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25/03/2024 | FRANCE | N°23PA00430

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 25 mars 2024, 23PA00430


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'intersyndicale nationale des VTC et autres ont demandé au tribunal administratif de Paris, dans le dernier état de leurs conclusions, d'annuler le refus de l'inspectrice du travail du 9 juin 2020 de faire droit à la demande de M. B... A... du 5 juin 2020 intitulé " demande d'intervention ", ainsi que la décision implicite par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a rejeté leur demande du 27 octobre 2020 tendant à ce que l'inspection du travail soit sai

sie aux fins de réaliser un contrôle quant aux conditions de travail des chauffeu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'intersyndicale nationale des VTC et autres ont demandé au tribunal administratif de Paris, dans le dernier état de leurs conclusions, d'annuler le refus de l'inspectrice du travail du 9 juin 2020 de faire droit à la demande de M. B... A... du 5 juin 2020 intitulé " demande d'intervention ", ainsi que la décision implicite par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a rejeté leur demande du 27 octobre 2020 tendant à ce que l'inspection du travail soit saisie aux fins de réaliser un contrôle quant aux conditions de travail des chauffeurs travaillant avec la société Uber concernant des faits de travail illégal et de violation des règles relatives à la sécurité et à la santé.

Par jugement n° 2105773/3-2 du 30 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 9 juin 2020, a enjoint à l'unité départementale de Paris ou tout autre service compétent de l'inspection du travail de mettre en œuvre leur mission de contrôle au sein la société Uber dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, a condamné l'Etat à verser aux requérants une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 30 janvier et 5 juin 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 2105773 du 30 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de l'intersyndicale nationale des VTC et autres présentées devant le tribunal administratif de Paris aux fins d'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 9 juin 2020 et aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre le courriel du 9 juin 2020 sont irrecevables dès lors que l'inspectrice du travail se borne à informer M. B... A... des suites données à sa plainte en déclinant sa compétence et à lui indiquer les démarches à suivre pour obtenir, le cas échéant, la requalification de son contrat commercial pour ensuite pouvoir intervenir pour contrôler les dysfonctionnements allégués ;

- en tout état de cause, dès lors que l'inspectrice du travail n'a pas été saisie d'une demande tendant à ce qu'il soit procédé à un contrôle en matière de travail dissimulé, son refus de faire droit à la " demande d'intervention " n'est pas entachée d'une erreur de droit dès lors que c'est à bon droit que l'inspectrice du travail a décliné sa compétence ;

