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05/04/2024 | FRANCE | N°23PA01698

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 05 avril 2024, 23PA01698


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Universal Investment Gesellschaft mbH, agissant pour le compte du fonds SPM 2006-Universal-Fonds, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2011 et 2012, à hauteur de 57 787,22 euros.



Par une ordonnance n° 2112851 du 23 décembre 2022, le président de la 7ème chambre de ce tribunal lui a donné acte du désistem

ent de sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 21...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Universal Investment Gesellschaft mbH, agissant pour le compte du fonds SPM 2006-Universal-Fonds, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2011 et 2012, à hauteur de 57 787,22 euros.

Par une ordonnance n° 2112851 du 23 décembre 2022, le président de la 7ème chambre de ce tribunal lui a donné acte du désistement de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, et des mémoires, enregistrés les

16 mai et 7 novembre 2023, la société Universal Investment Gesellschaft mbH, agissant pour le compte du fonds SPM 2006-Universal-Fonds et représentée par Me Robert, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2112851 rendue le 23 décembre 2022 par le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'ordonner la restitution, assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L.208 du livre des procédures fiscales, des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2011 et 2012, à hauteur de 56 494,24 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a fait un usage abusif des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, dès lors que le délai d'un mois qui lui a été imparti par le courrier du 7 novembre 2022 pour confirmer expressément le maintien de ses conclusions était insuffisant, compte tenu tant de la localisation hors de France de son siège social que de la complexité du dossier ;

- le président de la formation de jugement n'était pas légalement tenu, au regard des dispositions de l'article R.222-1 du code de justice administrative, de constater le désistement d'office de sa demande, alors qu'en déposant un mémoire complémentaire le 12 décembre 2022, soit quelques jours seulement après l'expiration du délai qui lui était imparti, elle a manifesté sa volonté de maintenir la procédure ;

- l'ordonnance attaquée est incompatible avec les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- sa demande doit être accueillie au fond, sa qualité de fonds d'investissement comparable à un OPCVM français étant établie et la justification du montant des retenues en litige étant apportée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que la demande de la société appelante ne soit admise qu'à hauteur de la somme de 56 494,24 euros.

Il fait valoir :

- qu'il s'en remet à la sagesse de la Cour quant à la régularité de l'ordonnance attaquée ;

- en l'état de l'instruction, la comparabilité avec un OPCVM français est établie ;

- la chaine de paiement est justifiée pour la totalité des sommes en litige, sauf à concurrence de 1 292,98 euros au titre de l'année 2011.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marjanovic ;

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit allemand Universal Investment Gesellschaft mbH, agissant pour le compte du fonds SPM 2006-Universal-Fonds, a fait l'objet d'une imposition en France par voie de retenue à la source sur des dividendes de source française distribués pour les années 2011 et 2012. Par réclamation du 4 mai 2012, complétée le 19 décembre 2014, la société requérante a demandé, pour le fonds SPM 2006-Universal-Fonds, la restitution de ces retenues à la source, pour un montant total de 57 787,22 euros. Par une décision du 25 mai 2021, l'administration fiscale a rejeté cette réclamation, motif pris de l'absence de pièces justificatives relatives à la comparabilité du fonds avec un OPCVM français et à la chaine de paiement sur l'année 2011. La société Universal Investment Gesellschaft mbH, agissant pour le compte du fonds SPM 2006-Universal-Fonds, demande à la Cour l'annulation de l'ordonnance du 23 décembre 2022 par laquelle le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Montreuil lui a donné acte du désistement de sa demande, présentée le 21 septembre 2021, tendant à la restitution de ces retenues à la source.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les (...) présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : 1° Donner acte des désistements (...) ". Aux termes de l'article R. 612-5-1 du même code : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (...) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ".

3. A l'occasion de la contestation de l'ordonnance donnant acte d'un désistement par application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, en l'absence de réponse du requérant à la demande de confirmation de ses conclusions, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, non seulement de vérifier le respect des garanties procédurales prévues par cette disposition mais également d'apprécier si le premier juge en a fait une juste application au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de l'objet du litige ainsi que de son évolution au cours de la procédure, de la chronologie de l'instruction menée devant le tribunal et de la teneur des écritures échangées, des conditions de réception de la demande de confirmation du maintien des conclusions et, le cas échéant, des motifs ayant empêché que cette demande reçoive une réponse dans le délai fixé.

