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05/04/2024 | FRANCE | N°22PA00852

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 05 avril 2024, 22PA00852


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme (SA) Eiffage a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, à concurrence, respectivement, des sommes totales de 6 035 794 euros et 1 171 851 euros.



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n jugement n° 2003659 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Eiffage a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, à concurrence, respectivement, des sommes totales de 6 035 794 euros et 1 171 851 euros.

Par un jugement n° 2003659 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins de décharge à hauteur d'une somme totale de 353 792 euros dégrevée en cours d'instance et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une ordonnance du 22 février 2022, la présidente de la première chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis à la cour administrative d'appel de Paris la requête d'appel de la société Eiffage.

Par une requête, enregistrée le 16 février 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, transmise à la Cour par une ordonnance du président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Versailles en date du 22 février 2022, et des mémoires, enregistrés les 29 novembre 2022 et 31 mars 2023, la SA Eiffage, représentée par Me David, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 2003659 du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil, en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des sommes mises à sa charge par l'avis de mise en recouvrement du 15 mai 2018 soit, au titre de l'année 2014, la somme de 458 009 euros sans préjudice des intérêts moratoires ;

3°) de rétablir le montant du déficit de l'année 2015 à un montant de 1 219 976 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit en ce qu'il a jugé que l'administration avait considéré à bon droit que les seize sociétés filiales de la société Eiffage Infrastructures en cause ne pouvaient être considérées comme des sociétés à prédominance immobilière au sens du deuxième alinéa du a) du sexies-0 bis de l'article 219 du code général des impôts ;

- elle est fondée à solliciter la déduction des provisions pour dépréciation des titres qu'elle détient dans ses filiales en application du a) sexies-0 bis de l'article 219 du code général des impôts, dès lors qu'il s'agit de titres de sociétés à prépondérance immobilière ; les gisements ne sauraient être regardés comme des " moyens permanents d'exploitation " puisqu'ils constituent l'objet même de l'exploitation ;

- elle partage la position de l'administration selon laquelle à tout le moins la valeur du stock de gisement doit figurer au numérateur du ratio de prépondérance immobilière ; sa demande se limite donc à solliciter la déduction des provisions correspondant aux titres pour lesquels la valeur vénale du gisement représente plus de 50% de la valeur totale de l'actif ;

- le gisement minier ne saurait être assimilé à un bien meuble par anticipation, notion qui, de surcroit, ne vaut qu'entre les parties à un contrat d'exploitation de la mine.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 août 2022 et 13 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la SA Eiffage ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois ;

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ;

- et les observations de Me Briguaud, représentant la société Eiffage.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Eiffage Infrastructures a fait l'objet d'une vérification de comptabilité par la 8ème brigade de la direction des vérifications nationales et internationales au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. A l'issue de celle-ci, le service lui a notifié une proposition de rectification du 13 novembre 2017 portant rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés fondés notamment sur le rejet de la déduction de provisions pour dépréciation des titres de sociétés filiales et sur le rejet de la déduction d'une moins-value de cession des titres de la société Carrières du Villarnet, acquis en 2013 et cédés en 2015. La SA Eiffage, faîtière du groupe fiscalement intégré auquel appartient la SAS Eiffage Infrastructures et redevable de l'impôt sur les sociétés dû par le groupe, a formé deux réclamations contentieuses les 6 juin 2018 et 6 mars 2019, rejetées en dernier lieu par décision du 15 janvier 2020, avant de porter le litige devant le tribunal administratif de Montreuil. En cours d'instance devant ce tribunal, l'administration a reconnu la déductibilité de la moins-value sur cession de titres et a en conséquence accordé un dégrèvement à hauteur de 353 792 euros au titre de l'année 2015 ainsi que le rétablissement du déficit à hauteur de 259 377 euros au titre de cette année. Par jugement n° 2003659 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme ainsi dégrevée et a rejeté le surplus des conclusions de la SA Eiffage. Celle-ci, en tant qu'il lui est défavorable, relève appel de ce jugement et sollicite, d'une part, la décharge d'une somme de 458 009 euros au titre de l'exercice clos en 2014 sans préjudice des intérêts moratoires et, d'autre part, le rétablissement à la somme 1 219 976 euros du déficit constaté au titre de l'année 2015.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, dans sa version alors en vigueur : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) Toutefois, pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 1974, les titres de participation ne peuvent faire l'objet d'une provision que s'il est justifié d'une dépréciation réelle par rapport au prix de revient. Pour l'application de la phrase précédente, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il en va de même des actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice ainsi que des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères, si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable. / Les provisions pour dépréciation, en ce qui concerne les titres et actions susvisés, précédemment comptabilisées seront rapportées aux résultats des exercices ultérieurs à concurrence du montant des provisions de même nature constituées à la clôture de chacun de ces exercices ou, le cas échéant, aux résultats de l'exercice de cession. / Toutefois, les dotations aux provisions pour dépréciation comptabilisées au titre de l'exercice sur l'ensemble des titres de participation définis au dix-septième alinéa ne sont pas déductibles à hauteur du montant des plus-values latentes existant à la clôture du même exercice sur les titres appartenant à cet ensemble. Pour l'application des dispositions de la phrase précédente, les plus-values latentes, qui s'entendent de la différence existant entre la valeur réelle de ces titres à la clôture de l'exercice et leur prix de revient corrigé des plus ou moins-values en sursis d'imposition sur ces mêmes titres, sont minorées du montant des provisions non admises en déduction au titre des exercices précédents en application de la même phrase et non encore rapportées au résultat à la clôture de l'exercice. Le montant des dotations ainsi non admis en déduction est affecté à chaque titre de participation provisionné à proportion des dotations de l'exercice comptabilisées sur ce titre. Le présent alinéa s'applique aux seuls titres de sociétés à prépondérance immobilière définies au a sexies-0 bis du I de l'article 219 pour la détermination des résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007. ". Aux termes de l'article 219 du même code, dans sa version alors en vigueur : " a sexies-0 bis) Le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s'appliquer à la plus ou moins-value provenant des cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées réalisées à compter du 26 septembre 2007. Sont considérées comme des sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l'actif est, à la date de la cession de ces titres ou a été à la clôture du dernier exercice précédant cette cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles, des droits portant sur des immeubles, des droits afférents à un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues au 2 de l'article L. 313-7 du code monétaire et financier ou par des titres d'autres sociétés à prépondérance immobilière. Pour l'application de ces dispositions, ne sont pas pris en considération les immeubles ou les droits mentionnés à la phrase précédente lorsque ces biens ou droits sont affectés par l'entreprise à sa propre exploitation industrielle, commerciale ou agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale. ". Pour l'application de ces dispositions, les immeubles affectés à l'exploitation s'entendent exclusivement des moyens permanents d'exploitation, à l'exclusion de ceux qui sont l'objet même de cette exploitation ou qui constituent des placements en capitaux.

