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25/03/2024 | FRANCE | N°23PA02053

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 25 mars 2024, 23PA02053


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.



Par un jugemen

t n° 2212027 du 13 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2212027 du 13 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mai 2023, M. A..., représenté par Me Ormillien, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2212027 du 13 avril 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- il est entaché d'erreurs manifestes d'appréciation ;

- il méconnait les articles L. 612-3 et L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

- elle méconnait les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle fait une inexacte application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant camerounais né le 26 octobre 1986, est entré sur le territoire français le 4 août 2017, selon ses déclarations. Par un arrêté du 28 juillet 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Par un jugement n° 2212027 du 13 avril 2023, dont M. A... relève appel, la magistrate désignée par le président tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. A... ne peut utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'erreurs manifestes d'appréciation, méconnaitrait les articles L. 612-3 et L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, M. A... reprend en appel les moyens soulevés en première instance tirés de ce que la décision contestée aurait été signée par une autorité incompétente et de ce qu'elle serait insuffisamment motivée. Cependant, en se bornant à réitérer son argumentation déjà exposée en première instance, il ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par la première juge.

4. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. D'une part, si M. A... soutient qu'il est entré en France le 4 août 2017 et qu'il y réside depuis, toutefois, les pièces qu'il produit ne sont pas de nature à établir sa présence continue et habituelle avant le mois d'octobre 2021, dès lors, notamment, qu'au titre de l'année 2019, il ne produit comme pièces probantes qu'un bon de commande du 27 juillet et un relevé de versements de l'assurance maladie avec une première prestation le 12 octobre, et qu'au titre de l'année 2021, il ne produit qu'un certificat de scolarité en date du 7 octobre. Il fait également valoir qu'il est en couple depuis 2021 avec une ressortissante française avec laquelle il vit depuis mars 2023 et qu'il est père d'un enfant français né le 1er avril 2023, soit postérieurement à l'arrêté contesté. Il produit une déclaration sur l'honneur de la mère de l'enfant rédigée postérieurement à l'arrêté attaqué attestant qu'ils résident ensemble ainsi qu'un justificatif de domiciliation et une demande de logement social. Il ajoute que sa sœur et son neveu résident en France et ont la nationalité française et il établit avoir vécu chez sa sœur entre 2017 et 2023. Toutefois, sa présence sur le territoire français ainsi que sa relation avec la ressortissante française avec laquelle il a eu un enfant sont récentes à la date de l'arrêté contesté et la naissance de son enfant postérieure à cette décision. D'autre part, pour justifier de sa volonté d'intégration professionnelle, le requérant fait valoir qu'il a reçu une promesse d'embauche en 2018, qu'il a suivi une formation en électrotechnique dispensée par le conservatoire national des arts et métiers ainsi qu'une formation en électronique par l'intermédiaire d'un centre national privé de formation à distance. Toutefois, ces éléments sont insuffisants pour justifier d'une insertion professionnelle en France. Il s'ensuit que la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Il ne résulte pas de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'il aurait entaché d'erreur manifeste son appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M. A... en l'obligeant à quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

6. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ".

7. En l'espèce, si M. A... justifie, à la date de l'arrêté, d'une résidence stable et effective chez son hébergeant, sa sœur Mme C..., il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était exclusivement fondé sur le fait que le requérant ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, circonstances qu'il a également prises en compte pour fonder la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire à l'intéressé. Il s'ensuit que sa situation permettait, en application du 6° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, que le préfet de la Seine-Saint-Denis prenne une obligation de quitter le territoire français sans délai à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

9. L'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour, indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

10. En premier lieu, la décision prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, atteste de la prise en compte par le préfet de l'ensemble des critères énoncés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à savoir le fait qu'il soutient résider en France depuis 2017 sans l'établir et qu'il ne justifie pas de l'ancienneté de liens personnels et familiaux en France. Ainsi, cette décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision doit être écarté.

11. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 5 en ce qui concerne la situation privée, familiale et professionnelle de M. A... en France à la date de la décision attaquée, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Pour les mêmes motifs, il n'a pas non plus méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens doivent être écartés. Toutefois, il appartiendra au préfet de la Seine-Saint-Denis de tenir compte au moment de l'éventuelle exécution de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois des circonstances familiales nouvelles énumérées au point 5 ci-dessus qui sont intervenues postérieurement à la date de la prise de la décision contestée.

12. En troisième lieu, un étranger, qui ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, ne peut, en toute hypothèse, utilement se prévaloir, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012. En outre, M. A... ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision attaquée portant interdiction de retour sur le territoire français la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ces moyens inopérants doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2024.

La rapporteure,

A. ColletLa présidente,

C. Vrignon-Villalba

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02053
Date de la décision : 25/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : ORMILLIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-25;23pa02053 ?
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