4. Il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par la société Universal Investment Gesellschaft mbH, agissant pour le compte du fonds SPM 2006-Universal-Fonds, devant les premiers juges, enregistrée le 21 septembre 2021, tendait à la restitution, à hauteur d'un montant total de 57 787,22 euros, des retenues à la source opérées sur des dividendes de source française distribués pour les années 2011 et 2012. Elle a été communiquée à la direction des impôts des non-résidents qui a produit le 7 avril 2022 un mémoire en défense concluant au rejet de la requête, aux motifs, notamment, de l'absence de justification de la comparabilité du fonds avec un OPCVM français et d'une chaine de paiement complète sur l'année 2011. Ce mémoire a été communiqué le lendemain avec un délai d'un mois pour y répondre au cabinet Fidal, assurant la défense des intérêts de la contribuable. Par un courrier du 7 novembre 2022, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a demandé par la voie de l'application informatique Télérecours au cabinet Fidal de confirmer le maintien des conclusions de sa cliente, en précisant qu'à défaut de réponse dans un délai d'un mois, elle serait réputée s'être désistée de l'instance introduite en application des dispositions précitées de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative. Le cabinet Fidal a accusé réception de ce courrier le lundi 7 novembre 2022 à 11h36 et y a répondu par la production, le lundi 12 décembre 2022, d'un mémoire complémentaire accompagné d'une attestation de l'Autorité fédérale de supervision financière allemande, justifiant de la comparabilité du fonds avec un OPCVM établi en France.

5. Eu égard à la chronologie de l'instruction, qui n'était pas close, menée devant le tribunal, à la complexité des premières écritures échangées, à l'objet du litige ainsi qu'à son absence d'évolution en cours d'instance, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative en lui adressant, dès le 7 novembre 2022, une demande de maintien de ses conclusions et en déduisant de sa réponse présentée quelques jours après l'expiration du délai d'un mois qui lui avait été imparti une renonciation de sa part à l'instance introduite. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société Universal Investment Gesellschaft mbH est fondée à demander l'annulation de cette ordonnance.

6. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par la société Universal Investment Gesellschaft mbH, agissant pour le compte du fonds SPM 2006-Universal-Fonds.

Sur les conclusions tendant à la restitution des retenues à la source en litige :

7. Aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Les dividendes figurent au nombre des produits visés aux articles 108 à 117 bis de ce code. En application de l'article 187 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, le taux de la retenue à la source est fixé à 25 %, puis 30 % à compter du 1er janvier 2012, du montant de ces revenus. Il est réduit à 15 % par l'article 9 de la convention fiscale conclue le 21 juillet 1959 entre la France et l'Allemagne.

8. Dans l'arrêt du 10 mai 2012 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le tribunal administratif de Montreuil l'avait saisie, à titre préjudiciel, le 1er juillet 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un Etat membre qui prévoit l'imposition, au moyen d'une retenue à la source, des dividendes d'origine nationale lorsqu'ils sont perçus par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) résidents d'un autre Etat, alors que de tels dividendes sont exonérés d'impôts dans le chef des organismes de placement collectif en valeurs mobilières résidents du premier Etat. Il convient de faire application de ces principes alors même que la convention fiscale applicable, en l'espèce, entre la France et la République Fédérale d'Allemagne du 21 juillet 1959 modifiée exclut de son champ les demandes présentées par un fonds non doté de la personnalité morale, en tant qu'il ne constitue pas un résident au sens des stipulations de cette convention, comme en l'espèce, le fonds SPM 2006-Universal-Fonds au nom duquel agit la société requérante.

9. D'une part, il est admis, en l'espèce, par l'administration fiscale que le fonds SPM 2006-Universal-Fonds, pour le compte duquel la société Universal Investment Gesellschaft mbH agit, est comparable à un OPCVM français.

10. D'autre part, il résulte de l'instruction, et n'est au demeurant pas contesté par l'administration fiscale, que la société Universal Investment Gesellschaft mbH produit les justificatifs permettant d'établir la chaîne de paiement au titre des années 2011 et 2012 à hauteur de la somme globale de 56 494,24 euros dont elle demande la restitution dans le dernier état de ses écritures d'appel. Par suite, elle a droit à la restitution de ladite somme qu'elle demande pour le compte du fonds SPM 2006-Universal-Fonds.

Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :

11. Il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la société requérante concernant les intérêts mentionnés à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Dès lors, les conclusions de la société Universal Investment Gesellschaft mbH tendant à l'application dudit article ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Universal Investment Gesellschaft mbH de la somme de 1 500 euros qu'elle demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2112851 du 23 décembre 2022 du président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Montreuil est annulée.

Article 2 : Il est accordé à la société Universal Investment Gesellschaft mbH, agissant pour le compte du fonds SPM 2006-Universal-Fonds, le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française distribués au cours des années 2011 et 2012 à hauteur d'un montant total de 56 494,24 euros.

Article 3 : L'Etat versera à la société Universal Investment Gesellschaft mbH, agissant pour le compte du fonds SPM 2006-Universal-Fonds, la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Universal Investment Gesellschaft mbH agissant pour le compte du fonds SPM 2006-Universal-Fonds, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction des résidents à l'étranger et des services généraux.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marjanovic, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 avril 2024.

Le président rapporteur,

V. MARJANOVICL'assesseur le plus ancien,

J.F. GOBEILL

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01698 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01698
Date de la décision : 05/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MARJANOVIC
Rapporteur ?: M. Vladan MARJANOVIC
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CABINET FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-05;23pa01698 ?
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