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21/03/2024 | FRANCE | N°23PA04915

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 21 mars 2024, 23PA04915


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2023 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités néerlandaises.



Par un jugement n° 2321806/8 du 3 novembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 6 septembre 2023 du préfet de police et lui a enjoint de délivrer à Mme A... une attestation de demande d'asile en proc

dure normale dans un délai de dix jours.



Procédure devant la Cour :



Par une requête,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2023 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités néerlandaises.

Par un jugement n° 2321806/8 du 3 novembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 6 septembre 2023 du préfet de police et lui a enjoint de délivrer à Mme A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2023, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 2321806/8 du 3 novembre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A... en tant qu'elle est dirigée contre la décision portant transfert aux autorités néerlandaises et qu'elle prononce une injonction de délivrer à l'intéressée une attestation de demande d'asile en procédure normale.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté du 6 septembre 2023 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de méconnaissance de ces stipulations.

La requête a été communiquée à Mme A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., née le 8 août 1989 à Mardin et de nationalité turque, est entrée en France le 1er novembre 2022 et y a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 4 juillet 2023. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que l'intéressée avait présenté une demande d'asile auprès des autorités néerlandaises le 19 octobre 2022, le préfet de police a adressé à ces autorités une demande de reprise en charge de Mme A... en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que les autorités néerlandaises ont acceptée. Le préfet de police a décidé du transfert de Mme A... aux autorités néerlandaises par un arrêté du 6 septembre 2023, lequel a été annulé par un jugement du 3 novembre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris. Le préfet de police interjette appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : a) une décision d'irrecevabilité prise en application des 1° ou 2° de l'article L. 531-32 ; / b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; / c) une décision de rejet ou d'irrecevabilité dans les conditions prévues à l'article L. 753-5 (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Pour annuler l'arrêt contesté, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a retenu que le préfet avait commis une erreur de droit ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'époux de Mme A... est dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile à la suite d'un recours enregistré le 17 juillet 2023 contre une décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 21 juin 2023.

4. D'une part, si le préfet soutient que la demande d'asile de M. A... a été rejetée pour irrecevabilité au sens des dispositions de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile conduisant à ce que ce dernier ne puisse plus bénéficier d'un droit au maintien au séjour, et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire " asile " par un arrêté notifié le 17 mars 2023 à la suite d'un premier rejet définitif d'une demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 7 novembre 2022, il ne verse aucune pièce au dossier de nature à confirmer l'existence de ces décisions. S'il est constant que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté la demande de réexamen de M. A..., il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, versées en appel ou en première instance, que ce rejet aurait été prononcé pour irrecevabilité, la circonstance qu'une première demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile ne suffit pas à corroborer ces allégations. Dès lors, M. A... ne peut être regardé comme relevant des dispositions de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. D'autre part, s'il est constant que M. et Mme A... ont vécu séparément durant une période de moins d'un an, il ressort des pièces du dossier que ces derniers sont mariés depuis le 7 novembre 2013 et qu'ils sont parents de deux enfants, nés respectivement en Turquie et en France le 9 février 2015 et le 3 août 2023, soit antérieurement à la date de l'arrêté contesté. Par ailleurs, le préfet de police n'établit ni même n'allègue que le couple vivrait séparément sur le territoire français. Enfin, la circonstance que le mariage a eu lieu en Turquie est sans incidence sur la réalité de cette union.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé, pour erreur de droit et erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, son arrêté du 6 septembre 2023.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Mme B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04915


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04915
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. DORE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;23pa04915 ?
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