- à supposer même que la demande de M. B... A... puisse être interprétée comme sollicitant un contrôle en matière de travail dissimulé, le refus de l'inspectrice du travail de faire droit à cette demande n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu, d'une part, de la latitude dont dispose chaque inspecteur du travail pour instruire les plaintes dont il est saisi et décider des suites à y donner, d'autre part, de ce que M. B... A... a fait sa demande dans le contexte de la crise sanitaire pendant laquelle des priorités avaient été définies telles que le traitement des dérogations en matière de durée du travail ou des demandes d'autorisations de licenciement, et de troisième part, de ce que les éléments portés par M. B... A... à la connaissance de l'inspection du travail ne permettaient pas d'établir l'existence d'une situation de travail dissimulé qui aurait justifié la saisine du parquet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2023, l'intersyndicale nationale des VTC, M. D... U..., M. CH... DO..., M. HZ... DP..., M. AJ... ID..., M. HR... W..., M. IJ..., M. AF... Y..., M. IZ..., M. AK... AA..., M. IR..., M. IU... BV..., M. IP..., M. IM..., M. EP... DR..., M. FW... DT..., à M. IE..., M. DQ... HG..., M. AP... HG..., M. Z... AC..., M. EX... DU..., M. EY... DV..., M. FA... FY..., M. AZ... IF..., M. FA... DW..., M. IL... FZ..., M. AW... GB..., M. EV... GA..., M. GA... HH..., M. FA... HI..., M. HY... HJ..., M. AY... HK..., M. R... GC..., M. BY... B... A..., M. DH... B... C..., M. FA... B... CL..., M. JC... B... FU..., M. HC... GD..., M. CZ... GE..., M. BY... GF..., M. IY..., M. V... IG..., M. HX... HL..., M. DX... DY..., M. FA... DZ..., M. GT... EA..., M. JA..., M. BT... GG..., M. IS..., M. AV... BX..., M. F... AD..., M. CG... ED..., M. D... GH..., M. BD... EC..., M. CZ... HM..., M. GQ... HN..., M. HF... EE..., M. BQ... EF..., M. IQ..., M. DE... GI..., M. CN... GJ..., M. IN..., M. FI... GK..., M. DJ... EG..., M. DH... EH..., M. AG... GL..., M. M'baye Drame, M. JB..., M. CA... EL..., M. CO... EI..., M. D... EJ..., M. E... IH..., M. IW..., M. AM... HP..., M. AV... EK..., M. BK... JE..., M. JH... GM..., M. G... GM..., M. CB... AH..., M. FP... AI..., M. AV... GN..., M. AR... GO..., M. CC... IC..., M. A... HQ..., M. BQ... HS..., M. DK... HT..., M. HE... GP..., M. AB... EO..., M. JF... CG... BK..., M. IX..., M. FT... CJ..., M. FB... CK..., M. CD... HU..., M. EW... J..., M. FA... AQ..., M. AL... AS..., M. DC... AT..., M. HD... AU..., M. BB... AV..., M. BY... EQ..., M. GV... GR..., M. AO... AI..., M. AX... AI..., M. CG... ER..., M. EV... ES..., M. S... L..., M. FA... M..., M. JD... M..., M. FA... CP..., M. BZ... ET..., M. K... HV..., M. EM... CQ..., M. CT... EU..., M.Sébastien Lopez, M. CR... IB..., M. BY... HW..., M. BE... HW..., M. FA... IV..., M. H... EZ..., M. DJ... GS..., M. FX... CU..., M. AL... CV..., M. N... GU..., M. FT... CW..., M. FE... CX..., M. AN... CY..., M. FP... IO..., M. HR... GW..., M. S... FC..., M. BG... DA..., M. AE... DB..., M. BQ... DC..., M. CE... DD..., M. CS... GX..., M. GY... FF..., M. HR... P..., M. FG... Q..., M. BA... BF..., M. HF... FH..., M. IT..., M. CF... DF..., M. GV... BH..., Mme BU... BI..., M. O... FJ..., M. FS... FK..., M. FD... BJ..., M. DI... FL..., M. FA... JG... FM..., M. IA..., Mme HO... DG..., M. II..., M. DS... T..., M. BC... FN..., M. I... FO..., M. FA... BM..., M. BL... FQ..., M. X... BN..., M. IK... FR..., M. FA... GZ..., M. CM... BP..., M. CI... BR..., M. EB... FV..., M. BW... BS..., M. DC... DL..., M. BO... DM..., M. GT... HA..., M. CZ... HB..., M. V... AW... DN..., représentés par la SCP FOUSSARD-FROGER, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2020, n° 19-13.316 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de M. EN... pour la ministre du travail, de la santé et des solidarités,

