Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... et C... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris :
1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1911464 du 13 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 13 septembre 2021 et 16 février 2022, M. et Mme A..., représentés par Me de Lassus, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'imposition litigieuse méconnaît l'article 150-0 A du code général des impôts dès lors que le rachat annulation des actions des sociétés actions simplifiées (SAS) DOM COM 4, 5, 6 et 7 constitue une cession à titre onéreux ;
- à supposer qu'il s'agisse d'une cession à titre gratuit, elle impliquerait que soit rapportée la preuve d'une intention libérale au profit des SAS DOM COM ;
- le rehaussement est contraire à l'interprétation de la loi fiscale, contenue dans l'instruction référencée BOI-ENR-DMTG-20-10-10-20190502, paragraphe 10 ;
- le service n'apporte pas la preuve de la réalité du manquement délibéré, au sens de l'article 1729 du code général des impôts, dès lors que la qualification juridique des opérations de rachat-annulation intervenues était manifestement complexe et incertaine, et que l'imputation litigieuse était préconisée par la société DOM COM INVEST par un courrier du 10 mai 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique substitue aux pénalités de l'article 1729 du code général des impôts la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du même code, et conclut au rejet du surplus de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu le certificat de dégrèvement d'un montant de 7 742 euros en date du 19 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Soyez, rapporteur ;
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;
- et les observations de Me Lucas, substituant Me de Lassus, pour M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a souscrit, en 2011, au capital des SAS DOM COM 4, DOM COM 5, DOM COM 6 et DOM COM 7, dans le cadre d'opérations d'investissements productifs bénéficiant de mesures de défiscalisation en faveur de l'outre-mer, pour un montant de 226 337,66 euros. Le 31 décembre 2016, le président de la SARL DOM COM INVEST, en qualité de directeur général des SAS DOM COM 4, 5, 6, et 7, a procédé, au rachat-annulation " à titre gratuit " des actions émises en 2011 dans le cadre de l'augmentation de leur capital social. Par suite, M. et Mme A... ont déclaré, au titre de l'année 2016, une moins-value de cession de 131 681 euros au titre de leurs revenus mobiliers, par différence entre une plus-value de 94 157 euros dégagée sur d'autres titres et une moins-value de cession des actions souscrites au prix de 226 338 euros, résultant de ce rachat-annulation. Par une proposition de rectification du 13 juillet 2018, le service a rejeté la qualification de cession à titre onéreux de valeurs mobilières de ce rachat-annulation, et partant l'imputation d'une moins-value à ce titre sur leurs revenus mobiliers. Il les a assujettis à des suppléments d'impôt sur le revenu et à de contributions sociales, assortis de l'intérêt de retard et de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts. Leur demande en décharge ayant été rejetée par jugement n° 1911464 du tribunal administratif de Paris en date du 13 juillet 2021, ils relèvent régulièrement appel de ce jugement.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 19 janvier 2022, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a prononcé le dégrèvement, à concurrence de la somme de 7 742 euros des pénalités qui ont été infligées à M. et Mme A..., par substitution à la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts en cas de mauvaise foi, de celle de 10 % prévue à l'article 1758 A du même code en cas d'inexactitudes ou omissions. Par suite, les conclusions de la requête de M. A... sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. D'une part, en vertu des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, le contribuable qui s'est abstenu de répondre à une proposition de rectification dans le délai de 30 jours, est regardé comme ayant acquiescé aux rectifications et supporte, de ce fait, la charge de prouver caractère exagéré de ces dernières. D'autre part, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie, d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions. Les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.
4. En l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier que M. et Mme A... n'ont pas présenté d'observations à la proposition de rectification substitutive du 13 juillet 2018. En tout état de cause, il incombe au contribuable qui sollicite l'imputation d'une moins-value subie à l'occasion de la cession de valeurs mobilières de justifier de la réalité et du montant de cette dernière. Par suite la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions litigieuses est dévolue aux requérants.
5. L'article 150-0 A du code général des impôts porte que : " I. - 1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu. (...) / II. - Les dispositions du I sont applicables : (...) 6. Au gain net retiré par le bénéficiaire lors d'un rachat par une société émettrice de ses propres titres et défini au 8 ter de l'article 150-0 D (...) ". Aux termes du 8 ter de l'article 150-0 D du même code : " Le gain net mentionné au 6 du II de l'article 150-0 A est égal à la différence entre le montant de remboursement et le prix ou la valeur d'acquisition ou de souscription des titres rachetés ". Aux termes du 11 de de l'article 150-0 D de ce code : " Les moins-values subies au cours d'une année sont imputables exclusivement sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année ou des dix années suivantes ". Il résulte de ces dispositions qu'une cession d'action en cas de rachat ou d'une annulation ne peut être prise en compte pour comptabiliser éventuellement une moins-value que si elle a été effectuée à titre onéreux. A cet égard, la circonstance qu'une opération de cession de titres interviendrait pour un prix nul n'est susceptible d'entraîner sa qualification en cession à titre gratuit que s'il est établi que la valeur vénale des titres cédés n'est pas nulle ou qu'aucune contrepartie n'a été retirée de la cession. En outre, l'exclusion du caractère onéreux de la cession implique la démonstration d'une libéralité consentie par la partie qui l'accorde et acceptée par celle qui la reçoit.
6. D'une part, si l'administration fait valoir que la cession des sociétés DOM COM 4, DOM COM 5, DOM COM 6 et DOM COM 7 a été effectuée à titre gratuit, en se référant aux mentions figurant dans les procès-verbaux de cession du 26 décembre 2016, M. et Mme A... se prévalent, sans être contestés efficacement, de la perte de toute valeur économique de ces mêmes sociétés. Ils justifient ainsi de ce que le rachat-annulation de leurs titres, en l'absence de valeur vénale, a été effectué pour un prix nul. D'autre part, si l'administration objecte que l'opération de cession de ces dernières s'est accompagnée d'une augmentation de leur capital, il ne résulte pas de l'instruction que les requérants auraient renoncé à un engagement de souscrire à cette augmentation ni qu'ils auraient cédé à un tiers leur droit d'y souscrire. Par suite, il n'est pas établi pas que la cession des parts des requérants dans ces sociétés se soit accompagnée d'une contrepartie pour eux, autre que le prix reçu, dont le prix de cession aurait dû tenir compte. Dès lors, malgré les mentions évoquées ci-dessus, la cession litigieuse à prix nul doit être regardée comme constituant une cession à titre onéreux.
7. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, d'une part, qu'il n'y a pas lieu à statuer sur la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts, d'autre part, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande, et à obtenir la décharge des droits et pénalités restant en litige.
Sur les frais liés au litige :
8. M. et Mme A... étant dans la présente instance la partie qui l'emporte, il y a lieu de condamner l'Etat à leur verser une somme de 1 500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts.
Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés du surplus des impositions en droit et pénalités.
Article 3 : L'Etat versera M. et Mme A... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 22 mars 2024.
Le rapporteur,
J.-E. SOYEZ Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA05085