d'une intervention menée le 2 août 2019 en vue de l'interpellation d'un voleur receleur de moto-cross, il a été victime d'un accident consécutif à une chute survenue alors qu'il tentait de ramener le véhicule volé au commissariat. Par courrier du 10 décembre 2019, il a sollicité auprès de sa hiérarchie le bénéfice d'un avancement exceptionnel sur le fondement des dispositions de l'article 36 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale. Du silence gardé sur cette demande à l'issue d'un délai de deux mois est née une décision implicite de rejet dont M. B... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Montreuil. Il relève régulièrement appel du jugement n° 2100822 du 23 mai 2023 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal aurait entaché sa décision d'une erreur de droit ou d'appréciation pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 36 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I. - A titre exceptionnel, et nonobstant toutes dispositions contraires des statuts particuliers, les fonctionnaires actifs des services de la police nationale peuvent, après avis de la commission administrative paritaire, faire l'objet des dispositions suivantes : / a) S'ils ont accompli un acte de bravoure dûment constaté dans l'exercice de leurs fonctions, ils peuvent être promus à l'un des échelons supérieurs de leur grade ou à la classe, ou au grade immédiatement supérieur. S'ils ont été mortellement ou grièvement blessés dans ces mêmes circonstances, ils peuvent en outre être nommés dans un corps hiérarchiquement supérieur. / b) S'ils ont été grièvement blessés dans l'exercice de leurs fonctions, ils pourront être promus à l'un des échelons supérieurs, à la classe ou au grade immédiatement supérieur. S'ils ont été mortellement blessés dans les mêmes circonstances, ils pourront en outre être nommés à titre posthume dans un corps hiérarchiquement supérieur (...) ".
4. D'une part, si les dispositions précitées imposent à l'autorité administrative compétente de saisir la commission administrative paritaire préalablement à toute décision d'octroi d'un avancement exceptionnel, elles n'imposent toutefois pas la saisine de cette commission lorsque l'autorité hiérarchique n'envisage pas d'accorder un tel avantage. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision implicite attaquée n'aurait pas été précédée d'une saisine de la commission administrative paritaire doit être écarté.
5. D'autre part, pour soutenir qu'il a droit au bénéfice d'un avancement exceptionnel, M. B..., qui ne précise pas si sa demande se fonde sur le a) ou le b) des dispositions citées au point 3 du présent arrêt, soutient qu'il a été blessé lors d'une opération de police menée le 2 août 2019. Il explique avoir été, au cours de celle-ci, contraint de conduire un véhicule moto-cross saisi lors de l'interpellation d'un voleur receleur afin de permettre à son équipe d'échapper à un affrontement avec un groupe hostile, constitué d'une trentaine de personnes en provenance de la cité Rougemont à Sevran. Il affirme avoir chuté à faible vitesse en ligne droite en reconduisant le véhicule au commissariat, la chute occasionnant sept jours d'arrêt de travail en raison d'une plaie à la malléole externe de la cheville gauche et d'une brûlure au premier degré à l'avant-bras gauche. Toutefois, et à supposer que M. B... ait entendu fonder sa demande sur les dispositions précitées du a) de l'article 36 du décret du 9 mai 1995, pour méritoire que soit l'intervention menée par la brigade anticriminalité et par M. B... qui était ce jour-là son chef de bord, les faits ainsi relatés ne permettent pas de considérer que l'autorité hiérarchique aurait entaché son appréciation d'une erreur manifeste en refusant de regarder l'action ainsi accomplie comme un acte de bravoure. D'autre part, à supposer que M. B... ait entendu se prévaloir des dispositions précitées du b) du même article 36, les blessures dont il a été victime, pour regrettables qu'elles soient, ne sauraient permettre de le regarder comme ayant été grièvement blessé dans l'exercice de ses fonctions. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision refusant à M. B... le bénéfice d'un avancement exceptionnel serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête introduite en première instance, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Marjanovic, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;
- M. Gobeill, premier conseiller ;
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 avril 2024.
Le rapporteur,
J. DUBOISLe président,
V. MARJANOVIC
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA03756 2