Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association GE RH Expert a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2015 au 31 mai 2018.
Par un jugement n° 2004106 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 mai, 13 juin, 18 juillet 2022,
30 septembre et 8 décembre 2022, l'association GE RH Expert, représentée par Me Zamour, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2004106 du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées pour un montant de 105 545 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle n'a bénéficié que d'un mois pour répondre au mémoire en défense de l'administration qui a bénéficié d'un délai beaucoup plus long pour sa défense ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- la charge de la preuve pèse sur l'administration, dès lors que la représentante de la société, Mme A..., laquelle disposait d'un mandat, a contesté la proposition de rectification ; le fait que l'administration ait accepté la demande de prolongation du délai de réponse à la proposition de rectification, atteste qu'elle a considéré que la représentante de l'association avait compétence pour s'opposer, au nom de l'association, à la proposition de rectification ;
- c'est à tort que l'administration a écarté sa comptabilité au motif qu'elle n'était pas probante ; l'administration ne lui a jamais demandé la production des factures dont elle dispose ;
- la méthode de reconstitution de recettes appliquée par le service est insuffisamment précise.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 juillet, 11 août et 9 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par l'association GE RH Expert ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dubois ;
- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'association GE RH Expert est spécialisée dans le secteur d'activité de mise à disposition de ressources humaines. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 mai 2018, une proposition de rectification datée du 18 décembre 2018 lui a été notifiée, après procédure contradictoire, portant rappels de TVA collectée. L'association GE RH Expert relève appel du jugement n° 2004106 du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-2 du code de justice administrative : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne ".
3. Au soutien de son moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif, l'association GE RH Expert soutient qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour répliquer au mémoire en défense de l'administration fiscale. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce mémoire en défense lui a été communiqué le 4 février 2022, ce qui a implicitement rouvert l'instruction close depuis le 26 octobre 2021. En l'absence de nouvelle ordonnance de clôture d'instruction, la clôture de l'instruction est intervenue trois jours francs avant l'audience du 5 avril 2022, ce qui a laissé un délai suffisant à l'association requérante pour présenter des observations en réplique. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le contradictoire aurait été méconnu, de sorte que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant les premiers juges ne peut qu'être écarté.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours ". L'article R. 57-1 du même code dispose : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.
5. En l'espèce, la proposition de rectification du 18 décembre 2018 notifiée à l'association GE RH Expert indique qu'elle porte sur la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la période du 1er janvier au 31 mai 2018. Elle fait état des critiques adressées à la comptabilité de la société et précise, à cet égard, notamment que " les encaissements comptabilisés au débit du compte 512 100 Banque Populaire Val de France sur la période vérifiée ne correspondent qu'à la somme des soldes des relevés du compte bancaire n° 31021184473 détenu à la banque populaire Val de France (...) et non à la somme de tous les encaissements enregistrés de manière individualisée et chronologiquement sur la période vérifiée occultant de ce fait la possibilité d'une analyse plus fine desdits encaissements ". Elle précise ensuite que le service a procédé au rapprochement du montant des encaissements effectués directement sur le compte en banque de la société et de celui porté par l'association sur les déclarations de chiffre d'affaires, d'où il résulte des discordances d'un montant de 50 831 euros pour l'année 2015, de 415 062 euros pour l'année 2016, de 41 039 euros pour l'année 2017 et de 11 966 euros pour la période du 1er janvier au 31 mai 2018. Elle déduit de ces discordances une insuffisance de déclaration de la TVA collectée. Elle énonçait donc de façon complète les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour opérer les rappels en cause et permettait au contribuable de formuler ses observations de façon utile. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, manque ainsi en fait et ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des rappels de TVA :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
6. D'une part, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 ou le comité prévu à l'article L. 64 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ".
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours ". Aux termes de l'article L. 11 du même code : " A moins qu'un délai ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ".
8. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la proposition de rectification du 18 décembre 2018 reçue par l'association requérante le 20 décembre suivant, sa responsable administrative et financière, Mme A..., a, par courrier électronique du 8 janvier 2019, adressé au vérificateur une demande de prorogation du délai de trente jours dont elle disposait pour présenter ses observations à la proposition de rectification. L'association a ensuite adressé ses observations par courrier du 14 février 2019 reçu le 21 février suivant. Toutefois, en l'absence de production auprès de l'administration du mandat dont Mme A... disposait pour agir au nom et pour le compte de l'association, la demande de prorogation ainsi sollicitée n'a pas été légalement présentée. Nonobstant l'indication contraire faite par l'administration dans un courrier électronique du 11 janvier 2019, la prorogation n'a pu, dès lors, valablement intervenir. Par suite, l'association GE RX Expert ne peut être regardée comme ayant présenté ses observations dans le délai de trente jours prévu aux articles L. 57 et L. 11 du livre des procédures fiscales, de sorte qu'elle supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions contestées, en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne le montant des rappels :
9. Pour déterminer l'insuffisance de déclaration de la TVA collectée au titre de la période vérifiée, le service vérificateur a pris en compte les encaissements apparaissant directement sur le compte en banque de la société et non ceux retracés de manière globalisée dans la comptabilité de l'association et d'un montant inférieur. En se bornant à soutenir que cette manière de procéder serait insuffisamment précise, sans toutefois en proposer aucune autre, l'association GE RH Expert ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des rappels de TVA qui lui ont été réclamés.
10. Il résulte de ce qui précède que l'association GE RH Expert n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin de décharge doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association GE RH Expert est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association GE RH Expert et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques de la direction régionale du contrôle fiscal d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Marjanovic, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;
- M. Gobeill, premier conseiller ;
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 avril 2024.
Le rapporteur,
J. DUBOISLe président,
V. MARJANOVIC
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA02343 2