- et les observations de Me Connil, avocat de l'intersyndicale nationale des VTC et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours des mois de mai et juin 2020, M. BY... B... A..., chauffeur VTC travaillant avec la société Uber et président de l'intersyndicale nationale VTC a, lors de plusieurs entretiens téléphoniques avec une inspectrice du travail appartenant à l'unité départementale de Paris, signalé des dysfonctionnements en matière d'hygiène et de sécurité des chauffeurs Uber ainsi que des abus en matière d'autorité et des discriminations. Le 5 juin 2020, M. B... A... a saisi l'inspectrice du travail d'un courriel intitulé " demande d'intervention ". Par un courriel du 9 juin 2020, l'inspectrice du travail a refusé de faire droit à sa demande. Par un courrier du 27 octobre 2020, l'intersyndicale nationale VTC et 167 chauffeurs ont saisi la ministre du travail d'une demande tendant à ce que soit diligenté le contrôle sollicité. Un rejet implicite est né du silence gardé sur cette demande. Par jugement n° 2105773/3-2 du 30 novembre 2022, dont le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion relève appel, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 9 juin 2020, a enjoint à l'unité départementale de Paris ou tout autre service compétent de l'inspection du travail de mettre en œuvre leur mission de contrôle au sein de la société Uber dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, a condamné l'Etat à verser à l'intersyndicale nationale VTC et aux 167 autres requérants une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Il ressort des termes du courriel du 5 juin 2020 de M. B... A..., que ce dernier a saisi l'inspectrice du travail appartenant à l'unité départementale de Paris d'une " demande d'intervention " dans laquelle il indique qu'Uber " n'est pas un diffuseur de courses mais une entreprise de transport soumise au droit du travail dont les chauffeurs sont les employés " et dénonce des abus en matière d'autorité, des discriminations et des dysfonctionnements en matière d'hygiène et de sécurité des chauffeurs travaillant avec la société Uber. Dans son courriel du 9 juin 2020 en réponse à cette demande, l'inspectrice du travail a indiqué que dès lors que " les chauffeurs travaillant pour Uber n'ont pas le statut de salariés, mais celui d'autoentrepreneurs, les services de l'inspection du travail n'ont pas compétences pour intervenir ", que " la mise en demeure hygiène sécurité (...) n'est pas envisageable car les chauffeurs concernés n'ont pas le statut de salariés ", que s'agissant des " discriminations et pressions subies par les chauffeurs Uber, l'inspection du travail ne peut intervenir que si ils sont salariés ", et enfin qu'il " faudrait déjà obtenir par le conseil des prud'hommes (qui seul est compétent) une requalification des contrats en contrats de travail donc un statut de salarié pour les chauffeurs ". L'inspectrice du travail conclut qu'il revient à M. B... A... en qualité de représentant syndical de porter l'affaire devant le juge compétent et qu'une fois la requalification en tant que salarié UBER de chaque chauffeur concerné obtenue, elle pourra intervenir sur les points relevant du code du travail. Ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, l'inspectrice du travail ne s'est pas bornée à informer M. B... A... des suites données à sa plainte en déclinant sa compétence et à lui indiquer les démarches à suivre pour obtenir, le cas échéant, la requalification de son contrat commercial pour ensuite pouvoir intervenir pour contrôler les dysfonctionnements allégués, mais elle a également refus de procéder au contrôle des éventuelles infractions à la législation du travail dénoncées par M. B... A.... Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, et ainsi que les premiers juges l'ont jugé à bon droit, le courriel du 9 juin 2020 de l'inspectrice du travail de l'unité départementale de Paris décision constitue une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre, tirée de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre le courriel du 9 juin 2020, doit être écartée.

Sur les moyens d'annulation retenus par les premiers juges :

3. Aux termes de l'article L. 8112-1 du code du travail : " Les agents de contrôle de l'inspection du travail (...) disposent d'une garantie d'indépendance dans l'exercice de leurs missions au sens des conventions internationales concernant l'inspection du travail. / Ils sont chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail, ainsi qu'aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail répondant aux conditions fixées au livre II de la deuxième partie. / Ils sont également chargés, concurremment avec les officiers et agents de police judiciaire, de constater les infractions à ces dispositions et stipulations. Les agents de contrôle de l'inspection du travail sont associés à la définition des orientations collectives et des priorités d'intérêt général pour le système d'inspection du travail arrêtées, chaque année, par le ministre chargé du travail après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives, et ils contribuent à leur mise en œuvre. / Ils sont libres d'organiser et de conduire des contrôles à leur initiative et décident des suites à leur apporter (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 8211-1 du code du travail : " Sont constitutives de travail illégal, dans les conditions prévues par le présent livre, les infractions suivantes : 1° Travail dissimulé (...) ". Selon l'article L. 8221-1 du même code : " Sont interdits : 1° Le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ; / 2° La publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé ; / 3° Le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé ". Selon l'article L. 8221-5 du même code : " Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : / 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ". Selon l'article L. 8113-5-1 du même code : " Pour la recherche et la constatation des infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1, les agents de contrôle définis par voie règlementaire peuvent obtenir, au cours de leurs visites, communication de tout document comptable ou professionnel ou tout autre élément d'information propre à faciliter l'accomplissement de leur mission. Ils peuvent également en prendre copie immédiate, par tout moyen et sur tout support. / Pour la communication des données informatisées, ils ont accès aux logiciels et aux données stockées ainsi qu'à la restitution en clair des informations propres à faciliter l'accomplissement de leur mission. Ils peuvent en demander la transcription par tout traitement approprié en des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle ". Aux termes de l'article L. 8221-6-1 du code du travail : " Est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d'ordre ".

