Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2206047 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 juin 2022, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 juin 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont inexactement qualifié les faits de l'espèce ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit, les efforts d'intégration scolaire et professionnelle de M. B..., au demeurant non avérés, n'étant pas de nature à lui ouvrir droit au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les moyens soulevés en première instance par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Nombret, conclut au rejet de la requête, à son admission au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 28 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marjanovic a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... B..., ressortissant malien né le 14 mai 1999 et déclarant être entré en France au début de l'année 2016, à l'âge de 17 ans, a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance avant de solliciter la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 422-1, L. 422-2, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de police, qui a rejeté cette demande par un arrêté du 20 décembre 2021, relève régulièrement appel du jugement du 2 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 28 novembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. D'une part, pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal, après avoir décrit le parcours scolaire en France de M. B... depuis son entrée sur le territoire national à l'âge de 17 ans, a accueilli le moyen, invoqué par ce dernier, tiré de ce que le refus de séjour qui lui a été opposé est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Ce faisant, les premiers juges ont implicitement mais nécessairement écarté l'ensemble des moyens de défense présentés par le préfet de police, notamment celui tiré de ce que la présence en France de l'intéressé représenterait une menace pour l'ordre public, auxquels ils n'étaient pas tenus de répondre. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué manque en fait et doit être écarté.
4. D'autre part, hormis dans le cas où les juges de première instance ont méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à eux et ont ainsi entaché leur jugement d'irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, le préfet de police ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'erreur de droit et d'inexacte qualification des faits.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
5. Il ressort des mentions du jugement attaqué que pour considérer, dans les circonstances particulières de l'espèce, que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour était entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B..., les premiers juges ont relevé qu'il ressortait des pièces du dossier qui leur était soumis que l'intéressé avait été pris en charge par le service d'aide sociale à l'enfance de la Ville de Paris à compter du mois de septembre 2016, avant de bénéficier d'un " contrat jeune majeur " à compter du 14 mai 2017, qu'il est scolarisé depuis l'année scolaire 2016-2017 sans interruption, qu'il poursuit, dans le cadre de l'année 2021-2022, une formation au lycée des métiers de l'électronique Marcel Deprez en " électricité et énergies renouvelables ", formation qui doit lui permettre de préparer l'obtention d'un brevet de technicien supérieur à compter de l'année 2022-2023, qu'il est décrit par son professeur principal de l'année en cours comme " un élève sérieux, motivé et investi " et qu'il a obtenu les encouragements du conseil de classe au 1er semestre de l'année 2020-2021, grâce à " un travail sérieux et une attitude positive ", caractérisant ainsi ses efforts d'intégration scolaire et professionnelle déployés depuis son entrée en France alors qu'il était mineur et isolé. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui avait redoublé sa classe de terminale et avait été condamné le 27 septembre 2018 par le tribunal correctionnel de Paris à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis pour transport, détention, offre ou cession, acquisition non autorisée et usage illicite de stupéfiants, ne justifiait, à la date de la décision attaquée, d'aucune inscription dans une formation d'un niveau supérieur à son baccalauréat professionnel obtenu à la session de juin 2021, l'intéressé n'ayant été admis qu'à suivre une mention complémentaire de technicien en énergies renouvelables en lycée professionnel. En outre, il est constant que, postérieurement à son entrée sur le territoire national, ses parents et ses quatre frères ont obtenu le bénéfice du statut de réfugiés en Allemagne. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris s'est fondé, pour annuler l'arrêté du 20 décembre 2021, sur le motif tiré d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. B....
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... en première instance et en appel au soutien de sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 décembre 2021.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... :
En ce qui concerne les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 611-1 (3°), et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne également l'ensemble des considérations de fait sur lesquelles il se fonde, notamment les circonstances que M. B... ne justifie ni du caractère réel et sérieux de ses études, ni de l'intensité d'une vie privée et familiale établie sur le territoire français, l'intéressé étant célibataire et sans enfant et disposant d'attaches familiales hors de France. Dès lors, l'arrêté attaqué, en tant qu'il emporte refus de séjour et obligation de quitter le territoire, est suffisamment motivé.
8. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de police a procédé à un examen individuel de la situation de M. B....
9. En troisième lieu, si M. B... fait valoir que l'arrêté attaqué mentionne à tort qu'il " ne présente pas d'inscription scolaire ou universitaire au titre de l'année académique 2021/2022 ", il ne justifie cependant pas avoir informé le préfet, préalablement à l'édiction de la décision attaquée, de son inscription, pour l'année scolaire 2021-2022, au lycée professionnel Marcel Deprez, en mention complémentaire de technicien en énergies renouvelables. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait, sur ce point, entachée d'une erreur de fait doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien- être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire et sans enfant et que ses parents et ses quatre frères séjournent régulièrement en Allemagne, où ils ont été reconnus réfugiés. Dès lors, malgré la durée de sa présence sur le territoire national, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire ne portent pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et stipulations citées au point précédent doivent être écartés.
12. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
14. En deuxième lieu, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français contestée comporte l'indication des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation manque en fait et doit être écarté.
15. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant interdiction de retour sur le territoire national pendant une durée de vingt-quatre mois serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 20 décembre 2021, et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande de première instance présentée par M. B....
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, le versement à M. B... de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... aux fins d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement n° 2206047 du 2 juin 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 3 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. B... sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... C... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Marjanovic, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 avril 2024.
Le président rapporteur,
V. MARJANOVIC L'assesseur le plus ancien,
J.F. GOBEILL
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
No 22PA02972