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25/03/2024 | FRANCE | N°23PA00405

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 25 mars 2024, 23PA00405


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS IMD Optique a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les titres de perception émis à son encontre les 19 et 24 novembre 2020 pour le recouvrement de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail d'un montant de 7 240 euros et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine d'un montant de 2 553 euros.



Par jugement n° 2102128 du 21 novembre

2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS IMD Optique a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les titres de perception émis à son encontre les 19 et 24 novembre 2020 pour le recouvrement de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail d'un montant de 7 240 euros et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine d'un montant de 2 553 euros.

Par jugement n° 2102128 du 21 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 janvier et 7 décembre 2023, la SAS IMD Optique, représentée par Me Traore, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102128 du 21 novembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler les titres de perception émis à son encontre les 19 et 24 novembre 2020 pour le recouvrement de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail d'un montant de 7 240 euros et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine d'un montant de 2 553 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est de bonne foi ;

- la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine lui est inopposable ;

- elle conteste le montant de la contribution spéciale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, l'OFII conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS IMD Optique ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Younes, avocat de la société IMD Optique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 novembre 2019, les services de gendarmerie ont contrôlé un véhicule appartenant à la société IMD Optique et ont constaté la présence d'un ressortissant camerounais dépourvu de titre l'autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France. Un procès-verbal d'infraction a été dressé et transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en application de l'article L. 8271-17 du code du travail. Par une décision du 10 novembre 2020, le directeur général de l'OFII a appliqué à la société IMD Optique, pour l'emploi de ce ressortissant étranger, la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 7 240 euros et la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 553 euros. Des titres de perception ont été émis à son encontre les 19 et 24 novembre 2020 pour le recouvrement de ces sommes. Par jugement n°2102128 du 21 novembre 2022, dont la société IMD Optique relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux titres de perception.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". L'article L. 8253-1 du même code prévoit que : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France (...) ". Selon l'article L. 5221-9 du même code : " L'embauche d'un salarié étranger titulaire de la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 422-1, L. 422-2, L. 422-4 ou L. 422-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut intervenir qu'après déclaration nominative effectuée par l'employeur auprès de l'autorité administrative ".

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.

4. Il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal d'audition du 2 octobre 2018 que, d'une part, M. A... a déclaré que son employeur savait qu'il n'avait " pas de document pour séjourner en France " et que, d'autre part, le gérant de la société IMD Optique a indiqué que seule une photocopie du passeport camerounais de M. A... lui avait été communiquée, l'intéressé devant lui remettre ultérieurement un titre de séjour italien dont il pensait que cela l'autorisait à " travailler n'importe où en Europe ", et qu'ayant déclaré son salarié sans recevoir de " fins de non-recevoir ", il pensait être dans la légalité. Toutefois, il est constant que ni le titre italien précité, ni aucun titre l'autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France n'a été communiqué par M. A... à son employeur. Dans ces conditions, la SAS IMD Optique, qui certes s'est acquittée de la déclaration préalable à l'embauche auprès de l'URSSAF, conformément aux dispositions de l'article L. 5221-9 du code du travail, ne justifie pas avoir accompli l'ensemble des diligences obligatoires qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du même code. Les circonstances que M. A... aurait menti à son employeur et que le gérant de la société n'avait pas suivi de formation spécifique pour l'emploi des étrangers sont sans incidence à cet égard. Par suite, la société IMD Optique ne peut se prévaloir de sa bonne foi, et à plus forte raison de la présomption de bonne foi posée à l'article 2274 du code civil s'agissant de la prescription acquisitive en matière immobilière, pour se soustraire à l'application des dispositions précitées, alors en vigueur, des articles L. 8253-1 du code du travail prévoyant la contribution spéciale et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine, ni de la circonstance que M. A... serait toujours sur le sol français ce qui s'opposerait selon elle à ce que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement soit mise à sa charge, cause d'exonération non prévue par le code du travail ou le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, si la SAS IMD Optique se prévaut de la circonstance que M. A... serait toujours sur le territoire français, l'obligation de quitter le territoire français dont celui-ci aurait fait l'objet n'ayant toujours pas été exécutée, une telle circonstance est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la contribution litigieuse, les dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnant pas la mise à la charge de l'employeur de la contribution représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine au caractère effectif de ce réacheminement.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 8252-2 du code du travail : " Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite : (...) / 2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable ". Selon l'article R. 8252-6 du même code : " L'employeur d'un étranger non autorisé à travailler s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252- 2 ". Aux termes de l'article R. 8253-2 même code : " I- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Le juge administratif peut décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par l'article L. 8253-1 du code du travail, soit d'en décharger l'employeur, mais ne peut moduler l'application du barème fixé par les dispositions précitées.

7. La SAS IMD Optique se prévaut des circonstances que le comportement de M. A... à son égard est une cause objective de licenciement pour faute grave, de sorte que l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis n'avaient pas à lui être versées et " qu'elle a supporté toutes ses responsabilités et a fait preuve de professionnalisme en exécutant toutes ses obligations patronales ". Toutefois, la circonstance qu'elle ait licencié l'intéressé n'est pas de nature, contrairement à ce qu'elle soutient, à l'exonérer du paiement à ce dernier de l'indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire prévue par l'article L. 8252-2 du code du travail, laquelle doit être versée en cas de rupture de la relation de travail, quel qu'en soit le motif ou, le cas échéant, de l'indemnité compensatrice de préavis. Dès lors qu'il est constant que ni l'une ni l'autre de ces indemnités n'ont été versées à M. A..., la société ne peut être regardée comme s'étant acquittée, dans le délai de trentejours prévu par l'article L. 8252-4 du code du travail, de l'intégralité des salaires et indemnités prévus par l'article L. 8252-2 du même code. Par suite, le montant de la contribution spéciale fixé à 7 240 euros par l'OFII doit être maintenu.

8. Par ailleurs, eu égard au principe d'indépendance des procédures administrative et pénale, la circonstance que le gérant de la société requérante n'a fait l'objet que d'un rappel à la loi, le 22 juillet 2020, pour le fait d'emploi d'un étranger non muni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée, est sans incidence sur la fixation du montant des contributions spéciale et forfaitaire mises à la charge de la société. Cette seule circonstance est en outre insuffisante pour justifier la décharge des sommes en litige.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS IMD Optique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres de perception émis à son encontre les 19 et 24 novembre 2020 pour le recouvrement de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail d'un montant de 7 240 euros et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine d'un montant de 2 553 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS IMD Optique est rejetée.

Article2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS IMD Optique, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au directeur départemental des finances publiques.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024.

La rapporteure,

A. COLLET La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00405
Date de la décision : 25/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SAS ITRA CONSULTING

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-25;23pa00405 ?
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