5. En premier lieu, par courriel du 5 juin 2020, M. B... A... a, comme il a été rappelé au point 2 du présent arrêt, saisi l'inspectrice du travail d'une " demande d'intervention " dans laquelle il indique notamment qu'Uber " n'est pas un diffuseur de courses mais une entreprise de transport soumise au droit du travail dont les chauffeurs sont les employés ", en se prévalant de la décision rendue le 4 mars 2020 par la cour de cassation, dans laquelle celle-ci a jugé que le statut de travailleur indépendant du chauffeur qui l'avait saisi était fictif. Il a ainsi entendu signaler à l'inspectrice du travail une situation caractérisant selon lui une infraction de travail dissimulé au sein de la société Uber pour laquelle il souhaitait qu'un contrôle soit opéré, puis que ce dernier se poursuive concernant les dysfonctionnements en matière d'hygiène et de sécurité qu'il dénonce. Par suite, contrairement à ce que soutient le ministre en défense, l'inspectrice du travail concernée a bien été saisie d'une demande tendant à ce qu'il soit procédé à un contrôle d'abord en matière de travail dissimulé puis concernant la méconnaissance par la société Uber de ses obligations en matière de protection de la santé des chauffeurs concernés. La circonstance que les contrats de ces chauffeurs n'aient pas été préalablement requalifiés en contrats de travail par le juge judiciaire, seul compétent en la matière, ne faisait pas obstacle à ce qu'un contrôle soit diligenté pour identifier des situations de travail dissimulé. Il s'ensuit qu'en se bornant, pour rejeter la " demande d'intervention " de M. B... A..., à opposer la circonstance que les chauffeurs travaillant pour ladite société n'ont pas le statut de salariés mais celui d'auto-entrepreneurs alors même que c'est précisément ce statut qui était dénoncé et qui était à l'origine de la demande d'intervention, l'inspectrice du travail a entaché sa décision d'une erreur de droit, comme l'ont considéré à juste titre les premiers juges.

6. En second lieu, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion soutient en défense que les inspecteurs du travail ont une large marge d'appréciation dans leur mission d'inspection et qu'en juin 2020, l'inspection du travail était mobilisée par la crise sanitaire créée par la pandémie de covid 19 qui a conduit à définir d'autres priorités, telles que le traitement des dérogations en matière de durée du travail ou des demandes d'autorisations de licenciement, de sorte que la décision de l'inspectrice du travail contestée ne serait pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges. Toutefois, ainsi qu'il a déjà été dit, M. B... A... faisait état dans sa demande d'un certain nombre d'éléments relatifs aux conditions de travail des chauffeurs et au contexte dans lequel intervenait cette demande à la suite de la décision de la Cour de cassation, dans le cadre d'un débat national et international que l'administration ne pouvait pas ignorer, alors qu'il n'est pas contesté que la lutte contre le travail illégal et notamment contre le travail dissimulé et le recours aux faux statuts faisait partie des actions prioritaires du plan interministériel de lutte contre le travail illégal pour les années 2019 à 2021. Si le ministre soutient que d'autres priorités avaient été définies dans le cadre de la crise sanitaire, il n'établit pas que cela aurait remis en cause les objectifs définis dans le plan de lutte, ni que l'organisation d'un contrôle au sein de la société Uber, comme demandé par M. B... A..., aurait, à cette date, été matériellement impossible, alors au surplus que le requérant faisait valoir dans son courriel la mise en danger des chauffeurs travaillant avec la société Uber, à défaut de recevoir les consignes adéquates pour se protéger du Covid 19, et ce en lien avec la question de leur statut, situation qui semble au moins aussi prioritaire que celles invoquées ci-dessus. Dans ces conditions, et bien que M. B... A... ne mentionnait pas d'éléments personnalisés propres à chaque chauffeur dans sa demande, le refus de contrôler la société Uber est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 9 juin 2020, a enjoint à l'unité départementale de Paris ou à tout autre service compétent de l'inspection du travail de mettre en œuvre leur mission de contrôle au sein la société Uber dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, a condamné l'Etat à verser aux requérants une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. L'ensemble des conclusions de sa requête d'appel ne peut, par suite, qu'être rejeté.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu de condamner l'Etat par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à l'intersyndicale nationale des VTC et autres la somme totale de 2 000 euros, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à l'intersyndicale nationale des VTC et aux autres requérants une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du travail, de la santé et des solidarités et à l'intersyndicale nationale des VTC, premier dénommé défendeur dans le mémoire.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2024.

La rapporteure,

A. COLLETLa présidente,

C. VRIGNON-VILLALBA

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00430


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00430
Date de la décision : 25/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP FOUSSARD-FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-25;23pa00430 ?
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