Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'amende infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts à la SARL CIDF-BAT au titre des années 2015 et 2016, du paiement de laquelle elle a été tenue solidairement responsable sur le fondement des dispositions du 3 du V de l'article 1754 du code général des impôts.
Par un jugement n° 2021918 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 octobre 2022 et 19 décembre 2022, Mme A..., représentée par la SCP Bejin-Camus-Belot, avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 septembre 2022 ;
2°) d'annuler l'avis de mis en recouvrement en date du 9 septembre 2020 mettant à sa charge la somme de 33 908 euros, ensemble la décision du 2 décembre 2020 rejetant sa réclamation ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser les intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
Elle soutient que :
- les juges de première instance ont omis de se prononcer sur le moyen présenté à l'appui de son mémoire enregistré le 18 août 2022 et tiré du défaut de mise en recouvrement préalable à l'égard de la société CDIF-BAT, débiteur principal, de la somme dont le paiement lui est réclamé ;
- les juges de première instance ont entaché leur jugement d'erreurs de droit, d'une part en donnant une portée rétroactive à l'arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2020 qui a retenu l'absence d'incidence de la radiation du registre du commerce et des sociétés sur la qualité de gérant, et, d'autre part, en conférant aux dispositions de l'article 117 du code général des impôts une portée extensive ;
- la procédure de vérification de comptabilité de la société CDIF-BAT a été irrégulièrement conduite, dans la mesure où elle n'était plus habilitée à la représenter en sa qualité de gérante depuis sa radiation du registre du commerce et des sociétés intervenue le 13 septembre 2017 en application de l'article R. 123-131 du code de commerce ; l'administration ne pouvait par suite retenir qu'elle avait conservé ses fonctions de gérante en application d'une jurisprudence de la Cour de cassation du 4 mars 2020 n° 19-10501, postérieure à la date de radiation de la société, sans méconnaître le principe de sécurité juridique ;
- en exigeant de la société CDIF-BAT qu'elle précise, outre l'identité et l'adresse des bénéficiaires des revenus réputés distribués, les dates et les montants des prélèvements effectués, l'administration a excédé les exigences fixées à l'article 117 du code général des impôts et ne pouvait par suite lui appliquer l'amende fiscale prévue à l'article 1759 du même code ;
- en ne respectant pas une lecture stricte des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, l'administration n'a pas respecté les énonciations des paragraphes 300 à 330 et 380 de la circulaire fiscale du 22 août 2017 référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40 dont elle est en droit de se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; cette exigence est en tout état de cause contraire à l'obligation de loyauté ;
- l'amende qui a été infligée à la SARL CIDF-BAT sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts est insuffisamment motivée ;
- l'administration ne démontre pas que l'avis de mise en recouvrement adressé préalablement à la société CDIF-BAT, débiteur principal, a été régulièrement notifié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la régularité du jugement attaqué sera appréciée par la Cour au regard du mémoire produit en première instance qui ne lui pas été communiqué ;
- les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 décembre 2020 prise en réponse à la réclamation préalable présentée le 9 novembre 2020 par Mme A... et qui ne constitue pas un acte détachable de la procédure d'imposition relevant du juge de plein contentieux, sont irrecevables ;
- les conclusions tendant à l'annulation de l'avis de mis en recouvrement du 9 septembre 2020 dont la contestation relève du juge de plein contentieux, sont également irrecevables et doivent être considérées comme tendant à la décharge de la solidarité de paiement à laquelle Mme A... est tenue ;
- en l'absence de tout versement perçu par le trésor et de litige existant à la date de saisine de la Cour, Mme A... ne saurait demander le versement par l'Etat d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article R. 208-1 du livre des procédures fiscales ;
- le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de contrôle diligentée à l'encontre de la société CIDF-BAT est inopérant ;
- en l'absence de réponse de la société CIDF-BAT à la demande adressée par la vérificatrice, la circonstance, à la supposer établie, que cette demande ait excédé les termes de l'article 117 du code général des impôts est sans incidence sur la solution du litige ;
- aucun des autres moyens présentés par Mme A... n'est fondé.
Par un courrier du 29 février 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité du moyen tiré du défaut de notification régulière de l'avis de mise en recouvrement adressé préalablement à la société CDIF-BAT, faute d'avoir été soulevé à l'appui de la réclamation préalable du 9 novembre 2020.
Par un mémoire en réponse à ce courrier, enregistré le 6 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Bejin, soutient que le moyen soulevé n'est pas d'ordre public et n'est pas fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL CIDF-BAT qui avait une activité d'entreprise générale de bâtiment a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 13 septembre 2017. Postérieurement à cette radiation, elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. Après avoir écarté sa comptabilité comme étant dépourvue de valeur probante, le service a réintégré à ses résultats imposables des sommes regardées comme des minorations de recettes au titre de chacun des exercices clos. Après avoir estimé que ces minorations de recettes étaient constitutives de revenus distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, le service a invité la société, par une proposition de rectification du 11 octobre 2018, à lui en désigner les bénéficiaires dans un délai de trente jours conformément aux dispositions de l'article 117 du code général des impôts. En l'absence de réponse, la pénalité prévue par l'article 1759 du code général des impôts a été mise à sa charge et mise en recouvrement le 15 janvier 2019 à concurrence de la somme de 33 908 euros. A défaut de paiement par la société, Mme A..., gérante de la société CIDF-BAT, a été, en application du 3 du V de l'article 1754 du code général des impôts, recherchée en paiement solidaire de cette amende et s'est vu notifier un avis de mise en recouvrement au plus tard le 9 septembre 2020. Par la présente requête, Mme A... relève régulièrement appel du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande qui doit être regardée comme tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme mise à sa charge en sa qualité de débiteur solidaire de la société CIDF-BAT.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de l'instruction que Mme A... avait soulevé à l'appui d'un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 18 août 2022, le moyen tiré du défaut de mise en recouvrement préalable à l'égard de la société CIDF-BAT, débiteur principal, de la somme dont le paiement lui est réclamé. Ce moyen qui n'a été ni visé, ni analysé par les premiers juges n'était pas inopérant. Par suite, en ne répondant pas à ce moyen, le tribunal administratif de Paris a entaché son jugement d'irrégularité. Ce jugement doit dès lors être annulé sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, et il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal.
Sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer :
3. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". L'article 1759 de ce code dispose que : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) ". Aux termes du 3 du V de l'article 1754 du même code : " (...) Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759 ".
4. Les dispositions visées au point précédent instaurent une pénalité fiscale sanctionnant le refus par une personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus. Cette pénalité est distincte de l'impôt sur les sociétés et ne peut être regardée comme une pénalité correspondant à cet impôt. La personne sanctionnée par cette pénalité peut contester son principe, son montant et la procédure propre à la pénalité. En revanche, elle ne peut utilement se prévaloir de moyens relatifs à la procédure d'imposition ayant conduit à mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Il en va de même des dirigeants solidairement tenus au paiement de la pénalité, qui peuvent utilement soulever tout moyen portant sur le principe, le montant, et la procédure propre à l'amende en litige.
5. En premier lieu, si Mme A... soutient que la procédure de vérification de comptabilité de la société CIDF-BAT a été irrégulièrement conduite, dès lors qu'elle n'était plus habilitée à la représenter en sa qualité de gérante depuis sa radiation du registre du commerce et des sociétés intervenue le 13 septembre 2017, un tel moyen qui a trait à la procédure de vérification de la société est inopérant et doit être écarté.
6. En deuxième lieu, si Mme A... soutient que l'administration a excédé les termes de l'article 117 du code général des impôts en exigeant de la société CIDF-BAT qu'elle précise, non seulement les identités et adresses des bénéficiaires des revenus réputés distribués, mais également les dates et montants des prélèvements effectués, il est constant que la société
CIDF-BAT n'a apporté aucune réponse à cette demande. Par suite, ce moyen comme celui tiré du manquement de l'administration à son obligation de loyauté qui en aurait résulté et qui n'est assorti d'aucune précision suffisante susceptible d'en apprécier le bien-fondé, doivent être écartés.
7. En troisième lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40 publiée le 22 août 2017 qui est postérieure aux années au titre desquelles la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts a été appliquée, les paragraphes 300 à 330 et 380 auxquels elle se réfère étant en tout état de cause relatifs à la procédure d'établissement des pénalités fiscales.
8. En quatrième lieu, il résulte d'instruction qu'à l'appui de la proposition de rectification du 11 octobre 2018, l'administration fiscale a, en application de l'article 117 du code général des impôts, invité la société CIDF-BAT à désigner les bénéficiaires des revenus réputés distribués. Postérieurement à l'expiration du délai de réponse de trente jours prévu par ces dispositions, l'administration fiscale a, par un courrier du 3 décembre 2018, précisé les conséquences de l'absence de réponse à cette demande en indiquant que la pénalité fiscale prévue à l'article 1759 du code général des impôts lui serait appliquée à hauteur de 100 % des sommes des bénéfices imposables dont les bases ont été précisées pour chacune des années en litige. Ce courrier précise également, en application des dispositions du 3 du V de l'article 1754 du CGI, les conditions de mise en œuvre de la solidarité de paiement de l'amende prévue à l'article 1759 de ce code. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la pénalité infligée à la société CIDF-BAT sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, doit être écarté.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales : " Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires (...) ".
10. Les articles R. 281-3-1 et R. 281-5 du livre des procédures fiscales ne font pas obstacle à ce que le contribuable soulève devant le tribunal administratif ou devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction, des moyens de droit nouveaux, n'impliquant pas l'appréciation de pièces justificatives ou de circonstances de fait qu'il lui eût appartenu de produire ou d'exposer dans sa demande au trésorier-payeur général. Si le contribuable ne peut pas, en principe, se prévaloir devant le juge d'éléments de fait qui ne figuraient pas dans sa réclamation, il demeure toutefois recevable à invoquer devant lui des éléments de fait nouveaux postérieurs à la décision de l'administration statuant sur sa réclamation et dont il ne pouvait, dès lors, faire état dans cette dernière.
11. Si Mme A... soutient que l'administration ne démontre pas que l'avis de mise en recouvrement adressé préalablement à la société CIDF-BAT, débiteur principal, aurait été régulièrement notifié, il résulte de l'instruction que ce moyen ne figurait pas à l'appui de sa réclamation préalable en date du 9 novembre 2020, alors même que l'avis de mise en recouvrement en date du 9 septembre 2020 qui lui a été adressé en dernier lieu comportait la référence de l'avis de mise en recouvrement du 15 janvier 2019 adressé à la SARL CIDF-BAT. Par suite, ce moyen soulevé pour la première fois en appel est nouveau et implique l'appréciation des pièces relatives à la notification du premier acte de la procédure de recouvrement. Dès lors, en application de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales, il ne peut qu'être écarté comme irrecevable.
12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A..., qu'elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions relatives aux intérêts moratoires :
13. Les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, en cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par la juridiction administrative sont, en application de l'article R. 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts ".
14. Si Mme A... demande que les acomptes dont elle sera susceptible de s'acquitter devront lui être remboursés dans les prévisions de L. 208 du livre des procédures fiscales, ses conclusions ne sont assorties d'aucun moyen et ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 22 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 5 avril 2024.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04436