3. Il résulte de l'instruction que la contribuable a déduit de son résultat imposable au titre des exercices en litige les provisions pour dépréciation de titres de participations de seize de ses sociétés filiales au taux de droit commun. Pour rejeter cette déduction et rectifier en conséquence son résultat fiscal imposable, le service a considéré que ces provisions pour dépréciation relevaient du régime fiscal du long terme conformément aux dispositions précitées des dix-septième et dix-huitième alinéas du 5° de l'article 39 du code général des impôts.

4. Au soutien de son moyen tiré de ce que les provisions pour dépréciation de titres de participations dont elle sollicite la déduction ne relèvent pas du régime fiscal du long terme, la SA Eiffage fait valoir que les filiales dont l'activité est l'exploitation de carrières et dont les titres de participation ont fait l'objet des provisions en litige, sont à prépondérance immobilière, de sorte que le régime des plus et moins-values à long terme ne leur est pas applicable en application des dispositions précitées du a sexies-0 bis du I de l'article 219 du code général des impôts. A cet égard, la SA Eiffage soutient, dans le dernier état de ses écritures d'appel, que les actifs constitués par les carrières que ses filiales exploitent, et tout particulièrement celles dont la valeur du gisement représente 50 % de la valeur totale de l'actif, sont constitutifs d'immobilisations et, partant, doivent figurer au numérateur du ratio de prépondérance immobilière. De tels actifs, selon elle, ne peuvent être regardés comme affectés directement à l'activité extractive dès lors qu'ils constituent l'objet même de cette exploitation, dans la mesure où les gisements sont consommés au fur et à mesure de l'exploitation.

5. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'une carrière se décompose en deux éléments distincts, le premier étant le terrain de carrière ou tréfonds, immobilisation qui ne constitue pas elle-même l'objet de l'exploitation mais qui y est affectée comme moyen permanent d'exploitation, tout comme les installations immobilières permettant d'assurer l'activité extractive, le second étant constitué du gisement, c'est-à-dire des matériaux à extraire, lesquelles ne constituent pas une immobilisation mais un stock de biens meubles par anticipation. La SA Eiffage ne peut ainsi pas soutenir que la valeur des gisements exploités par ses filiales devrait figurer au numérateur du ratio de prépondérance immobilière, de sorte que les filiales dont la valeur du gisement représente plus de 50% de la valeur totale de l'actif constitueraient des sociétés à prépondérance immobilière. Elle n'est, en conséquence, pas fondée à soutenir que les provisions pour dépréciation des titres de participation de ces filiales seraient déductibles par application du régime de droit commun et non du régime du long terme.

6. Il résulte de ce qui précède que la SA Eiffage n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande. Les conclusions de sa requête d'appel doivent par suite être rejetées, en ce comprises les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Eiffage est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Eiffage et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marjanovic, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Gobeill, premier conseiller ;

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 avril 2024.

Le rapporteur,

J. DUBOISLe président,

V. MARJANOVIC

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA00852 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00852
Date de la décision : 05/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MARJANOVIC
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : ATELEIA SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-05;22pa00852 ?
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